X. {Mersivan} — Allocution prononcée en Amérique le 13 décembre 1915 par un professeur du collège de X. {Mersivan} communiquée par le Comité Américain de Secours aux Arméniens et aux Syriens.

La ville de Turquie d'Asie d'où je viens, avait au premier juin de cette année (1915) une population de 25.000 âmes dont la moitié était arménienne et l'autre turque. Lorsque, je quittai X..., le 18 août, les 12.000 Arméniens qui formaient la moitié arménienne de la population de la ville avait été envoyée en exil ou mise à mort. Le sort des Arméniens de X... n'est qu'un exemple de ce qui arriva à ces malheureuses populations arméniennes dans toutes les autres villes de l'Asie Mineure et de l'Arménie.

Il y a plus de cinquante ans, le Conseil des Commissaires des Missions Etrangères, fonda une mission dans la ville de X..., qui devint au cours des années suivantes, un centre important religieux, médical et scolaire. Nous y avions une école de garçons, qui comprenait 425 élèves, presque tous pensionnaires venus de toutes les parties de l'Asie Mineure, des Etats Balkaniques et de Russie. Nous y avions aussi une pension de jeunes filles qui comprenait 276 élèves. En dehors de ces établissements, nous possédions aussi un grand hôpital dont nous avions récemment renouvelé le matériel à grands frais. Le médecin américain et les infirmières arméniennes, en plus de leurs grandes occupations ordinaires, y soignaient les soldats malades de l'armée ottomane sous le patronage de la Société de la Croix-Rouge Américaine. La moitié environ du personnel de ces trois institutions était arménienne. Plus de la moitié des répétiteurs et des professeurs des écoles et presque toutes les infirmières de l'hôpital appartenaient aussi à cette même race, qui depuis l'ère Chrétienne a toujours été l'avant-garde de la civilisation chrétienne aux frontières de la chrétienne té contre les païens et les mahométans d'Asie. Elle a été la première dans les temps modernes à répondre et à coopérer à l'effort des missionnaires modernes dans le Proche-Orient.

Il ne reste, à présent, plus un seul professeur ou élève arménien dans le Collège de notre Mission à X.., de plus de deux cents qui s'y trouvaient avant le commencement de la guerre. Tous, par l'ordre des plus hautes autorités gouvernementales, ont été envoyés en exil ou tués. Les jeunes institutrices innocentes et les élèves de l'Ecole de Jeunes Filles qui étaient restées à l'école pendant les vacances d'été, à cause des difficultés du voyage pour rentrer chez elles, furent emmenées avec une brutalité inexprimable par les gendarmes turcs sur les ordres du Gouvernement. Mais le Directeur Américain de l'Ecole de Filles, avec autant de courage que d'héroïsme, sauva quarante et une d'entr'elles de la mort ou d'un sort pire encore, après un mois de poursuite par une route difficile et dangereuse.

Les jeunes infirmières de l'hôpital qui risquaient leur vie à sauver les soldats de l'armée turque atteints de la fièvre mortelle du typhus, furent emmenées parles gendarmes avec une méchanceté et une cruauté insensées, tout comme leurs malheureuses sœurs. Le médecin américain qui dirigeait notre hôpital pria les officiers turcs chargés des déportations, d'épargner les infirmières qui soignaient leurs propres soldats. Les officiers répondirent qu'ils avaient l'ordre de leurs supérieurs de ne l'aire aucune exception ; mais, puisque le docteur priait avec tant d'insistance, quatre des douze infirmières seraient autorisées à rester provisoirement pour continuer leur œuvre de miséricorde. Ceci nous mit en présence de la tâche navrante de choisir celles qui devaient partir et celles qui devaient rester. C'était jeter des perles devant le pourceau pour décider du sort. Quelques-unes des meilleures et des plus expérimentées des infirmières choisirent de partir ; l'une d'elles qui avait un diplôme d'un des principaux hôpitaux de Londres, qui était un des pionniers de la profession d'infirmières en Asie Mineure et qui était connue comme la « Florence Nightingale » d'Arménie, fut emmenée avec les jeunes femmes de l'Ecole de Filles. Elle n'était pas des quarante et une qui furent sauvées. Quoiqu'elle ait eu une grande âme, elle était boiteuse et pas avenante physiquement et c'est probablement pour cela qu'on la laissa mourir en route au lieu de la réserver pour une vie de honte.

Je me propose maintenant de vous montrer, aussi bien qu'il me sera possible, par les faits que j'ai constatés à X., concernant ces événements, comment le travail de cette grande station de notre Mission en Asie Mineure, œuvre à laquelle je me suis consacré comme missionnaire depuis dix ans, à laquelle des centaines d'Américains prennent personnellement un profond intérêt et y consacrent des milliers de dollars de leur argent péniblement gagné, et à laquelle une vingtaine de missionnaires ont voué leur vie, a été soudain et brutalement interrompu par le gouvernement turc le 10 et 12 août de cette année (1915). Vous verrez incidemment comment ce travail de destruction a fait ressortir les plans du gouvernement turc profondément et soigneusement exécutes pour l'assassinat et l'anéantissement du peuple Arménien.

Vous verrez, comment ce gouvernement a méprisé et raillé tous les efforts des missionnaires et des représentants diplomatiques de notre Gouvernement qui cherchait à sauver les vies et l'honneur de femmes et de filles innocentes. Vous verrez aussi, comment il est possible pour des chrétiens et des chrétiennes de rester fidèles à leur foi dans ce XXe siècle, devant les persécutions qui ne le cèdent en rien en intensité aux persécutions passées et qui dépassent par leurs proportions tout ce qui a été infligé aux premiers martyrs chrétiens par les plus cruels empereurs païens de Rome. Vous serez peut-être surpris de l'entendre dire mais, cela est cependant vrai qu'il y a dans le monde aujourd'hui des hommes qui sont les égaux de Néron en cruauté.

En me rendant de X..., à Constantinople1, je vis, au moins, 60.000 déportés dont les trois quarts étaient des femmes et des enfants, qui avaient été arrachés de leurs foyers et de tout ce qu'ils possédaient au monde, et traînés dans les champs, le long de la ligne du chemin de fer, sans abri, sans moyens de subsistance, affamés, malades, mourants, attendant que les exigences du trafic du chemin de fer permissent de les entasser comme des moutons dans des wagons à marchandises, pour être transportés vers l'Est et mourir dans les déserts, à moins de mourir en route ou de disparaître dans quelque harem Turc. J'ai vu des centaines de mères au cœur brisé par les cris de leurs enfants mourant de faim, qu'elles étaient impuissantes à secourir ou à sauver. Les fonctionnaires du chemin de fer allemand, agissaient d'accord avec les fonctionnaires corrompus du gouvernement turc, pour extorquer tout l'argent qu'ils pouvaient tirer de cette malheureuse foule. Les cinquante mille déportés que je vis ne représentaient qu'une petite part de la succession des caravanes qui sont passées sur cette route pendant des mois2. Une évaluation des plus modérées du nombre des victimes qui y ont péri de la sorte, donne le chiffre de 500.000 et cela continue encore.

J'ai reçu le baiser d'adieux et les embrassements de départs de chrétiens dont quelques-uns étaient diplômés de nos meilleures institutions américaines, des hommes avec lesquels j'ai travaillé pendant dix ans à l'œuvre d'éducation de ce pays, tandis qu'ils étaient gardés par des gendarmes brutaux, envoyés par les plus hautes Autorités Gouvernementales pour les emmener avec leurs femmes et leurs enfants de leurs foyers, de leurs travaux et de toutes les institutions qui leur étaient les plus chères et les conduire en exil, ou à la mort, et pour quelques-uns d'entr'eux, vers un destin pire encore. Nous n'avions pas de meilleurs amis dans ce monde que ces malheureux. Se séparer d'eux dans ces conditions était une épreuve plus pénible qu'il ne serait possible de le dire, et cependant, il ne fut versé que peu de larmes de part et d'autre. Le sentiment était trop profond pour de vaines larmes. J'ai souvent vu des tableaux représentant les martyrs des premiers chrétiens, blottis dans l'arène du Colisée, s'attendant à tous moments à être mis en morceaux par des lions affamés qu'on allait lâcher sur eux, tandis que les spectateurs impatients regardaient en sécurité de leurs sièges et attendaient d'être divertis par le spectacle. Et, j'avais cru que tant do cruauté et que de tels amusements étaient impossibles dans ce XXe siècle. Mais, Je me trompais, j'ai vu 62 femmes et filles arméniennes, âgées de 15 à 25 ans, entassées dans les chambres de notre école américaine de filles à X ., pendant qu'au dehors, des hommes plus cruels que des fauves, attendaient prêt à les enlever et ces hommes nous demandaient, appuyés par les plus hautes autorités du gouvernement de leur livrer ces filles sans défense à leurs mains brutales, pour en faire ce qu'il leur plairait. Je croyais qu'il n'y avait pas un homme au monde aujourd'hui qui pût trouver plaisir à un pareil spectacle. Ici, encore, je m'étais trompé. Car lorsque la femme de notre Ambassadeur à Constantinople fit une démarche personnelle auprès de Talaat Bey, le Ministre de l'Intérieur du cabinet turc, — l'homme qui plus que tout autre, a élaboré et exécuté cette déportation des Arméniens, et qui s'est vanté d'avoir pu détruire plus d'Arméniens en trente jours qu'Abdul-Hamid n'en avait détruit en trente ans,— lorsqu'elle fit cette démarche auprès de ce ministre turc, le priant d'arrêter cette persécution cruelle contre les femmes et les filles arméniennes, la seule réponse qu'elle reçut, fut la suivante : « TOUT CECI NOUS AMUSE. »

Je vais maintenant exposer quelques-uns des événements les plus importants qui ont atteint ce degré d'horreur.

Nous apprîmes avec surprise, dans la matinée du dernier mercredi d'avril, que le professeur d'Arménien de notre collège avait été arrêté la nuit précédente, avec plusieurs3, d'autres notables de la ville. Nous étant informés, nous apprîmes que tous ces hommes avaient été ou étaient des membres de l'une des deux Sociétés Nationalistes Arméniennes les Henchakisles ou les Dachnakistes4. Ces Associations avaient une existence légale, reconnue par le gouvernement turc. Elles avaient, jusqu'à tout récemment été en bons termes avec le gouvernement Jeune-Turc. Elles avaient collaboré avec le parti Union et Progrès, pour renverser la tyrannie de Abdul-Hamid en 1908. Ils désiraient collaborer avec les Turcs pour établir un gouvernement constitutionnel éclairé en Turquie. Mais que lorsque récemment, le gouvernement adopta la politique d'extermination des Arméniens, il semble qu'il crût utile de frapper d'abord les chefs des Associations Nationalistes Arméniennes. Plusieurs des membres principaux de ces Sociétés furent pendus à Constantinople. Ceux arrêtés dans notre ville furent retenus en prison pendant quelques jours, puis ils furent envoyés à la capitale de la province où ils furent torturés et exposés à la contagion du typhus. Six semaines après leur arrestation, leurs familles furent prévenues par les fonctionnaires du gouvernement que pas un d'eux n'était vivant. La femme de notre professeur était une jeune femme cultivée qui pendant des années avait donné des leçons à notre école de filles. Elle devint veuve avec une enfant, une petite fille. Elle resta seule chez elle, mais pas pour longtemps. Car quelques semaines après, lorsque tous les Arméniens de son quartier furent déportés, elle fut emmenée avec ce qui restait de la population arménienne. Je la vis habillée en femme turque tenant sa petite fille par la main, tandis qu'elle passait devant notre grille, le matin de son départ, avec des centaines d'autres femmes et d'enfants, destinés à être enlevés ou à mourir.

Pendant le mois de mai le gouvernement enrôla très activement pour l'armée des jeunes arméniens qui n'avaient pas été encore mobilisés. Le plus grand nombre déjà était sous les drapeaux ayant été appelés dès le début de la guerre. Quelques-uns de nos élèves Arméniens avaient déjà été promus officiers dans l'armée turque, en raison de leur instruction supérieure et de leur intelligence. Ceux qui étaient restés étaient appelés maintenant. Ceux qui en avaient les moyens payèrent la taxe d'exemption de quarante-quatre livres turques (environ mille francs) et étaient restés chez eux. Ceux qui furent engagés dans les derniers contingents n'étaient pas en général autorisés à porter les armes. On les obligeait à faire des travaux manuels, tels que construction de route, transports de fournitures pour l'armée, car la plupart des chevaux, des baudets, appartenant aux pauvres gens, et qui avaient été réquisitionnés pendant les premiers mois de guerre étaient morts soit par manque de soin, soit par surmenage.

Au mois de juin, le gouvernement fit proclamer à plusieurs reprises, par des crieurs publics dans les rues un ordre enjoignant à toute la population de livrer toutes les armes à la police. Il n'y avait rien d'étonnant à ce que les Arméniens eussent des armes en leur possession. C'était l'usage dans le pays, par suite de l'insécurité de la vie et des biens, et tous ceux qui en avaient les moyens possédaient des armes pour leur défense personnelle. Il était clair que cet ordre visait les Arméniens, car eux seuls furent forcés d'y obéir, tandis qu'on n'y obligeait pas leurs voisins musulmans qui possédaient au moins autant d'armes qu'eux. Cet ordre éveilla les soupçons des Arméniens, car ils se souvenaient qu'en des occasions antérieures, lorsque les Turcs projetaient un massacre des Arméniens, ils commençaient par les désarmer. Beaucoup d'Arméniens hésitèrent pour ces motifs à leur livrer leurs armes et certes aucun d'eux n'en eut livré, s'ils avaient eu une idée du plan que les Turcs préparaient contre eux. Cependant le gouvernement prit un soin tout particulier, à rassurer les Arméniens, leur promettant protection et sécurité, s'ils livraient leurs armes, on leur déclara qu'ils ne pourraient faire preuve de leur loyalisme qu'en obéissant à l'ordre, et on les menaça des punitions les plus dures en cas de refus. La plupart des Arméniens livrèrent leurs armes malgré toutes leurs appréhensions ; et quelques-uns d'entr'eux, pour prouver leur loyalisme, aidèrent même le gouvernement à désarmer leurs propres coreligionnaires. Quelques-uns seulement tinrent bon et cachèrent leurs armes dans leurs maisons ou leurs jardins. Les personnes qui en étaient soupçonnées étaient arrêtées amenées au gouvernorat, où on les soumettait aux tortures les plus cruelles. D'ordinaire, on les attachait et on leur donnait la bastonnade jusqu'à ce qu'ils perdissent connaissance. On leur versait souvent de l'eau bouillante sur la plante des pieds pour augmenter la douleur de la bastonnade. On ordonnait ordinairement à la victime d'avouer qu'elle avait conspiré contre le gouvernement, et souvent on les forçait à en accuser d'autres ; et pour échapper à l'épouvantable douleur de la torture, ceux-ci finissaient par dire tout ce que l'on voulait et ces déclarations arrachées sous la torture servaient de preuves contre d'autres. Deux hommes de notre ville au moins moururent sous la torture. Deux de nos employés la subirent. L'un était un portier et l'autre un forgeron qui faisait les réparations dans nos Etablissements. Je vis deux gendarmes conduisant cet homme devant notre grille un après midi de juin. Ils l'emmenèrent au gouvernement. Là, ils le ligotèrent et quatre brutes remplirent sa bouche avec des ordures et le rouèrent de coups de bâton jusqu'à ce qu'il s'évanouisse. Dès qu'il eut repris connaissance, ils recommencèrent. Apparemment, ils avaient l'intention de le tuer par les coups et ils y seraient parvenus sans l'intervention opportune d'un gendarme ami, un circassien, qui avait été à notre service et connaissait l'Arménien qu'on torturait. Il intervint et délivra le malheureux de ses bourreaux et l'emporta sur son dos chez lui, à la nuit, afin de passer inaperçu. Il avait été sauvé, mais pas pour longtemps. Lorsqu'un mois après5 il fut guéri, il fut emmené avec sa femme et deux petits enfants, avec les autres déportés. Nous apprîmes plus tard, que cet homme avait été torturé pour avoir été vu fondant un boulet de 16 livres que nous lui avions commandé pour servir aux exercices de la fête sportique du collège. L'homme qui l'avait vu, avait rapporté à la police qu'il fabriquait des bombes.

Après avoir affaibli les Arméniens on envoyait les jeunes gens à l'armée et après avoir terrorisé les autres, une nuit, vers la fin de juin6, la police et les gendarmes perquisitionnèrent soudain et sans aucun avertissement dans les maisons des Arméniens qui restaient encore dans la ville. Les hommes furent arrêtés et retenus prisonniers dans les casernes à l'extrémité de la ville. Le total s'en élevait à 1.213. Deux de nos professeurs Arméniens furent encore arrêtés à cette occasion7. Après avoir été encore retenus pendant quelques jours, un très petit nombre, en payant de très fortes sommes comme pots-de-vin8 aux fonctionnaires, furent autorisés à se convertir à l'islamisme, et on les sortit de prison pour les envoyer, quelques jours après, dans une direction opposée à celle prise par les déportés. On déclara aux autres qu'ils iraient en exil à Mossoul à 600 ou 700 milles de distance dans les déserts de Mésopotamie.

Certainement l'intention du Gouvernement n'était pas de faire en sorte que ces malheureux pussent arriver à destination. Son but était l'extermination et non une simple déportation. Tandis qu'ils étaient encore dans les casernes, le commandant de gendarmerie chargé de leur déportation vint à notre Mission et parla librement de la déportation des Arméniens, en présence de tous les Américains de notre station. Il dit que pas un sur mille n'arriverait à Mossoul et que s'il en arrivait un, il ne pourrait pas survivre en raison de l'hostilité des nomades de cette région et de l'impossibilité d'y gagner sa vie, dépourvu comme l'étaient les Arméniens, de toutes ressources. «  Orada Christiyanlik Olmaz ». C'est l'expression turque dont il se servit et qui signifie : « Là-bas le Christianisme est impossible. » Le but du Gouvernement était de se débarrasser du Christianisme dans l'Empire Ottoman en se débarrassant des chrétiens. Le Maire de notre ville dit à notre agent consulaire américain9 : que le Gouvernement avait l'intention de se débarrasser d'abord des Arméniens, puis des Grecs et en dernier lieu des étrangers, de manière à avoir la Turquie pour les Turcs. Enver Pacha fit la même déclaration à notre Ambassadeur. Les 1.213 hommes dont je viens déparier, après avoir été retenus quelques jours, furent attachés par petits groupes de cinq ou six hommes chaque et furent emmenés la nuit par compagnie de 50 à 150 sous l'escorte de gendarmes, à une quinzaine de milles de la ville10, ils furent arrêtés parles gendarmes et des bandits appelés chettis et furent cruellement mis à mort à coups de hache. Ces chettis étaient des criminels relâchés des prisons de Constantinople et des villes de l'intérieur, qui avaient été postés sur les routes dans le but déterminé de piller les Arméniens au passage de leurs convois sur les routes. L'un des gendarmes qui accompagnait ces 1.213 déportés se vanta à notre professeur de français, d'avoir tué 1.000 Arméniens de ses propres mains après s'être fait payé 150 livres turques par eux. Le chef de la police de X... déclara que pas un de ces 1.213 hommes n'avait survécu. Notre agent consulaire visita la scène de ce massacre au mois d'août11 et il en emporta des « Noufous Tezkéressi » ou papiers d'identification qu'il avait pris sur les cadavres des victimes. J'ai vu de mes yeux ces papiers, ils étaient tous souillés de sang12. Le motif allégué par le gouvernement pour toutes ces cruautés était la nécessité militaire. Il prétendait que les Arméniens étaient un élément rebelle de la population qu'il était nécessaire d'affaiblir pour ne pas être frappé dans le dos, tandis qu'on devait faire face à l'ennemi. Ce n'était qu'un prétexte, le motif réel était un mélange de fanatisme religieux, de jalousie, de cupidité pour le pillage et de luxure bestiale. Ceci fut prouvé par ce qui suivit. Si leur motif avait été d'affaiblir les Arméniens pour se protéger contre une attaque, ils avaient réussi de la manière la plus complète. Les Arméniens étaient absolument impuissants, tous les hommes forts avaient été envoyés à l'armée, tués ou exilés. Tout ce qui restait maintenant, n'était composé que de femmes, d'enfants et de vieillards. Mais lorsque le Gouvernement eut réduit les Arméniens à cet état d'impuissance, il décida d'exterminer le reste. Des crieurs publics furent envoyés dans les rues13 annonçant au peuple que tous les Arméniens devaient être déportés. Pas un être portant un nom arménien, riche ou pauvre, vieux ou jeune, malade ou bien portant, homme ou femme, ne devait être laissé dans la ville. On leur donnait trois jours pour se préparer à partir.

Cette annonce produisit une grande consternation dans la population. Ils vinrent en grand nombre à la Mission nous priant de leur donner conseil sur ce qu'il y avait à faire, apportant leur argent, leurs bijoux et d'autres objets de valeur, et nous priant de les leur garder. Quelques-uns nous offrirent de nous donner leurs enfants, sachant qu'il leur serait impossible de les garder vivants pendant ce terrible voyage. La promesse des trois jours ne fut pas tenue. Le lendemain même, dans la matinée, la police locale avec des gendarmes bien armés de fusils Mauser commença à entrer dans les maisons, à en faire sortir les femmes et les enfants dans la rue, à fermer à clef derrière eux les portes de leurs maisons, et à y mettre les scellés du gouvernement, les dépossédant ainsi de tout ce qu'ils avaient au monde. Ils assignèrent ensuite de quatre à cinq personnes pour chaque char à bœufs qu'ils avaient amenés avec eux pour le transport de déportés. Ces chars n'étaient pas destinés aux personnes qui devaient marcher à côté. Ils devaient servir au transport d'un coussin et d'une couverture par tête. Lorsqu'ils avaient ainsi rassemblé de 500 à 1.000 personnes celles-ci étaient mises en marche vers l'Est, en de douloureux convois conduits par des gendarmes. Jour par jour, pendant le mois de juillet, nous vîmes de pareils convois passer devant le collège, les femmes portant leurs petits enfants dans les bras et conduisant les autres par la main, n'ayant plus rien en ce monde, partant pour un voyage sans espoir, jusqu'à des distances de plus de 1.000 kilomètres, dans le désert, pour y mourir misérablement ou être capturées par les Turcs. A la fin de juillet, la ville avait été vidée de ses 12.000 habitants arméniens. Il ne restait que les Arméniens de la Mission. Craignant pour leur sécurité, nous avions essayé de nous mettre en communication avec Constantinople. Tous nos télégrammes à ce sujet furent interceptés par les autorités. Lorsque nous nous plaignîmes au gouverneur de ce qu'il nous empêchait de communiquer avec notre ambassadeur, il nous déclara franchement, qu'il ne nous serait pas permis de communiquer avec lui. Ceci avait une signification sinistre pour nous. C'était non seulement une menace contre les Arméniens de nos établissements, mais contre nous-mêmes. Le gouverneur avait déclaré fermement depuis le commencement qu'il déporterait tous les Arméniens de notre Mission aussitôt qu'il lui conviendrait. Tous moyens de communication ayant échoué, nous envoyâmes à Constantinople un de nos instituteurs grecs et derrière lui, un de nos maîtres anglais, pour informer notre ambassadeur à Constantinople de la situation dans laquelle nous nous trouvions. Ils rapportèrent les menaces du gouvernement à M. Morgenthau qui alla immédiatement voir Talaat Bey, le Ministre de l'Intérieur, Enver Pacha, le Ministre de la Guerre et il obtint de tous les deux des assurances formelles que des ordres seraient donnés aux autorités locales de X... pour exempter de la déportation les Arméniens de nos écoles et hôpitaux. Il envoya plusieurs télégrammes à notre agent consulaire à cet effet en lui donnant l'ordre de venir à X... pour veiller sur nos intérêts. Les ministres semblent avoir nettement menti à notre ambassadeur ou leurs subordonnés ont désobéi à leurs ordres, ce qui aurait dénoté un état d'anarchie dans le pays. Or, il n'y avait aucun signe d'anarchie dans les agissements contre les Arméniens ; il n'y a eu aucune révolte de la foule. Tout semblait être parfaitement contrôlé et exécuté avec une précision militaire. Lorsque notre agent consulaire montra au gouverneur local le télégramme de l'ambassadeur, le gouverneur répondit qu'il avait reçu des ordres exactement contraires et, qui plus est, il savait bien qu'il ne recevrait pas d'autres ordres. Notre agent consulaire désirant faire un rapport complet à notre ambassadeur, partit pour rejoindre son poste à L.... le 9 août.

Le lendemain matin, 10 août, le chef de la police de la ville arriva à la porte de la façade de notre Mission accompagné d'un détachement de la police locale, d'une compagnie de gendarmes et de chars à bœufs. Ils demandèrent à entrer chez nous et nous prièrent de donner l'ordre aux Arméniens de nos établissements de sortir et de se préparer à partir. Le président du Collège leur rappela les assurances que nous avions reçues de Constantinople et dit qu'il ne pourrait pas leur permettre d'entrer chez nous sans protester. S'ils désiraient entrer, ils devraient recourir à la force et en accepter la responsabilité. Ils répondirent que si nous osions résister en quoi que ce soit aux autorités nous serions pendus tout comme des sujets ottomans. Les capitulations avaient été toutes abolies et nous n'avions plus aucun droit ni privilège spécial. Ils hésitèrent, cependant à employer la force et ils envoyèrent l'un des leurs chez le gouverneur pour lui demander des instructions. Nous lui envoyâmes en même temps, l'un de nos médecins pour faire son possible en notre faveur. Ils se rencontrèrent dans le bureau du gouverneur. L'homme de la police déclara au gouverneur que les Américains résistaient à son autorité. Le gouverneur donna l'ordre d'entrer dans la Mission par la force et d'emmener tous les Arméniens. Ils rassemblèrent encore une escouade d'une vingtaine de gendarmes, ils revinrent avec renfort et pénétrèrent chez nous par la force. Ils firent entier leurs chars à bœufs et dételèrent les bœufs. C'était une bande de nomades venue pour détruire une communauté plus civilisée. Les gendarmes entrèrent dans les bâtiments du collège et dans nos propres habitations et en firent sortir au bout de leurs fusils tous les Arméniens qu'ils purent découvrir. Nos professeurs et leurs familles étaient réfugiés dans nos maisons. Les domestiques et employés arméniens de nos institutions étaient dans les bâtiments du collège. Ils les firent tous sortir en même temps que nos domestiques personnels, dont quelques-uns étaient de jeunes femmes arméniennes et ils leur assignèrent des chars à bœufs ainsi qu'ils l'avaient fait précédemment pour les déportés de la ville.

Ils recueillirent ainsi 71 personnes des propriétés dépendant du collège. Lorsqu'ils furent sur le point de partir, nous dîmes notre dernier et bien triste adieu à ces gens avec qui nous avions travaillé pendant des années et parmi lesquels se trouvaient les meilleurs de nos amis en ce monde. Ils n'avaient pas assez de vivres. Nous fîmes part au gouverneur de leurs besoins et il nous promit de les retenir cette nuit au Monastère Arménien à deux milles de la ville pour donner le temps de préparer un approvisionnement de vivres. La boulangerie du collège travailla activement toute la nuit. Le matin un char rempli de pain fut envoyé au Monastère, mais le gouverneur n'avait pas tenu sa parole, les professeurs et leurs familles avaient continué leur voyage aussi rapidement que possible. On ne leur avait pas permis de s'arrêter au Monastère. On les avait emmenés sans vivres. Nous n'avons plus jamais eu des nouvelles de ce convoi parti de nos établissements, excepté ce que nous en ont dit quelques-uns des gendarmes qui les accompagnaient. Ils nous dirent qu'en route les hommes avaient été séparés des femmes, qu'ils avaient été emmenés à une petite distance et tués. Les femmes avaient dû continuer leur marche et on en avait disposé comme on en avait fait de celles qui étaient parties avant elles.

Deux jours après, le 12 août, le chef de la police avec un détachement de police et quelques gendarmes revint à la Mission et demanda les jeunes femmes de l'Ecole de filles. Toute la matinée s'écoula à parlementer avec la police, les missionnaires s'efforçant de les empêcher d'emmener les jeunes femmes. Le principal pensa même un moment qu'il vaudrait mieux les fusiller toutes dans le jardin de l'école que les livrer aux mains de ces brutes. Lorsqu'on vit qu'une plus longue résistance serait inutile, on prépara pour le voyage des malheureuses filles, des vivres, des vêtements et de l'argent. Leur maîtresse américaine14 essaya d'obtenir l'autorisation de partir avec elles. On le refusa d'abord, puis on lui permit d'aller jusqu'à Y..., l'étape du premier jour. Quatorze chars emportèrent les 62 jeunes femmes de l'école à deux heures de l'après-midi du 12 août. Quelques gendarmes paraissant des brutes les escortaient. Avant de sortir de la ville le convoi fut arrêté, et le gouverneur envoya chercher le président du collège afin qu'il fut témoin de ce qu'on allait faire et qu'il put constater qu'on n'exerçait aucune pression sur ces jeunes femmes pour les forcer à se convertir. La police demanda alors à chacune des jeunes femmes si elle voulait renier leur foi et à devenir musulmanes pour échapper au terrible voyage. Toutes les 62 refusèrent. Au bout d'un parcours de deux milles ; la même question leur fut posée. Elles refusèrent toutes de nouveau. La première nuit, elles arrivèrent à Y..., et elles campèrent la nuit dans un champ, hors de la ville. Le lendemain matin, la directrice américaine leur fournit un supplément de vivres et d'argent, puis le gouverneur dee Y..., lui donna l'ordre d'abandonner les filles et de retourner chez elle. Elle rentra à X..., dans la soirée du 13 août, très triste, s'attendant à ne plus jamais revoir ses filles. Quatre jours après, elle obtint la permission d'aller voir le gouverneur de Z..., espérant qu'elle pourrait le persuader et obtenir de lui l'ordre de faire retourner les filles. Elle rencontra le convoi en deçà de Z... Elle constata que 21 des 62 filles avaient été enlevées et perdues, 41 restaient encore. On lui permit de les emmener avec elle aux Etablissements de l'école américaine de Z...15. Tandis qu'elles s'y trouvaient encore, elle réussit à convaincre le gouverneur et à obtenir l'autorisation de ramener ces 41 filles à X... Le convoi y arriva le 6 septembre, après une absence de près d'un mois. C'est ainsi que quelques-unes des proies de choix de ces brutes leur furent arrachées et purent être sauvées. Ces 41 filles furent tout ce qui fut laissé des 12.000 habitants arméniens de la ville, les seules qui ne furent pan déportées, tuées ou converties par force à l'islamisme. Ce qui arriva a X..., n'est qu'un exemple de tout ce qui arriva dans chacune des autres villes d'Asie Mineure16.

Une question se pose maintenant; que pensons-nous de tout ceci ? Et quel est notre sentiment ? Nous savons tous ce que nous en pensons et ce que nous sentons. Mais il est plus difficile de répondre à la question plus pratique : « Qu'allons-nous faire ? » La plupart de ces victimes ne peuvent être atteintes par nos secours. Mais, il en reste encore de petits groupes, comme ceux dont je viens de parler dans certaines de nos stations de missionnaires, qui sont accessibles et où on pourrait envoyer des secours par l'entremise de notre Conseil d'Administration. Beaucoup se sont réfugiés en Russie où on peut leur faire parvenir des secours par le Comité de Secours aux Arméniens. Ces malheureux méritent notre aide.

Un rapport préliminaire du même auteur contient certains passages donnant des informations complémentaires, qui ne se trouvent pas dans cette allocution. Nous en donnons le texte ci-après.

(a) L'effort et l'agonie des nerfs et du cerveau que nos gens eurent à subir pendant le mois de juillet a été terrible. Ils étaient suspendus entre l'espoir que l'ambassadeur américain pourrait faire quelque chose pour eux et la crainte d'avoir peut-être à subir un jour le sort de ceux qu'ils avaient vus partir. Cette terreur de ce qui pourrait advenir à sa femme et à sa fille rendit pour un temps, un de nos professeurs fou. Ils étaient tous tourmentés par la terrible tentation de se sauver, en reniant leur foi. Ils se raisonnaient, et se disaient qu'ils pourraient professer l'islamisme avec la restriction mentale qu'aussitôt l'orage passé ils reviendraient ouvertement à leur foi. Une cinquantaine de membres de l'Eglise et de la Congrégation protestante cédèrent à cette tentation ainsi qu'un plus grand nombre de Grégoriens. Une simple déclaration de leur désir de devenir musulmans ne leur garantissait aucune sécurité. On n'accepta, moyennant le paiement de fortes sommes, que les riches et puissants et les quelques autres que le gouverneur croyait pouvoir lui être utiles. On prétendait de bonne source qu'il s'était enrichi en leur extorquant ainsi 20.000 livres turques. Beaucoup de ceux qui se convertirent à l'islamisme et qui avaient donné de l'argent furent néanmoins déportés ; mais d'ordinaire on les envoyait dans une direction opposée et étant entendu qu'ils pourraient retourner chez eux après un certain temps. Quelques-unes de ces nouvelles recrues de l'islam semblaient avoir leur nature entièrement modifiée et corrompue. Pour montrer leur sincérité dans leur nouvelle foi ils aidaient les bourreaux de leurs propres compatriotes. Un de nos élèves, le fils de l'homme le plus riche de la ville qui se convertit à l'islamisme était à notre porte le jour où l'on déportait les professeurs et leurs élèves, et il prévint les gendarmes qu'un des jeunes gens, qui avait été son camarade de classe, manquait. Les gendarmes retournèrent et le découvrirent.

b) Le 11 août, un médecin turc, qui était l'instructeur médical du vilayet de Z... vint nous voir et déclara qu'il n'approuvait pas les déportations de femmes et d'enfants et qu'il allait tenter de sauver trois filles arméniennes en les emmenant avec lui à Constantinople. Une des institutrices de l'école de filles, une infirmière de l'hôpital et une élève de l'école de filles, qui étaient de Constantinople, risquèrent d'accepter son offre. Elles se préparèrent pour le voyage en s'habillant en femmes turques, afin de ne pas éveiller l'attention en route. Dès la première nuit de leur voyage ce médecin chercha à forcer les trois jeunes femmes à devenir musulmanes et à entrer dans les maisons de ses amis. Il persista cherchant à les persuader pendant toute la nuit, mais elles restèrent fermes, il déclara alors qu'il les renverrait à X..., et les livrerait aux fonctionnaires turcs, qui les convoitaient. Le lendemain malin il les renvoya sous la garde de son domestique. Sur leur chemin de retour elles rencontrèrent le convoi qui emmenait les filles de l'école et elles se firent connaitre en appelant Miss A..., qui alla à leur secours, et apprit ce qui leur était arrivé la nuit. Elles prièrent Miss A..., d'obtenir d'être relâchées pour se joindre aux autres filles et aller eu exil avec elles et les institutrices. Le jeune homme qui les gardait les livra à Miss A..., contre délivrance d'un reçu qu'elle signa, attestant que les trois jeunes femmes lui avaient été livrées. Celles ci déclarèrent que même l'exil et les souffrances terribles qu'elles endureraient en route, leur paraissaient comme le Ciel, après ce qu'elles avaient souffert la nuit précédente. J'essayai pendant un mois d'obtenir l'autorisation d'emmener avec nous en Amérique l'une de ces trois jeunes femmes, — l'institutrice avant qu'elle ne fut déportée — mais même les efforts faits par l'ambassadeur américain en sa faveur échouèrent.

Ce qui suit est un passage d'une lettre datée du 1\14 octobre 1915 écrite par une personne qui interviewa l'auteur de l'allocution ci-dessus.

Deux familles se convertirent à l'islamisme dès le début. L'une était celle du Professeur B., avec ses trois jeunes filles qui durent immédiatement épouser des turcs; l'autre était la famille de Mr. C. un notable de la ville. Les deux étaient protestantes. Les autorités permirent à la famille de D. de rester à X. car elles avaient besoin de D. pour photographier les bombes et les fusils trouvés en la possession des « rebelles » toutes ces bombes et ces fusils ayant été spécialement groupés par les Autorités pour être photographiés. D. trouva la vie insupportable comme chrétien et se convertit aussi au bout de quelque temps à l'islamisme. Les professeurs E. et F. dont les mères étaient toutes deux allemandes, de la colonie allemande de M., près de Y. furent sauvés par les Allemands de la colonne et restèrent avec eux jusqu'au moment où mon ami, (l'auteur de la Conférence ci-dessus) partit de X. Le kaïmakam de X. déclara qu'ils n'avaient échappé que pour le moment et qu'il finirait par les atteindre aussi.

Deux turcs de X. furent pendus pour avoir abrité ou avoir offert d'abriter quelques-uns de leurs amis arméniens.

suite

1) Le témoin partit de X... le 18 août.

2) A Mirkedjia seul, le chef de gare nous dit qu'il y avait 30.000 exilés. La plupart étaient affaiblis par la faim ; les autres presque morts.

3) Vingt-cinq.

4) Ce professeur avait cessé de faire partie de cette Association avant d'entrer à notre service.

5) Il resta évanoui pendant un jour et ne put marcher qu'au bout d'un mois.

6) Le 26 juin.

7) «  Les professeurs E. et FF. »

8) 275 livres au total.

9) Mr. AL.

10) Sur la route de W :

11) Un fermier allemand rapporta à notre agent consulaire qu'il avait vu cinquante cadavres d'Arméniens dans un puit, ainsi que des longues tranchées sur le flanc de la montagne, où d'autres victimes avaient été enterrées.

12) L'auteur de cette conférence donna d'autres détails sur le sort de ces hommes à une personne qui l'avait interviewé à son passage à Athènes, à son voyage de retour de Turquie aux Etats-Unis. Les informations que cette personne obtint dans cette interview de l'auteur de la conférence, sont consignées dans une lettre datée d'Athènes du 1/14 octobre 1915 de laquelle nous extrayons le paragraphe suivant :

« Le kawass du Collège, un Circassien qui avait reçu l'ordre d'accompagner les Arméniens déportés retourna au bout d'un ou deux jours et raconta comment ces 1.200 hommes environ avaient été attachés avec des cordes en files de cinq et mis en marche dans la direction de Y... Il y avait de chaque côté des Zaptiehs à cheval avec la baïonnette au fusil. Ceux qui ne pouvaient pas marcher étaient fouettés et finalement si un des cinq d'une file se trouvait hors d'état de continuer la route, on faisait sortir du convoi la file entière, les Zaptiehs restaient en arrière avec eux et au bout' de dix à vingt minutes, ils rejoignaient le convoi avec le spectre de la boucherie brillant dans leurs yeux. Un peu plus de la moitié à peine du convoi atteignit Y... A leur arrivée dans cette ville, un incendie éclata dans le quartier arménien et les Turcs commencèrent à piller et à massacrer les femmes de Y... tandis qu'on accusait les prisonniers nouvellement arrivés d'être les incendiaires et qu'on les faisait « sortir de la ville pour les mener à un endroit préparé d'avance. Là les prisonniers firent halte et furent conduits par groupes de cinq dans une direction où ils crurent apercevoir des tentes. On entendait des gémissements sortir de l'intérieur, et les prisonniers du dehors comprenant ce qui s'y passait, tentèrent de rompre le cordon, mais ils avaient les mains attachés les uns aux autres et lorsque l'un d'un groupe tombait mort, les survivants avaient à traîner les corps qui leur étaient attachés jusqu'au moment où ils tombaient eux-mêmes d'épuisement. Ils étaient alors ramassés et conduits à la boucherie, où on les massacrait à coups de hache ».

13) Le 2 juillet.

14) Miss A…

15) « A Z..., les servantes furent séparées des institutrices et des élèves, et furent envoyées vers le sud à V...

16) « La ville de L..., a été de même vidée de sa population arménienne, ainsi que les villes de Y... BT... et V.. »