ANNEXE C

Texte présumé de la proclamation du Gouvernement ottoman, donnant l'ordre de la déportation des Arméniens, reproduit d'un article de Miss Eleanor Franklin Egan, dans le « Saturday Evening Post » de Philadelphie, du 5 février 19161 .

Nos concitoyens, les Arméniens, qui forment un des éléments des races de l'Empire Ottoman, ayant adopté, depuis des années, à l'instigation d'étrangers, bien des idées perfides de nature à troubler l'ordre public; ayant provoqué des conflits sanglants; ayant tenté de troubler la paix et la sûreté de l'Empire Ottoman, ainsi que la sécurité et les intérêts de leurs concitoyens, aussi bien que les leurs propres ; ayant en outre osé se joindre à l'ennemi de leur existence (la Russie), et aux ennemis actuellement en guerre avec notre Empire, — notre gouvernement se voit forcé de prendre des mesures extraordinaires et de faire des sacrifices, aussi bien pour le maintien de l'ordre et de la sécurité du pays, que pour le bien-être et la conservation de la Communauté Arménienne. En conséquence, et comme mesure mise en vigueur pour la durée de la guerre, les Arméniens devront être envoyés à des destinations qui ont été préparées à cet effet dans l'intérieur des vilayets ; et il est rigoureusement enjoint à tous les Ottomans d'obéir de la façon la plus absolue aux ordres ci-après :

1° Tous les Arméniens, à l'exception des malades, seront forcés de partir dans un délai de cinq jours, de la date de la présente proclamation, par villages ou quartiers, et sous l'escorte de la gendarmerie.

2° Bien qu'il leur soit permis d'emporter avec eux pour leur voyage, s'ils le désirent, les objets transportables leur appartenant, il leur est défendu de vendre leurs propriétés et leurs autres biens, ou de confier ces derniers à d'autres personnes, car leur exil n'est que temporaire, et leurs propriétés, ainsi que les biens qu'ils n'auront pas pu emporter avec eux, resteront sous la surveillance du gouvernement qui en prendra soin et les emmagasinera dans des bâtiments fermés et protégés. Quiconque vendra et quiconque tentera de se charger de prendre soin des biens mobiliers ou des propriétés immobilières, au mépris de cet ordre, sera traduit devant une Cour Martiale. Les Arméniens sont libres de vendre au gouvernement seulement ce qui peut être nécessaire à l'armée.

3° (Ce paragraphe stipule une promesse de sauf-conduit).

4° (Ce paragraphe contient une menace contre quiconque tenterait de molester les déportés au cours du voyage).

5° Comme les Arméniens sont tenus de se soumettre à cette décision du gouvernement, si l'un d'eux tentait de se servir d'armes contre les soldats ou les gendarmes, on devra se servir d'armes contre lui et le prendre mort ou vivant. De même si des Arméniens, en opposition à la décision du gouvernement, se dérobaient à la déportation ou cherchaient à se cacher, les personnes qui les auront abrités ou les auront secourus, ou nourris, seront traduites devant une Cour Martiale.

suite

1) Miss Egan écrit qu'elle a pu emporter ce document de Turquie en le copiant sur les marges des pages intérieures d'un livre qu'elle prétendit être en train de lire, lorsque les fonctionnaires turcs firent leurs perquisitions, à son passage à la frontière. Le livre fut examiné, mais l'écriture au crayon sur les marges leur échappa.