Bulletin d'information de la J.A.C. N°15  — Avril 2004

Un Français Alsacien martyr pour les Assyro-Chaldéens : Monseigneur Sontag

Terre d'humanisme et de vocation missionnaire, l'Alsace a donné naguère Sébastien Brant et Martin Butzer. Au XIXe siècle, elle fournira le Père Libermann, ami des Noirs, et au XXe Mgr. Sontag, ami des Assyro-Chaldéens. Jacques-Emile Sontag (1869-1918) eut la gloire d'offrir son sang pour le nom des Assyro-Chaldéens et d'accueillir la palme du martyre à Ourmiah, au cœur de leur pays au nord-ouest de la Perse (Iran). C'était le 31 juillet 1918 en pleine Première Guerre mondiale et lors du génocide dont ce peuple a été victime. Il était âgé de 49 ans.

Qui est Mgr Sontag ?

Né au village de Dinsheim le 6 juin 1869 d'une famille de simples cultivateurs, il est entré chez les Lazaristes en 1883. Il fit ses études à l'école lazariste Notre Dame de Prime Combe dans le Gard (non loin de Nîmes) qu'il poursuivit à Paris durant huit ans (1887-1895) au siège de la Maison-Mère. Ordonné prêtre le 8 juin 1895, il fut dès le départ destiné aux missions de Perse. Son premier poste fut Ourmiah, non loin de la frontière turque et russe (Caucase). C'est là qu'il apprit à connaître et aimer les Assyro-Chaldéens. Il enseigna à l'établissement français. Les lazaristes arrivèrent en Perse à un moment où le pays, objet des rivalités anglo-russes, connaissait une instabilité politique, des soulèvements à caractère religieux chiite, des mouvements nationalistes, le mécontentement des minorités. A la fin de 1840, leurs prêtres avaient ouvert une première maison au village de Khosrawa (district de Salamas ; nord-ouest), qualifié de « Petit Paris » en raison de son rayonnement culturel.

Un an plus tard, une autre maison était fondée à Ourmiah. En 1874, fut créée la Délégation apostolique de Perse avec administration du diocèse d'Ispahan dont les titulaires étaient généralement des Lazaristes.

En 1897, Mgr. Sontag prit la direction de la maison lazariste de Téhéran. Il faillit être massacré lors de la révolution de 1909 qui déposa le Shah de Perse car la maison lazariste se trouvait être entre les partisans du Shah et les révolutionnaires. En effet, la Perse souffrait du caractère absolutiste du pouvoir impérial qui laissa les puissances étrangères, notamment la Russie et le Royaume Uni, mettre la main sur le pays.

La révolution nationaliste

Cette politique provoqua le mécontentement des milieux religieux et réformistes libéraux. Et ce fut la révolution nationaliste, libérale et communale de 1906 qui se solda par la promulgation de la Constitution du 7 octobre 1907 et imposa au Shah l'institution d'un régime parlementaire. A la suite de cette révolution, des révoltes éclatèrent particulièrement à Ispahan. On tenta de rétablir le régime autoritaire. Le 13 juillet 1909, le Shah Mohammed Ali fut déposé et remplacé par son fils, Ahmed, âgé de 12 ans qui devait être le dernier souverain de la dynastie Qadjar (1909-1925). En 1910, à la mort de Monseigneur Lesné, le Saint-Siège nomma Mgr Sontag délégué apostolique pour les Orientaux et archevêque latin d'Ispahan, à 41 ans. Il fut sacré à Paris le 28 août 1910. A son retour, il préféra résider à Ourmiah parmi les Assyro-Chaldéens. En 1911, la famine causa des troubles et les Russes avaient commencé à occuper l'Azerbaïdjan persan (Tabriz) incluant les districts assyro-chaldéens de Salamas et d'Ourmiah. Il vint en France en 1914 pour l'assemblée générale. A son retour, ce fut le début du calvaire pour les chrétiens assyro-chaldéens qui seront massacrés par les Turcs et les Kurdes. Le 23 octobre 1914, il écrivait : « A peine étais-je rentré que les Kurdes sous la poussée des Turcs se sont jetés sur la contrée. Ils ont tué les chrétiens qui n'avaient pas pris la fuite, ils ont pillé et incendié cinq villages. Nous hébergerons six cent vingt personnes. Les Kurdes voulaient s'emparer d'Ourmiah et massacrer les chrétiens. Nous n'étions pas sans inquiétude ; le renfort russe est arrivé juste à temps ». En effet, quand la Première Guerre mondiale éclate, la Perse des Qadjars était dans un état de décomposition et de dépendance politique et économique à l'égard de la Russie et du Royaume Uni qui se partagèrent le pays. En outre, les Turcs pouvaient franchir la frontière sans rencontrer de résistance en raison de la déliquescence des appareils de l'État. Durant l'occupation turque d'Ourmiah du 2 janvier au 24 mai 1915, la mission lazariste apporta un soutien incomparable matériel et moral à ces malheureux désœuvrés. Un grand nombre d'Assyro-Chaldéens, catholiques comme nestoriens, indistinctement, se réfugièrent dans les centres des missions encerclées par les troupes turques et des irréguliers kurdes.

En 1915, les dépêches se succèdent disant qu'il y avait des massacres dans le district d'Ourmiah et que Mgr. Sontag et les chrétiens assyro-chaldéens étaient en danger. Plus est, Mgr. Sontag contracta la fièvre typhoïde. Le 21 mai, il terminait sa lettre en ces termes : « Plus tard, je vous adresserai un rapport complet sur des jours que je ne voudrais plus revivre ! L'épreuve a été longue ». Le 15 novembre 1917, le colonel Chardigny, attaché militaire français à l'armée du Caucase, lui remit à Ourmiah même, la Croix de guerre pour le récompenser de sa courageuse attitude durant l'occupation turco-kurde. Le gouvernement français voulait même le faire nommer consul. Il fut décoré également par le Shah de Perse le 20 janvier 1917. Mgr. Sontag s'attacha à développer les écoles, les orphelinats, les dispensaires, le séminaire chaldéen de Khosrawa, l'imprimerie d'Ourmiah et encouragea l'apprentissage de la langue araméenne.

Par leur travail culturel et éditorial, Mgr. Sontag et l'ensemble des Lazaristes contribuèrent grandement à l'éveil du peuple assyro-chaldéen et à l'appropriation de son identité culturelle et nationale. Ils les ont aidé à affirmer leur identité et leur existence. Des organisations à caractère national et politique naîtront comme le Comité de l'Union chaldéenne dirigée par Yossip Ocinka. Une revue fondée par leurs soins en langue araméenne, Qala d'Shrara (la Voix de la vérité), paraissant à Ourmiah de 1897 à 1915, a joué une grande influence. Mgr. Sontag fut témoin de cette prise de conscience nationale assyro-chaldéenne, et d'autres événements majeurs comme la levée de troupes armées pour protéger la ville d'Ourmiah et des promesses anglaises d'indépendance faites aux Assyro-Chaldéens mais non respectées.

La main de la haine

En 1918, ce fut le dernier épisode des massacres assyro-chaldéens. Après le départ de l'armée russe et l'abandon des Alliés, les troupes turques et les irréguliers kurdes entrèrent dans Ourmiah, pillèrent la ville et se dirigèrent vers les missions religieuses. Un grand nombre de chrétiens assyro-chaldéens avaient pris le chemin d'un terrible exode vers le Sud. La main de la haine et de l'intolérance s'est abattue sur Mgr. Sontag et sur beaucoup d'autres. Depuis son martyr, les Assyro-Chaldéens d'Iran commémorent sa mémoire. Ils vont en pèlerinage à la Grotte de Lourdes d'Ourmiah érigée sur sa tombe.

Joseph Yacoub

Article publié le 18 mai 2001 dans « Dernières Nouvelles d'Alsace »

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