Bulletin d'information de la J.A.C. N°15  — Avril 2004

Les jeunes ne l'oublient pas

Nos grands-parents nous racontent ceux que leurs parents avaient vécu durant les massacres de 1915 ; eux-mêmes nous racontent leurs propres souffrances, les massacres de Semmel (Irak) en 1933, les meurtres, les agressions, les enlèvements, les mauvais traitements subis dans les montagnes inaccessibles du Hakkari ou dans les villes irakiennes. Leurs petits-enfants n'oublient pas le génocide, les humiliations et les massacres. La parole est à eux.

Je trouve que le génocide perpétré par le gouvernement « Jeune Turc » est une chose horrible, et je ne considère pas normal qu'il ne soit pas encore reconnu par les coupables. En effet, ce génocide a fait couler énormément de sang et de larmes. Il y a eu beaucoup trop de victimes, et en respect pour elles, le premier génocide du 20e siècle doit être reconnu par les auteurs de ce crime. Le peuple assyro-chaldéen, à lui seul, compte environ 250 000 morts. Paix aux âmes des martyrs assyro-chaldéens, mais aussi, à toutes les personnes qui ont souffert de la barbarie et de l'intolérance.

Sébastien, 18 ans

Dans un livre que j'ai un peu lu, « Le génocide oublié ; Chrétiens d'Orient, les derniers Araméens » de Sébastien de Courtois, qui doit sûrement être en vente à l'Association des Assyro-Chaldéens de France où je me le suis procuré, j'ai été profondément marquée par un tableau de quelques lignes mais qui veut tout dire : Dans le Vilayet de Diyarbakir durant la persécution de 1915-1916 :

  • Arméniens Catholiques : 11 500 disparus,
  • Chaldéens : 1 010 disparus,
  • Syriens Catholiques : 3 450 disparus (...)

Et puis, dans le Sandjak de Mardin durant la persécution de 1915-1916 :

  • Arméniens Catholiques : 10 200 disparus,
  • Chaldéens Catholiques : 6 800 disparus,
  • Syriens Catholiques : 700 disparus (...)

Pour moi ces chiffres sont frappants et montrent les souffrances de notre peuple et de tout ceux qui ont souffert le martyr. Si vous voulez plus de détails, vous savez quoi faire ...

Monique, 17 ans

Le génocide de 1915 est la chose la plus atroce qui est arrivée aux Assyro-chaldéens durant le siècle passé. En effet, plus de 250 000 Assyro-chaldéens et 1,5 millions d'Arméniens sont morts dans d'atroces souffrances. Pour nous, Assyro-chaldéens, le génocide ne doit pas rester qu'un simple mauvais souvenir et être oublié à jamais. Il faut que le gouvernement turc puisse le reconnaître et demander pardon pour les fautes qui ont été commises envers ces deux peuples. Tous les ans, nous commémorons le génocide de 1915, en souvenir de nos ancêtres qui ont perdu la vie, et moi je pense qu 'on doit tous être solidaires entre nous et commémorer ce souvenir, au moins en leur honneur. Nous devons tous aller manifester le 24 avril pour, à la fois se souvenir de nos martyrs, mais aussi manifester contre le gouvernement turc pour qu 'il reconnaisse ses erreurs, bien qu 'elles soient antérieures. Aujourd'hui, cela va faire 89 ans que ce « Génocide arménien » a été perpétré, et pour le moment la France et certains pays européens l'ont reconnu, mais par contre personne ne parle des 250 000 Assyro-Chaldéens qui ont souffert des mêmes atrocités. Alors aujourd'hui, c'est le moment d'aller manifester notre mécontentement à l'égard de la Turquie et de demander la reconnaissance du « Génocide assyro-chaldéen » ! Nos pensées vont à toutes les victimes de ce crime contre l'humanité, et je demande à notre Église de penser à eux et de commémorer leur souvenir. Que Dieu aie pitié de leurs âmes !

Chamacha Sekvan, 20 ans

Les Assyro-Chaldéens de France oublient qu'ils ont perdu eux aussi leur proches dans les massacres organisés par le gouvernement turc pendant la Première Guerre mondiale de 1914-1918. Avant d'appeler toute la communauté à une prière commune pour nos ancêtres perdus pendant le génocide de 1915, je voudrais précispréciser qu'il faudrait que nous comprenions le but de ce génocide et l'importance qu'il devrait avoir à nos yeux. Je ne considère pas ce génocide comme un acte destiné à exterminer seulement les Arméniens en tant que peuple mais un crime contre les peuples chrétiens vivant sur leurs propres terres, héritées de leurs ancêtres. On n 'a pas le droit de dire que c 'est du « passé » car le passé est toujours là. C'est notre mémoire, notre histoire, notre culture et notre langue. Si nous oublions tout cela, c 'est notre fin que nous signons. Ce génocide est rappelé par le peuple arménien chaque année à tout le pays, avec des commémorations organisées dans plusieurs villes de France. Le 24 avril n 'est plus un jour comme les autres, grâce aux efforts des arméniens depuis des années. Je serai présente cette année à la commémoration, avec les Arméniens dema ville, mais en tant que Assyro-Chaldéenne. J'appelle tout le monde à se mobiliser pour demander haut et fort la reconnaissance du génocide nié par la Turquie. Et nous ? Les Assyriens, Chaldéens, Syriaques, quand serons-nous reconnus ? Quand ferons-nous appel à notre conscience, en tant que peuple ? Quand allons-nous nous unir pour notre cause ? Cet événement ne nous touche-t-il pas plus que ça ? Nos défunts sont-ils si vite oubliés ? Si facilement ? J'espère bien que non.

Elizabeth, 26 ans (Marseille)

Ekrem et Jacques Kas ont voulu témoigner de l'intolérance envers les Assyro-Chaldéens de Turquie, par un extrait tiré de Babylone chrétienne de Joseph Yacoub. Ce témoignage trouve bien sa place dans ce numéro et raconte ce qu'ont subi certains villageois de Meer bien après le génocide :

[...]Meer :

  • Yonan Paulos, accomplissant son service militaire à Erzouroum, trouva la mort en 1969, poussé par ses camarades du contingent à l'extérieur du camion qui les conduisait au lieu de l'entraînement. L'affaire fut étouffée par les autorités militaires turques. La mère de Yonan Paulos s'est réfugiée en France en janvier 1985 et vit à Rodez.
  • Hormuz et Farman Ablahat, deux frères, jeunes appelés du contingent, allèrent pour se faire recenser à la ville la plus proche en vue d'accomplir leur service militaire. En raison de leur origine ethnique et de leur appartenance religieuse, ils furent d'office expédiés vers Erzouroum, réputée pour son climat rude, non loin de la frontière soviétique. Cette région est réservée, semble-t-il, aux minorités ethniques non turques et aux chrétiens originaires de l'Anatolie. Les autorités militaires turques essayaient de les convertir à l'islam. Ayant repoussé cette offre, on leur infligea des châtiments physiques. Suppliciés et dans un état critique, ils furent congédiés momentanément par les autorités turques en attendant leur rétablissement. Les deux frères, maintes fois hospitalisés, succombèrent à leurs blessures en 1969.
  • Issa Kas, âgé de trente-cinq ans, père de quatre enfants, souffrant de l'appendicite, consulta un médecin en juin 1964, dans la ville de Van. Opéré dans cette même ville, Issa Kas trouva subitement la mort sur la table d'opération. Ses parents accusèrent les autorités médicales d'avoir prémédité la mort de leur fils en raison de sa religion. Depuis, sa famille s'est dispersée. Sa femme réside à Istanbul en compagnie de son fils, marié, père de quatre enfants. Deux de ses filles sont restées au village et une autre est en France. DaoudMikho Diril, né en 1937, marié, père de six enfants (trois filles et trois garçons), de condition relativement aisée, conduisait son bétail dans le pré, un jour de mars 1978. Le soir, la famille de Daoud, voyant le bétail rentrer seul, s'en inquiéta et sortit à sa recherche. On le trouva inanimé, le crâne fracassé. Transporté d'urgence à un hôpital de Diyarbakir, il ne survécut pas à ses blessures. [...]

Ekrem finit son témoignage en disant :

Désolé de ne pas avoir fait preuve de créativité. Mais voilà, cet extrait me tient à cœur parce que, Issa Kas n 'était autre que mon grand-père que je ne connaîtrai jamais. Et c'est un grand vide dans mon cœur. Je porte son prénom dans le baptême et j'ai d'autant plus de peine quand j'écris ce message que mon grand-père était reconnu par tout le village comme un homme sage, intelligent et très respecté. Il était considéré par mon arrière grand-père (Yako, Jacques porte si bien son prénom ...) comme son successeur à la tête de notre famille. Les anecdotes le concernant ne manquent pas malgré sa mort si tôt.

Ekrem, 25 ans et Jacques, 22 ans

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