Bulletin d'information de la J.A.C. N°15  — Avril 2004

Témoignage d'Ourmiah

Mary Schauffler Platt se trouvait à Ourmiah, lors de l'occupation turco-kurde et tenait un journal de mission. Entre le 9 janvier et le 3 juin 1915, elle a relaté dans ce cahier les événements marquants, la vie quotidienne de la mission et la tragédie des Assyro-Chaldéens. Voici des extraits de ce qu'elle a écrit dans son journal pour la journée du lundi, 11 janvier 1915 :

« Quelques familles venues de Didjala se sont installées dans notre salle de réunion. L'autre nuit, Victoria est venue me voir pour me dire qu'une vieille dame venait d'arriver et m'expliquer qu 'elle n 'était pas en état de répondre à aucune question. J'ai retrouvée cette dame dans un coin du couloir, assise, repliée sur elle-même. Elle n'a pu dire qu 'elle avait froid. Au début, elle n 'a rien pu manger mais elle était un peu mieux après avoir bu un peu de thé. Nous n'avions pas de place pour l'héberger, tout était complet. Seul un couloir au sol en pierre était vide. Nous avons placé un de mes tapis et la pauvre femme s'est tout de suite endormie. Elle était la femme du gardien de notre église de Barbaroud qui se trouve à quinze miles d'ici, dans le sud. Les Kurdes avaient violé cette vieille dame quelques jours auparavant. Elle avait pu s'échapper. Elle était venue jusqu'ici pieds nus, avec un vieux vêtement, sans rien manger pendant des jours. Elle est décédée quelques jours après. Une pauvre femme enceinte dont le mari et le fils ont été tués avait perdu la tête ; nous n'avons pu la placer à un autre endroit que sous l'escalier, dans son état. Je me suis réveillée au milieu de la nuit, elle frappait à la porte. Elle avait dans les bras le bébé qu'elle venait d'accoucher. Grâce à Dieu, elle a pu être hospitalisée le lendemain. A l'hôpital, elle et son bébé allaient être mieux gardés. Mais, la jeune mère a succombé deux jours après. Sur le terrain où se trouvent le collège et l'hôpital il n 'y a plus que deux mille personnes et près de 12 000 autres sont chez nous. Tous les jours, de nouveaux réfugiés viennent. [...] Nous n 'avons plus de place pour héberger ces gens. Nous n'arrivons pas à sortir les morts qui sont dans les bâtiments de la cour. Nous les avons enterrés dans la petite cour à côté de l'église. Vingt-sept personnes, jusqu'à maintenant. Tous les jours, quelques personnes meurent. Il n 'y a, pour eux, ni linceul ni cercueil »

Mary Schauffler Platt

Extrait de Gabriele Yonan, « Asur Soykırımı » Traduit du turc par Antoni Yalap

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