Claude Mutafian / CCAF

90 ans après
Le génocide des Arméniens

Le réveil après un demi-siècle

Les décennies qui suivirent le génocide furent celles d’une lente descente vers l’oubli : silence à l’Est comme à l’Ouest. En diaspora, les rescapés n’avaient en général qu’une obsession, oublier ces horreurs et en épargner les générations suivantes afin qu’elles s’intègrent sans traumatisme dans leurs pays d’accueil. Quant à la petite République soviétique d’Arménie, où une importante proportion de la population avait des racines en Arménie occidentale, elle était réduite au silence pour des raisons politiques. On était en pleine guerre froide, et pour ne pas provoquer Ankara, avant-poste de l’OTAN et des états-Unis à sa frontière méridionale, Moscou interdit longtemps toute évocation du génocide, que ce soit sous forme de publication ou de manifestation. Une telle situation faisait bien entendu l’affaire des autorités turques : il suffisait de laisser faire le temps, l’oubli allait parachever l’anéantissement. Un tournant décisif se produisit en 1965, année du cinquantenaire. Encouragés par le dégel khrouchtchévien, des milliers d’Arméniens eurent le courage de manifester le 24 avril, à érévan comme à Moscou. Le premier secrétaire du Parti communiste d’Arménie, Hakob Zarobian, osa encore plus, il réussit à faire accepter le projet d’érection à érévan d’un monument au génocide !

La diaspora ne pouvait rester à la traîne. Les manifestations devant les institutions turques prirent un essor définitif, et pour la première fois un état se pencha sur la question : le 20 avril 1965, le Parlement d’Uruguay décida de faire du 24 avril le “jour du souvenir des martyrs arméniens”. Dès 1964 étaient apparues des brochures explicatives, mais ce n’est qu’en 1975 qu’allait paraître le premier livre consacré à l’étude du génocide. Désormais, rien n’allait plus être comme avant, le mouvement était lancé et la question arménienne allait prendre de plus en plus d’ampleur jusqu’à faire irruption dans la politique internationale. C’est cette “internationalisation” qui inquiétait de plus en plus les autorités turques, désormais obligées d’entrer dans l’arène après s’être contentées durant des décennies de laisser le temps faire son œuvre.

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