Claude Mutafian / CCAF

90 ans après
Le génocide des Arméniens

Le facteur religieux

L'entrée en guerre de l'Empire ottoman fut proclamée comme un appel au djihad, à la Guerre Sainte, ce qui est d'autant plus paradoxal que les alliés de Constantinople étaient chrétiens et que parmi ses ennemis l'Empire britannique était une grande puissance musulmane. Pour le génocide, l'argument du djihad fut utilisé quand il le fallait. Toutefois, présenter cette tragédie comme un affrontement religieux est une erreur. Certes, les chrétiens, grecs, arméniens ou assyro-chaldéens, ont tous à peu près disparu de Turquie, mais les contextes politiques étaient chaque fois différents et les méthodes employées variaient. Il y a ainsi un facteur territorial qui s'applique spécifiquement aux Arméniens.

Si le problème avait été religieux, comment expliquer la bienveillance quasi générale dont a fait preuve la population arabe de l'Empire ottoman, elle aussi méprisée par les Turcs. La nation arménienne doit en partie sa survie à cet accueil et à son insertion dans les futurs états arabes du Proche-Orient. La Syrie a autorisé l'érection du mémorial de Deir Zor, qui perpétue pourtant le souvenir d'un génocide de chrétiens par des musulmans. La nombreuse communauté arménienne d'Alep, issue des rescapés, témoigne de la coexistence arméno-arabe. Au Liban, qui abrite le siège d'un grand nombre d’institutions de la diaspora, les Arméniens sont partie prenante dans bien des domaines de la vie politique et culturelle. Quant à l'Iran, maintenant considéré comme un état intégriste, les Arméniens n'y ont pratiquement jamais été inquiétés en tant que tels, même si la rigueur islamiste leur rend la vie difficile. On a souvent prétendu que les Arméniens qui embrassaient l'islam avaient la vie sauve. Il y a bien eu certains cas en Asie Mineure occidentale, mais d'une manière générale cette affirmation est fausse, de plus contradictoire avec les buts poursuivis par les Jeunes-Turcs. La réalité est que certains enfants en bas âge ont été pris pour être utilisés comme main-d'oeuvre par des familles turques ou kurdes, et parfois islamisés. De même, beaucoup de femmes, surtout les plus jolies jeunes filles, ont été enlevées et se sont retrouvées dans des harems.

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