Vahakn Dadrian

Réponse à Guenther Lewy

The Middle East Quarterly a publié au mois d’août 2005 un article de Gunther Lewy - automne 2005 - vol. XII - n° 4- intitulé : " Revisiting the Armenian genocide".
C'est à cet article que répond V. Dadrian par le texte ci-dessou

De par sa nature même, l’historiographie ne peut jamais espérer être complète à tous égards, ni exempte d’un certain nombre d’autres défauts. Ce truisme est même plus pertinent pour un sujet tel que la réalité historique du génocide arménien qui, pour une raison ou pour une autre est actuellement dégradé au niveau de l’incertitude. Les principaux véhicules utilisés pour ce but sont les publications d’un assez petit groupe d’auteurs qui prétendent être des investigateurs détachés et désintéressés. Quand on y regarde de plus près, cependant, ces mêmes auteurs se révèlent être des partisans impliqués dans certains programmes négationnistes lancés hardiment, et qu’ils tissent subtilement et avec adresse dans la texture de leurs discours. Ici la tentative de déni est indirecte plutôt que directe ; la réalité historique du génocide arménien de la Première Guerre Mondiale est remise en question en jetant le doute sur l’opportunité de l’usage du label "génocide".

Quand il a recours à une diversité de techniques pour décrier l’usage injustifié d’un tel label relatif au cas arménien, le Professeur Lewy fournit par là, dans une certaine mesure, une confirmation à cet égard. Par ce processus, il trahit également sa familiarité très limitée avec le sujet. Son article est saturé d’erreurs soi-disant basées sur les faits, de mauvaises interprétations, accentuées par de grossiers mensonges. Pour couronner le tout, il trahit en plus son manque de niveau de connaissance adéquate de la langue turque, sans parler du turc ottoman qui n’existe plus, deux langues dont il dépend d’une manière significative pour trouver ses sources principales. On est tenté de se poser des questions sur l’origine et la nature de l’aide extérieure qu’il a pu recevoir.

Voici premièrement, dans la limite de l’espace disponible, quelques exemples seulement du type d’erreurs mentionnées ci-dessus :

Les séries de procès dits de Yozgat, n’ont pas été entrepris à Yozgat, mais à Istanbul ; Kémal était kaïmakam de la province de Bogazliyan seulement, mais non pas du district de Yozgat dont il devint par la suite mutassarif intérimaire par transfert et promotion ; Djémal Pacha n’était pas le gouverneur d’Alep, mais le commandant en chef de la 4ème armée déployée au Liban et en Syrie (voir tout cela p. 2) ; le Dr. Liparit Nasariantz n’était pas un missionnaire allemand (p.5) mais un activiste politique arménien qui devint plus tard membre du Conseil National Arménien, une organisation d’émigrés politiques. En outre, la protestation de Lewy selon laquelle "il n’y a aucune indication que le Colonel allemand Stange ait eu un rôle quelconque dans l’Organisation Spéciale" est catégoriquement contredite par plusieurs sources authentiques. La plus importante est celle du Dr. Ernst Kwiatkowski, Consul d’Autriche-Hongrie à Trabzon, la ville portuaire où l’Organisation Spéciale avait son Centre de données logistiques. Dans l’un de ses nombreux rapports à Vienne, il a révélé "que les détenus étaient aussi enrôlés" dans le détachement de Stange, qui était en réalité le 8ème régiment du corps de la 10ème armée de la 3ème armée ottomane qui opérait dans la province orientale de la Turquie1. Une révélation encore plus convaincante même est qu’un officier turc non seulement participait aux opérations militaires de Stange, mais les notait dans son carnet. D’après lui "Stange était chargé du régiment de l’Organisation Spéciale "Teshkilati Mahsusa Alayi" englobant les célèbres bandes de tueurs de deux chefs de clan réputés, Topal Osman et Deli Halit, qui jouèrent un rôle primordial dans la mise en œuvre des phases du génocide arménien. Ce régiment comprenait 11 bataillons (tabur) et fut appelé par la suite "Lazistan Mufrezesi" (détachement Lazistan)2. Incapable de contrôler strictement les opérations secrètes clandestines des contingents de ce Détachement, Stange à la fin les démolit dans son rapport "secret" à ses supérieurs allemands, dans lequel il exprime son mépris envers ces "chettés" en les désignant par "racailles"3. Selon le professeur Lewy la prétention arménienne de génocide s’appuie sur "les piliers", c’est-à-dire (1) les Cours Martiales turques de 1919-1920, (2) le rôle de l’Organisation Spéciale (Teshkilati Mahsusa) et (3) les Mémoires de Naim Bey (p.6). Cette description tout à fait inexacte reflète encore une fois sa familiarité apparemment limitée avec la littérature invoquée4. Elle demande néanmoins un examen approfondi pour "remettre les pendules à l’heure". Parmi ces rapports, celui qui engendre une longue discussion, basé sur ce qu’il prétend être des "faux", se rapporte aux documents Naïm-Andonian. Cette affirmation est principalement, sinon exclusivement, fondée sur un livre publié par deux auteurs turcs qui, à la suite d’un vaste examen, ont maintenu que les documents étaient des faux. Même si à la fin de sa discussion, Lewy trouve opportun de ne pas se mouiller dans cette affaire en admettant que ces documents sont 'dans le meilleur des cas invérifiables et problématiques’, la masse des arguments de Lewy met quand même l’accent sous l’angle des falsifications. Cependant, autant qu’on le sache, les deux intellectuels non-turcs cités par lui pour soutenir sa thèse, n’ont pas non plus mené une recherche comparable, Zürcher s’est contenté d’affirmer que "les documents se sont révélés être des faux". Mais d’autre part, un auteur allemand a découvert récemment un certain nombre de documents allemands authentiques dans les archives d’Etat turques de la Section du Ministère de l’Intérieur, qui établissaient que ces documents confirmaient jusqu’à un certain point les contenus des deux autres télégrammes attribués à Talaat dans le livre d’Andonian. Ainsi la date des télégrammes N° 840 et 860 , de janvier 1916, semble être exacte... [les deux auteurs turcs] Sinasi Orel et Süreyya Yüce qui avaient déclaré qu’Andonian avait fait des faux, n’avaient pas pris en considération la source qui a été examinée ici. Ainsi leur thèse est sujette à caution et des recherches supplémentaires (sur cette affaire) sont nécessaires5. Il est également significatif à ce sujet que Lewy ignore, ou a choisi d’ignorer complètement l’existence d’une analyse très approfondie de la validité de ces documents, que j’ai entreprise et qui a été entièrement publiée dans le journal officiel de la revue de la "Middle East Studies Association of North America"6. A la lumière de tout cela, les standards de recherche de Lewy sont bons à jeter aux orties, spécialement en ce qui concerne sa conclusion que "la plupart des historiens et des chercheurs rejettent ces documents" (p.5). En rejetant un autre "pilier" mentionné ci-dessus, il critique le système judiciaire pénal ottoman, qu’il accuse d’avoir renversé les principes fondamentaux d’une telle justice. Il ignore manifestement le fait que le Code Pénal ottoman, et la Procédure Pénale du Code ottoman étaient des résumés essentiellement sur le modèle de leurs homologues français. Tout le système est inquisitorial. Les juges dirigent l’affaire après avoir obtenu les faits lors d’une phase d’instruction préparatoire, ainsi que lors du vrai procès qui s’ensuit, alors que dans le système judiciaire courant anglo-saxon (appelé adversarial), les avocats développent les faits consignant par là les juges à un rôle neutre. Par conséquent, l’enquête préliminaire et la préparation de l’accusation sont conduites en privé, c’est-à-dire en secret. Les avocats de la défense n’ont pas le droit d’accès aux dossiers qui en résultent, ni le droit d’accompagner l’accusé dans ces examens préliminaires. Bien que dans la loi de l’évidence, le principe de la "conviction intime", c’est-à-dire une conviction profondément ancrée, ait été adopté dans le Code ottoman de Procédure pénale, par lequel le juge accorde librement créance au mieux de sa conscience, cependant, pour la preuve de la culpabilité, il dépend d’une preuve concrète, de même que des arguments opposés de la défense. Les ingrédients composites d’une telle évidence impliquent l’aveu, les dépositions des témoins, les écrits et les rapports des officiels, les preuves obtenues par la découverte, les remarques judiciaires, les recherches et saisies, et les témoignages des experts. (articles 232 et 233). Dans toutes ces séries de procès, ces conditions ont été réunies en long et en large, spécialement en ce qui concerne les témoignages massifs fournis par des dizaines de témoins turcs et musulmans7. En outre, contrairement à la déclaration de Lewy, que son texte, ainsi que les textes des autres poursuites "ne provient d’aucune source" (p.3), le fait est que le texte de la déposition du Général Vehib n’a non seulement pas été intégralement lu dans le rapport de la seconde séance de la série des procès de Trabzon (19 mars 1919) mais que la totalité du texte a été publiée également dans plusieurs journaux de l’époque8. Lewy se plaint en outre que l’inculpation "n’est pas une preuve de culpabilité" (p.3), alors que dans le cas présent elle a servi légalement de source majeure de preuve formelle, à la différence des cas des autres inculpations subsidiaires. Les articles 130, 214, et spécialement 222, section 1 et 2 du Code de Procédure pénale ottoman expliquent clairement cette fonction dans l’inculpation9. Les 42 pièces des documents authentifiés jointes à l’inculpation principale, comprennent 12 télégrammes chiffrés, trois mémos, deux "communications", deux déclarations signées (et trois non signées) obtenus par le ministère public au cours de l’instruction préparatoire, trois dépositions, deux lettres et "plusieurs" autres documents relatifs au rôle de "l’Organisation Spéciale".

Les références de Lewy à trois Hauts Commissaires occidentaux en service à Istanbul juste après son occupation par les Alliés vainqueurs en 1919, ayant soutenu les points essentiels de sa thèse, sont telles qu’on peut se poser des questions. Il est peut-être vrai par exemple que le Haut Commissaire US Lewis Heck ait critiqué quelques-uns des aspects de la procédure des procès en question. Mais il est vrai aussi qu’à plusieurs occasions il a reconnu sans équivoque et dénoncé "le grand crime", comme lorsqu’il a déclaré : "La grande majorité des officiels turcs étaient initiés et ont soit participé activement , soit du moins excusé les massacres des Arméniens"10. Quant aux deux autres, dans ce cas, le Haut Commissaire britannique, à savoir le Vice-Amiral Sir S.A. Gough Calthorpe et l’Amiral Sir J. de Robeck, leur désapprobation et dérogation de ces procès fut, comme je l’ai expliqué ailleurs11, premièrement provoquée par leur certitude qu’en poursuivant les auteurs des massacres le Tribunal Militaire était laxiste et incompétent, et par suite les procès étaient "une farce" et "un échec" au détriment des Arméniens, les victimes. Il en fut de même de Malte, un simple centre de détention temporaire nullement destiné à servir de centre de "procès" quelconques. (p.3)

Apparemment déterminé par tous les moyens à discréditer et à invalider les décisions de ce Tribunal, Lewy se met à critiquer la méthode d’authentification des documents officiels utilisés dans les procès, au mépris total du fait que presque tous les officiels du Ministère de l’Intérieur chargés de vérifier ces documents étaient les tenants du parti Jeune Turc Ittihadiste, c’est-à-dire le CUP. En d’autres termes, les partisans résiduels de l’organisation dont les dirigeants étaient poursuivis pour un crime capital, sont accusés d’avoir aidé l’inculpation au moyen d’une malhonnêteté de complaisance – car, affirme Lewy – ce sont des "officiels de l’époque" (p.3) Quelle est la définition du terme "ergoter" ?

Lewy déplore à juste titre "la perte de leur documentation" [ c’est-à-dire celle de la Cour militaire] (p.3) Le fait, cependant, que cette perte coïncide remarquablement avec la prise d’Istanbul par les forces kémalistes en 1922 quand les archives géantes du Tribunal Militaire turc ont disparu sans laisser de traces, soulève une question lancinante : Les documents ont-ils disparu tout seuls, ou ayant été cachés ou détruits par des parties intéressées, principalement les nouveaux maîtres de la Turquie, ont-ils connu le destin d’une "perte" ?12

La discussion de Lewy sur l’Organisation Spéciale n’en est pas moins marquée par une pléthore d’erreurs et d’affirmations douteuses. Elles ont été brièvement évoquées dans les notes 1 et 2. Malheureusement les sources et les données de Lewy appellent quelques considérations critiques. Le Tribunal Militaire turc dans les documents joints à la principale inculpation, en quatre occasions, notées sur les pages 4 et 5 de cette inculpation, révèle les liens étroits et très intimes entre l’Organisation Spéciale et les dirigeants au sommet du parti Ittihad, le CUP, qui se caractérisent comme l’autorité centrale de l’Organisation. Les pages 6 et 7 contiennent des détails spécifiques sur les massacres à grande échelle que les brigands de cette organisation ont commis contre les Arméniens.. Dans les pages 5, 6 et 7, il y a d’autres détails sur la manière dont ces exterminateurs ont été relâchés des prisons de l’Empire et déployés dans les provinces pour le devoir de massacre. Dans les pages 5 et 7, encore il y a six spécifications quant à la façon dont deux commandants d’armée et le gouverneur militaire de la capitale ottomane, Istanbul, ont combiné leurs ressources pour rationaliser ces opérations meurtrières de l’Organisation Spéciale, avec l’aide du Docteur B. Chakir, l’un des architectes en chef du génocide pendant la guerre13. Ces révélations indépendantes, et des dizaines d’années plus tard, sont largement corroborées par les deux auteurs turcs les plus compétents et par les autorités sur le sujet14.

L’affirmation prétentieuse de Lewy selon laquelle "il n’y a pas de preuve à part l’inculpation du principal procès, que l’Organisation Spéciale, avec un grand nombre de détenus enrôlés dans ses rangs ait pris la direction des massacres" (p.4) est catégoriquement contredite par les preuves flagrantes turques. Un éminent éditeur et proche associé d’Ataturk, révèle dans ses mémoires qu’au début de la Première Guerre Mondiale quand il demanda un entraînement d’officier de réserve dans un programme spécial conçu par le Dr. Nazim, autre architecte du génocide arménien, ce dernier finit par choquer le jeune volontaire quand il lui révéla que la tâche impliquait de commander des unités para-militaires composées d’ex-détenus, appelés "chettés". Effectivement, Jevad, le Commandant militaire de la capitale ottomane, au cours de la seconde séance du procès des ministres du Cabinet, le 4 mai 1919, témoigna que le Dr. Nazim avait été chargé de recruter des volontaires (gönülüs) pour des opérations "non militaires" (askerlik haricinde) (T.V. 3543 p.27) Le jeune volontaire écrivit qu’il était dégoûté à l’idée d’une telle "armée de massacreurs" (Katiller Ordusu)15. Dans un article ultérieur de son journal, il alla plus loin en suggérant que les massacres envers les Arméniens pourraient bien être caractérisés comme "génocide", en employant exactement ce terme composite latin-grec16. Un autre officier de réserve, en service à la Direction II, Intelligence, Quartier Général Ottoman, au début de la Première Guerre Mondiale, et par la suite affecté à la déportation , dans un livre plein de compassion, publié juste après la guerre, se lamentait du cauchemar du génocide arménien. Dans cet ouvrage, il signalait les brigands, les "chettés" de l’Organisation Spéciale qui, disait-il, "commettaient les plus grands crimes" (en buyuk cinayetteri) au cours du génocide17. Un autre publiciste turc, auteur de plusieurs ouvrages, se référant aux mêmes "chettés" de l’Organisation Spéciale témoigna que ces bandes criminelles "poursuivaient directement un but d’extermination" en attaquant et en détruisant d’innombrables convois de déportés arméniens18. Dans un autre livre, il spécifia que ces déportations "signifiaient l’extermination de la minorité arménienne de Turquie"19.

En outre, il est inexact de dire que "Le Gouvernement ottoman a relâché les détenus...afin d’augmenter ses effectifs militaires" (p.4) Les preuves disponibles pointent vers une autre direction. Le témoignage le plus frappant contredisant cette affirmation est fourni par le Colonel Behic Erkin, chef de la Direction des Approvisionnements (Ikmal Subesi) au Bureau de la Guerre Ottoman. Dans son témoignage devant le Parlement ottoman pendant la guerre, il déclara : "La majorité des détenus ne va pas être envoyée directement au front, mais plutôt à l’Organisation Spéciale, [leur offrant ainsi une chance] de rendre service à la Patrie20. Quant à l’argument qu’il n’y a pas de preuve que ces brigands de l’Organisation Spéciale "aient pris la direction des massacres" (p.4), voici une preuve documentée, certifiée par le Tribunal Militaire turc – aux confins de l’inculpation. Harput (Mamuret ul Aziz) Verdict "En qualité de membre du Comité Central du Parti Ittihad (CUP) et en tant que chef de l’Organisation Spéciale, le Dr. Chakir a personnellement supervisé la libération des détenus des prisons de la capitale de l’Empire et des provinces de Trabzon et d’Erzurum. Les criminels furent ensuite organisés en unités de "brigands" durant les déportations arméniennes. Ces "Chettés" procédèrent ensuite à des opérations de meurtres sous son commandement (takvimi Vekayi) [voir TV n° 3771, p.1] . Une condamnation similaire relative au rôle meurtrier de la même organisation est rapportée dans le Verdict des Secrétaires responsables (TV n° 3772 p.3).

Même les dirigeants au sommet de l’Organisation Spéciale durent admettre à contrecœur au cours de leurs procès le fait de l’engagement de ces ex-détenus et de leurs cohortes dans les opérations de "déportations arméniennes". Ce qui est remarquable dans cette affaire est que ces aveux furent prononcés à la suite de la production par l’accusation de documents dont la plupart étaient des télégrammes chiffrés, portant les signatures des expéditeurs. La défense, surprise et troublée, qui jusque là avait uniformément21 et avec persistance nié l’implication de l’Organisation Spéciale dans ces déportations fit marche arrière et avoua. Les défendeurs révélèrent aussi, au cours de ces procès et pour la première fois, que l’Organisation Spéciale avait deux divisions et des missions, dans le but de combattre les ennemis extérieurs, mais aussi internes (T.V. N° 3549, pp.59-60) Lors de la séance suivante, la cinquième, le dirigeant de l’Organisation Spéciale Yusuf Riza concéda finalement qu’il y avait en effet 2 Organisations Spéciales, la seconde étant chargée, dit-il, des "déportations" arméniennes (tehcir) (T.V.n° 3553- p.88). Parmi tous ces dirigeants des Organisations Spéciales, Atif Kamcil fut celui qui a été le plus horrifié quand il a été forcé de voir la série de télégrammes chiffrés surprenants. En conséquence, lors de 2 séances différentes, la 5ème (p. 86) et la 6ème (TV 3557 p.103), spécialement cette dernière il alla jusqu’à admettre qu’il avait cherché à obtenir, et avait obtenu l’aide du Secrétaire général du CUP pour l’inscription dans les cellules provinciales de Parti de l’engagement des cadres de l’Organisation Spéciale et de ses opérations. Atif, après avoir indiqué que les termes "chetté" (brigand) et "volontaires" (gönüllü) étaient plus souvent interchangeables, admit plus tard que le Ministre de l’Intérieur Talaat était impliqué non seulement dans le recrutement et le déploiement des détenus-brigands de l’Organisation Spéciale, mais collaborait à la promulgation de la loi autorisant leur libération des prisons. (TV 3557, p 104).

Trois spécialistes réputés de l’Organisation Spéciale déclarent explicitement que le Comité Central du CUP servait à la fois de cerveau et d’organisateur impliqué activement dans l’Organisation Spéciale22. En outre, un autre étudiant a conclu que l’Organisation Spéciale avait été créée par le Comité Central et qu’à l’occasion du choix des chefs opérationnels des unités de cette organisation, par le Ministre de l’Intérieur Talaat, le Comité Central lui-même avait spécifié ses modus operandi23. On peut aussi se référer au biographe de Talaat qui cite le penchant de ce dernier pour les entreprises illégales, en "élaborant et explorant les desseins secrets du CUP par la création d’une organisation indépendante"24.

Lewy n’a manifestement pas compris toutes ces missions sinistres et criminelles de l’Organisation Spéciale, toutes enregistrées dans la Turquie ottomane et moderne, car il n’a pas réussi à saisir la mission sous-jacente et donc aux conséquences plus graves de la motivation des dirigeants au sommet de l’Organisation Spéciale. La nature de cette mission a été exposée par un auteur turc qui a enquêté à ce sujet. Il a écrit : "L’Organisation Spéciale et les Ittihadistes dignes de confiance (c’est-à-dire le CUP) ont poursuivi le but de résoudre radicalement (temelden çözülmesi) la Question arménienne...[En fait], ils organisèrent et mirent en œuvre les déportations sur une grande échelle, et systématiquement. Le Dr. B. Chakir défendit cette politique aux conseils du Comité central du CUP."25 On trouve effectivement la même référence à une "solution finale" radicale dans la pétition du Ministre de l’Intérieur Talaat au Cabinet ottoman de la période de la guerre, quand il entreprit les formalités de demandes d’autorisation pour la déportation des Arméniens. L’importance critique de cette formule de solution radicale est évincée du fait que dans pratiquement tous les ouvrages turcs, y compris celui de Y.H.Bayur, doyen des historiens turcs, citant ce document, le passage faisant référence à cette formule est soigneusement supprimé — sauf dans l’un d’entre eux26. Peut-être que la réfutation la plus dévastatrice de cette affirmation que la principale mission de l’Organisation Spéciale était de "couvrir les opérations derrière les lignes russes" (p.4) que fait Lewy en citant deux auteurs américains27, est présentée par les deux sources qui font le plus autorité. L’une d’entre elles est Arif Cemil (Denker) un initié qui, singulièrement a noté en détail la chronique minutieuse de ces opérations sur le front du Caucase, et a affirmé que "les activités relatives à la reconnaissance et au brigandage (istihbarat ve çetecilik) imputées à l’Organisation Spéciale étaient une couverture pour la poursuite de "nobles idéaux comme l’Union Islamique et le Turquisme". Une déclaration presque identique est présentée par Esref Kuskubasi, que Lewy identifie comme "le dirigeant officiel de l’Organisation Spéciale" (p.4). Parlant des "objectifs de base" (temel gayesi) de l’Organisation Spéciale, il rejette avec dédain "la croyance et la supposition que la mission de l’Organisation Spéciale consistait à assurer l’information et la reconnaissance non falsifiées, des soulèvements et incidents déclenchés dans les pays ennemis..." Il continue en disant que l’objectif en réalité consiste à "établir l’Islam, qui est l’incarnation de l’essence de notre ordre moral, pour devenir une force effective dans notre politique étrangère"...28 En précisant la menace que feraient soi-disant peser, selon les dirigeants de l’Organisation Spéciale, les minorités non musulmanes de l’Empire, spécialement les Grecs de la côte de la Mer Egée, ce dirigeant poursuit par la confirmation suivante de l’existence d’une décision secrète d’éliminer ces minorités : L’Organisation Spéciale, opérant hors de la sphère du gouvernement, mais au moyen des agences du Ministère de la Guerre et du Comité Central du CUP, fut le premier préoccupé, à la suite d’une série de réunions secrètes du Ministère de la Guerre, par l’objectif de liquider (tasfiyesi) les masses de populations non turques qui vivaient dans des régions stratégiques et se trouvaient sous des influences étrangères et négatives.29

En déclarant catégoriquement que ce même chef de clan de l’Organisation Spéciale, Esref Kuscubasi, n’était en aucune manière impliqué dans les massacres arméniens et, comme il le précise "un examen plus approfondi révèle qu’Esref n’a fait aucun aveu de cette sorte" concernant son implication (p.4), Lewy, par inadvertance peut-être, démontre la possibilité très nette qu’il n’a aucune connaissance de la langue turque. S’il en est ainsi, a-t-il été trompé ou induit en erreur par des intrus, ou toute autre sorte d’aide extérieure ? Le fait est que "l’examen plus approfondi", révèle exactement le contraire. Les paroles d’Esref ont été rapportées par son biographe Cemal Kutay, et par la suite vérifiées par lui-même, Kuskubasi. En réagissant avec véhémence à l’assassinat par un vengeur arménien du Grand Vizir du temps de guerre Said Halim, à Rome en 1921, Kuscubasi s’est volontairement inculpé tout en disculpant le Grand Vizir. Ce dernier avait emphatiquement dénoncé "les massacres arméniens" à deux reprises dans son témoignage devant le 5ème Comité de la Chambre des Députés Ottomane qui enquêtait sur les "déportations et massacres" des Arméniens pendant la guerre, et par la même occasion avait dénigré le rôle sinistre du Ministre de l’Intérieur Talaat30. La déclaration en question de Kuskubasi dit :

"L’assassinat de ce martyr comme l’un des coupables est un crime et une injustice sans précédent. Je rejette catégoriquement cette accusation en qualité d’une personne ayant accompli des missions secrètes lors des événements (c’est-à-dire les déportations et massacres d’Arméniens) qui ont eu lieu à cet égard.31

En outre, il confirme que l’Organisation Spéciale a accompli des tâches qui allaient au delà des Services Secrets et étaient du ressort d’opérations secrètes qui avaient affaire effectivement avec ces éléments non turcs suspects au point de vue fidélité et attachement aux autorités centrales. "Il est certain que ces opérations réellement secrètes furent gardées secrètes même des ministres du Cabinet. C’étaient des opérations que les organes réguliers du gouvernement et même les organes de sécurité ne pouvaient absolument pas effectuer". Dans la même veine, il critiqua sévèrement ces populations victimes ciblées, en tant que "microbes séparatistes".32

A la lumière de tout cela, l’apologie de Lewy selon laquelle ce n’était pas l’Organisation Spéciale mais "plus vraisemblablement les exterminateurs des tribus kurdes et des policiers corrompus attirés par le butin" (p.5) nous en dit long sur le niveau de sérieux avec lequel il a manifestement abordé cet événement abominable de l’histoire moderne que deux témoins oculaires éminents ont dénoncé si abondamment et nommé génocide. L’Ambassadeur américain des Etats Unis, Henry Morgenthau, en fonction en Turquie durant le génocide, par exemple, l’a appelé "Le Meurtre d’une Nation"33 et le dirigeant sioniste judéo-allemand, Richard Lichtheim, qui, à travers toutes les phases de ce génocide, était également en fonction en Turquie, a comparé "cet acte de liquidation d’un peuple, dont la majorité étaient des paysans paisibles et travailleurs" à "la première phase de la campagne de Hitler d’extermination contre les Juifs"..."Organisé par le Ministre de l’Intérieur Talaat, c’était le résultat d’une politique délibérée, de meurtre de masse accompli de sang-froid, et qui a fait plus d’un million de victimes"34.

1)
Altay Yigit. Dogu Karadeniz Muharebeleri (The Battles in Eastern Black Sea Regions). v.1, Trabzon: Istikbal Publishing House, 1950, pp. 80-85. For the brigand activities of the Special Organization see the analysis of the late dean of Turkish political scientists and his reference to the brigands, i.e., “chettes”and “the convicts” (hapishanede bulunan mahkümlar). Tarik Zafer Tunaya, Türkiyede Siyasal Partiler v.III, Ittihat ve Terakki (Political Parties in Turkey. Union and Progress) Istanbul: Hürriyet, 1989, pp. 285-6.
2)
Austrian State Archives (HHStA), PAI 942, Krieg 21a Türkei . Zl.79/ pol, November 8, 1914; 83/ pol, December 12, 1914; PA21, XL 272, no.56, February 2, 1915. For more details on the activities Stange’s Detachment see Wolfdieter Bihl, Die Kaukasus- Politik der Mittelmächte. Part I. Vienna: 4 Bohlaus, 1975, p. 351, n-24
3)
German Foreign Ministry Archives, Botschaft Konstantinopel (thereafter Vo’kon) 170, J. n°.3841, August 23, 1915.
4)
The following list is but expository in this regard. Richard G. Hovannisian, The Armenian Holocaust. A Bibliography Relating to Deportations, Massacres, and Dispersion of the Armenian People. (1915-1923) Cambridge: HeritagePress, 1980; Vahakn N. Dadrian, Documentation of the Armenian Genocide in Turkish Sources in Genocide; A Critical Bibliographic Review, v.2, Israel Charny ed., London: Mansell, 1991, pp. 86-138; ibid., Documentation of the Armenian Genocide in German and Austrian Sources in The Widening Circle of Genocide. Genocide: A critical Bibliographic Review, vol.3, Israel Charny, ed., 1994, pp. 77-125. And most recently the massive compendium of official documents assembled in the national archives of Imperial Germany (During World War I), then the political and military ally of the Ottoman Empire, whose civilian and military representatives, deployed in wartime Turkey, besieged Berlin with an unending stream of official reports on the ongoing Armenian genocide. Der Volkermond an den Armeniern 1915/16. (Dokumente aus dem politischen Archiv des deutschen Auswartigen Amts), Wolfgang Gust, ed. Hamburg: zu Klampen, 2005, pp. 675.
5)
Hilmar Kaiser, “The Baghdad Railway and the Armenian genocide, 1915-1916.” In Remembrance and Denial. The Case of the Armenian Genocide, Richard G. Hovannisian, ed. Detroit: Wayne State University Press, 1999, p. 108, n. 78.
6)
Vahakn N. Dadrian, “The Naim- Andonian Documents on the World War I Destruction of Ottoman Armenians: The Anatomy of a Genocide, “International Journal of Middle East Studies” v.18, no.3 (August 1986): 311-360.
7)
In the Yozgat trial series, of the twelve witnesses five were Turks, including a parliamentarian, one lieut-governor, three colonels and one customs inspector. In those of Trabzon, of the thirty eight, twenty nine were Turks including one ex-governor-general, one Appellate Court judge, one judicial inspector, one police chief, one customs inspector, three MD’s, three colonels, one major, two captains, and two lieutenants. In addition, there were introduced as evidence two lengthy depositions from two army commanders. Moreover, some dozen other Turkish witnesses testified in the Harput trial series (Takvimi Vekayi [hereafter T.V.] no.3771, pp. 1-2), Bayburt (T.V. 3618, pp. 6-7), and Responsible Secretaries (T.V. no.3772. pp. 1-2).
8)
These publications were Vakit, March 31, 1919; Le Courrier de Turquie, April 1 and 2, 1919 issues (this was the official organ of the patriotic Turkish Association for the Defense of the Fatherland (Müdafai Vatan). The same text is available also in Hayat Tarih Mecmuasi, v.11, no.3, (November 1981): 53.
9)
George Young, Corps de Droit Ottoman, v. VII. Oxford: Clarendon Press, 1905, pp. 248, 259, 260, 261, 262.
10)
See Vahakn N. Dadrian “The Specifics of the Documents Lodged with the Key Indictment” in The Armenian Genocide in Official Turkish Records. Collected Essays by Vahakn N. Dadrian, in Journal of Political and Military Sociology (Special edition), v.22, no.1 (Summer 1994):165-171.
11)
U.S. National Archives, For the first report of January 9, 1919 see R.G. 256, 867.4016/2, pp. 2 and 3; for the second quotation report to Washington see R.G. 256, 867.00/59, p. 3, January 20, 1919.
12)
Vahakn N. Dadrian, “The Armenian Genocide: an interpretation” in America and the Armenian Genocide of 1915. Jay Winter ed., Cambridge: Cambridge University Press, 2003, pp. 54-56.
13)
Dadrian, The Specifics of the Documents [no.10], pp.156-57, 161-62.
14)
Galip Vardar, Ittihad ve Terakki Icinde Dönenler (The Inside Story of Ittihard ve Terakki [CUP] party) Istanbul: Inkilâp, 1960, pp. 313-24. The basis of this disclosure is an exchange between an S.O leader and Dr. B. Chakir in which the latter is indicating that he is in charge of the Armenian deportations and is inviting that the leader to join and benefit from the attendant spoilage and booty. Samit N. Tansu is the editor, who also edited the memoirs of the other author, Hüsameddin Ertürk, Iki Devrin Perde Arkasi (Behind the Curtain Relative to two Eras) Istanbul: Hilmi, 1957, on p. 146 Interior Minister and party boss Talaat is identified as the instigator of Chakir’s approach to the S.O. leader mentioned above. On p. 217 once, and on pp. 325 and 327, four times he refers to “Armenian deportations and massacres” as a twin phenomenon, and identifies a captain, belonging to the S.O., as the savior of a principal genocide suspect who with the latter’s help escaped from the prison before he could be court-martialed by the Military Tribunal.
15)
Falih Rifki Atay, Zeytindagi (The Olive Mountain) Istanbul: Ayyildiz, 1981, p. 36.
16)
Ibid., “Pazar Konusmasi” (Sunday Talk) in Dünya December 17, 1967.
17)
Ahmet Refik Altinay, Iki Komite, Iki Kital (Two Committees, Two Massacres) H. Koyukan, ed., Ankara, 1994, p. 27.
18)
Ahmed Emin (Yalman), Yakin Tarihte Gördüklerim ve Gecirdiklerim (The Things I Saw and Experienced in Recent History) v.1 (1888-1918), Istanbul: Yenilik 1970, pp. 331-2.
19)
IVID. Turkey in the World War New Haven: Yale University Press, 1930, pp. 217-220.
20)
Meclisi Âyan Zabit Ceridesi (Transcripts of the proceedings of the Senate) v.1, 3d Period, 15th sitting, December 12, 1916, p. 187, right column. For details of this role of Colonel Behic especially his active involvement in seeking legislative approval for the release of convicts through several cipher telegrams, see T.V. 3543, especially pp. 28-29 for the one marked “secret” and dated December 25, 1914.
21)
Turkish political scientist Tunaya explains how these defendants while in prison agreed among themselves to “unanimously” (oybirligi) deny any relationship between the S.O. and their political party, the CUP, and deny also any role of the party in the creation of the same S.O. Turkiyede Siyasal Partiler [n.2], p. 281. Author Yalman who shared prison life with these leaders, in his memoirs describes how they would gather in the large room of the prison for their “Cabinet Council” meetings to discuss, with the help of another inmate, Osman Interior Ministry’s Legal Counselor, defense strategy and common grounds Yakin Tarihte [n.18]. pp. 339-41.
22)
Ertürk, Iki Devrin [no.14], pp. 297-98, 306; Vardar, Ittihad ve Terakki [n.14]. pp. 244-46, 274.
23)
Mustafa Ragip Esatli; Ittihad ve Terakki Tarihinde Esrar Perdesi (The Curtain of Mistery in I. ve T.’s History) Istanbul: Hürriyet, 1975, p. 258.
24)
Tevfik Çavdar, Talat Pasa, Ankara; Dost, pp. 190, 210.
25)
Dogan Avcioglu, Milli Kurtulus Tarihi. 1838 den 1995e (The History of National Liberation. From 1838 to 1995) v.3, Istanbul: Istanbul publications, 1974, p. 1135. It should be noted that an identical revelation with details about Chakir’s trip to Istanbul from Erzurum is made by an insider. Chakir is laying down and pressing for its acceptance his respective plan during a special meeting with the members of CUP’s Central Committee. Arif Cemil, Ici Dünya Savasinda Teskilâti Mahsusa (The Special Organization in World War I) Istanbul: Arba 1997, pp. 233, especially 245-46. On pp. 73-4, the author likewise reveal’s Talaat’s order to release convicts from Trabzon.
26)
Muammer Demirel, Birinci Dünya Harbinde Erzurum ve Cevresinde Ermeni Hareketleri (1914-1918) Ankara: General Staff Publication, 1996, p. 53. In converting to modern Turkish, the author substituted and thereby slightly modified the original Ottoman term “Külliyen izalesi” when using the words “solving [the Armenian Question] in some essential way” (“esasli bir sekilde cözümlenmesi”).
27)
One of them, Gwynne Dyer, relied mainly on the work of Philip Stoddard to be commented upon in the next paragraph. Notwithstanding, Dyer repeatedly acknowledged the fact of the Armenian genocide in the following two articles, namely, (1) “Turkish ‘Falsifiers’ and Armenian Deceivers’: Historiography and the Armenian Massacres,” Middle Eastern Studies v.12, no.1 (January 1996). On p. 100 he speaks of “a policy of extermination” in 1915 by “the Ottoman Government;” on p. 107, he even refers to the “final solution” inflicted upon the Armenians. In an earlier piece, he likewise is emphatic about the historical reality of it by arguing that “the Armenian deportations were…. Official Turkish Government policy… used as the cover for a semi-official and ruthlessly applied policy of extermination.” Middle Eastern Studies v.3, (October 1973): p. 379. As to Stoddard, The Ottoman Government and the Arabs, 1911 to 1918: A preliminary Study of the Teskilati Mahsusa Ann Arbor, Michigan: University Microfilms, 1963, University Microfilms, Inc., Ann Arbor, there too the story is incomplete. Indeed, even though he never explicitly acknowledges the perpetration of massacres against the Armenians. Stoddard, nevertheless, acknowledges the “disdainful…activities…of ‘groups of brigands’ ” In the same vein, he refers to the seditiousness of “certain ethnic groups,” to their “separatist movements that eventually came under the purview of the Tieskilâti Mahsusa,” i.e., the Special Organization (p. 50), which was established “in part to ride herd on all separatist and nationalist groups” p. 6). On p. 157, he admits that the S.O. role consisted “in carrying out the decisions of CUP …,” and on p. 54 he identifies some of its top leaders as having been centrally involved, such as Drs. Chakir Nazim, and CUP’s Secretary General Midhat Sükrü. Even Erik Zürcher, cited by Lewy (p. 5), had, as noted earlier, to rely upon someone else’s work rather than produce his own research results when he wrote that Andonian materials “have been shown to be forgeries.” In the same work however, he wrote that “an inner circle within CUP under the direction of Talât [carried out] the extermination of the Armenians [using] relocation as a cloak.” Turkey A Modern History, London: Tauris, 1994, p. 121.
28)
Cemil, Ici Dünya [n.25], p. 11
29)
Quoted in Celâl Bayar, Bende Yazdim (I Too Have Written), v.5, Istanbul, Baha, p. 1573.
30)
Ittihad- Terakki’nin Sorgulanmasi ve Yargilanmasi (The Interrogation and Trial of CUP). Istanbul: Temel publ. No.98. pp. 82, 84; the verification by Kuscubasi in writing of the accuracy of the material, produced by Bayar, is on p. 1572, in note no.1.
31)
Cemal Kutay, Birinci Dünya Harbinde Teskilât-I Mahsusa (The Special Organization in World War I) Istanbul, 1962, n.p., p. 78.
32)
Ibid. pp. 18, 44. His criticism that I resorted to “inaccurate paraphrasing” and “selective ellipses” (p. 4) are, I am afraid, just unsubstantiated, hollow declarations revealing once more his lack of knowledge of Turkish.
33)
Henry Morgenthau, Ambassador Morgenthau’s Story, NY: Doubleday, p. 301.
34)
Richard Lichtheim, Rückkehr, Lebenserinnenungen aus der Frühzeit des deutschen Zionismus, Stuttgart: Deutsche Verlays- Anstalt, 1970, pp. 287, 341. In an effort to further question the genocidal quality of the mass murder of the Armenians, Lewy invokes the “ Nuremberg trials” and the massive documentation involved. But a whole host of Holocaust scholars, thoroughly familiar with those trials, went out of their way to recognize the Armenian genocide in an effort to contest its denial. The most recent example of it is the proclamation of the 127 Holocaust scholars who declared that “The Armenian Genocide is an Incontestable Historical Fact.” Among the signers was Nobel Laureate Elvie Wiesel, as such prominent Holocaust scholars as Yehuda Bauer , Israel Charny, Steven Katz, Irving Greenberg, Irving Horowitz, Zev Garber, and Richard Rubinstein the proclamation appeared in the June 9, 2000 issue of the New York Times. Equally important, the chief assistant to U.S. Justice Robert Jackson at Nuremberg was Robert Kempner, a German Jew. He was the one who discovered in German Foreign Ministry files the original copy No.10 of the notorious Wannsee Protocol that encapsulated the Final Solution. On numerous occasions especially in a law journal article, he emphatically asserted the fact of the Armenian genocide. He stated, among others, “For the first time in legal history, it was recognized that other countries could legitimately combat… genocide without committing unauthorized intervention in the internal affairs of another country.” He was referring to the public declaration on May 24, 1915 of the three Allies, Great Britain , France , and Russia , that “These new crimes of Turkey against the Armenians constitute crimes against humanity for which Turkish officials will be held responsible for these massacres.” Specifically he was referring to “1.4 million Christian Armenians who by order of the Turkish government were subjected to the first genocide of this century.” “Der Völkermord an den Armeniern” in Recht und Polotik, v.3 (1980): 167, 168. Kempner, upon arrival in America, became professor at the University of Pennsylvania. Two other Holocaust scholars reacted even more pungently to the denials mounted against the recognition of the Armenian genocide. Noted author Deborah Lipstadt wrote: “Denial of genocide whether that of the Turks against the Armenians or the Nazis against the Jews is not an act of historical reinterpretation. Rather, the deniers saw confusion by appearing to be engaged in a genuine scholarly effort….The deniers aim at convincing third parties that there is ‘another side of the story….” Lipstadt letter to Congressman Chris Smith, Chairman of the Subcommittee on International Relations, House of Representatives. 106th Congress, 2nd session, September 2, 2000. Under consideration was HR 398, a Resolution Commemorating the Armenian Genocide. Conceivably these intercessions by so many Holocaust scholars on behalf of the victims of the Armenian genocide have, in addition to a pathos for truth, elements of identification and projection. That sentiment was cogently and concisely articulated by Holocaust scholar Katherine Bischoping when she wrote: “The future of Holocaust denial may be foreshadowed by the persistent denial of the Armenian genocide.” “Method and Meaning in holocaust-knowledge Surveys.” Holocaust and Genocide Studies v.12, n.3 (Winter 1998): 463.
Version originale : JihadWatch

Traduction : Louise Kiffer

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