Ancien élève de l’École normale supérieure et docteur en histoire, Mikaël Nichanian est conservateur à la Bibliothèque nationale de France. Chercheur-associé au Collège de France, il co-anime, avec Vincent Duclert, un séminaire sur le génocide arménien à l’EHESS.
Premier génocide du XXe siècle, l’extermination des Arméniens d’Anatolie est aussi le seul à n’être pas reconnu à ce jour par l’État qui l’a perpétré, cent ans après les faits.En pleine guerre, la destruction des populations arméniennes et assyro-chaldéennes s’inscrivait au cœur d’un vaste programme de «turquification» à marches forcées de l’Anatolie.
Suppression des Arméniens et déplacements de certaines populations musulmanes poursuivaient un même but : faire de la Turquie une nation homogène et moderne.
L’observation de cette «révolution nationale» à l’œuvre en Anatolie a ainsi inspiré au juriste Raphael Lemkin une réflexion sur les crimes de masse et l’invention du terme de «génocide», qui trouve sa consécration en droit international en 1948.
À l’heure où le processus de négociation avec la Turquie pour une adhésion à l’Union européenne est enclenché, il est utile de revenir sur cette première tentative de « modernisation » lancée par les Jeunes-Turcs, car l’analyse de ses mécanismes demeure une nécessité pour prévenir leur répétition.
Introduction
Chapitre 1 – La naissance de la « Question arménienne » sous Abdülhamid II (1878-1908)
Les communautés non musulmanes de l’Empire ottoman
Déclin de l’empire et tentatives de modernisation
La crise de 1875-1878 et le traité de Berlin
Les conséquences du traité de Berlin sur la politique intérieure ottomane
Les partis politiques arméniens
La politique arménienne du sultan
La dimension internationale des pogroms des années 1894-1896
La « question arménienne » et les « six vilayets » (1878-1908) : une bataille de chiffres et de frontières
Chapitre 2 – Les Jeunes-Turcs et leur montée en puissance (1908-1914)
La phase révolutionnaire (1889-1908)
La « révolution » de 1908
L’opposition au CUP et la contre-révolution de 1909
Aspirations totalitaires : « économie nationale » et « turquification »
Relations entre le CUP et les Arméniens en 1908-1909
Les guerres balkaniques (1912-1913)
« Brutalisation » et nationalisme intégral
La question des « réformes » arméniennes de 1913-1914
Chapitre 3 – Entrée en guerre et logiques génocidaires (1914-1915)
Participation de l’Empire ottoman à la guerre en 1914
Premières opérations militaires (novembre 1914-janvier 1915)
Débats au sein du CUP concernant l’extermination des Arméniens (janvier-mars 1915)
Premières mesures anti-arméniennes (août 1914-avril 1915)
La résistance de Van (20 avril 1915)
Le 24 avril 1915 : arrestation des personnalités arméniennes d’Istanbul
Le procès des chefs hentchaks (28 avril 1915)
L’attitude des populations arméniennes : trahison ou soumission ?
Chapitre 4 – Le processus génocidaire : déportation, extermination, colonisation (1915-1918)
Le processus génocidaire : la première phase (1915)
Des études de cas : vilayet de Bitlis, Constantinople, l’Anatolie occidentale
Oppositions turques au programme d’extermination
Les provinces occidentales (Thrace, régions d’Izmit et de Bursa)
La deuxième phase du génocide : l’extermination dans le désert (1916)
Processus génocidaire et radicalisation
Le volet économique du processus génocidaire
La politique des unionistes à l’égard des autres peuples non-turcs
La situation militaire sur le front oriental de 1915 à 1917
Offensive ottomane en Anatolie orientale et dans le Caucase en 1918
Les massacres d’Arméniens dans le Caucase en 1918
Le bilan : estimation du nombre de victimes
Les rescapés du processus génocidaire
Chapitre 5 – La Turquie d’après-guerre : la question de la responsabilité
Les conséquences de la guerre et le bilan de la politique unioniste
La question des responsabilités : le procès des unionistes (1919-1920)
Quelle valeur accorder à ces procès ?
L’attitude de la société musulmane à l’égard du génocide arménien
La lutte armée des unionistes contre le partage de l’Anatolie
Mustafa Kemal et les unionistes
Bilan de la politique unioniste entre 1914 et 1922
Conclusion – Les conditions de possibilité d’un génocide
Un héritage hamidien déterminant
L’idéologie unioniste et le contexte de guerre
L’héritage du processus génocidaire
Se le procurer :