Ne mélangeons pas tout

Trente et une personnalités – dont des écrivains, des juristes et des historiens – se sont prononcés contre la pétition lancée le 12 décembre par 19 historiens qui demandaient l'abrogation d'articles de loi qu'ils qualifiaient d'"indignes d'un régime démocratique".
En nous opposant à la pétition « une liberté pour l’Histoire » , nous pensons que le droit à la dignité ne limite pas la liberté d’expression.

Nous revendiquons pour tout un chacun une pleine et entière liberté de recherche et d’expression. Mais il paraît pernicieux de faire l’amalgame entre un article de loi éminemment discutable et trois autres lois de nature radicalement différente. La première fait d’une position politique le contenu légal des enseignements scolaires et il paraît souhaitable de l’abroger. Les secondes reconnaissent des faits attestés de génocides ou de crimes contre l’humanité afin de lutter contre le déni, et de préserver la dignité de victimes offensées par ce déni.

Ces trois lois ne restreignent en rien la liberté de recherche et d’expression. Quel historien a jamais été empêché par la loi Gayssot de travailler sur la Shoah et d’en parler ? Déclarative, la loi du 29 janvier 2001 ne dit pas l’histoire. Elle prend acte d’un fait établi par les historiens – le génocide des Arméniens – et s’oppose publiquement à un négationnisme d’Etat puissant, pervers et sophistiqué. Quant à la loi Taubira, elle se borne simplement à reconnaître que l’esclavage et la traite négrière constituent des crimes contre l'humanité que les programmes scolaires et universitaires devront traiter en conséquence.

Le législateur ne s’est pas immiscé sur le territoire de l’historien. Il s’y est adossé pour limiter les dénis afférents à ces sujets historiques très spécifiques, qui comportent une dimension criminelle, et qui font en tant que tels l’objet de tentatives politiques de travestissements. Ces lois votées ne sanctionnent pas des opinions mais reconnaissent et nomment des délits qui, au même titre que le racisme, la diffamation ou la diffusion de fausses informations, menacent l’ordre public.

L’historien serait-il le seul citoyen à être au-dessus de la loi ? Jouirait-il d’un titre qui l’autorise à transgresser avec désinvolture les règles communes de notre société ? Là n’est pas l’esprit de la République où, comme le rappelle l’article 11 de la déclaration des Droits de l’Homme, « tout citoyen peut parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».

Signataires :

Claire Ambroselli, Muriel Beckouche, Tal Bruttmann, Yves Chevalier, Didier Daeninckx, Frédéric Encel, Dafroza Gauthier, Alain Jakubowicz, Bernard Jouanneau, Raymond Kévorkian, Serge Klarsfeld, Marc Knobel, Joël Kotek, Claude Lanzmann, Laurent Leylekian, Stéphane Lilti, Eric Marty, Odile Morisseau, Claire Mouradian, Assumpta Mugiraneza, Claude Mutafian, Philippe Oriol, Gérard Panczer, Michel Péneau, Iannis Roder, Georges-Elia Sarfati, Richard Sebban, Yveline Stéphan, Danis Tanovic, Yves Ternon, Philippe Videlier

Pétition du 20 décembre 2005

Reproduit d'après le site du CDCA :
http://www.cdca.asso.fr/s/detail.php?r=0&id=381

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