Heinrich Vierbücher

Arménie 1915

Témoignage d'un officier allemand

Un massacreur : le beau-frère d’Enver Pacha

Le gouverneur de Van était Djevdet Bey, le beau-frère d’Enver Pacha. Dans son territoire, les ordres gouvernementaux furent strictement exécutés. Lors d’une assemblée de Turcs, il disait déjà en février 1915 : « Nous avons fait table rase avec les Arméniens et les Syriens d’Azerbaïdjan ; nous devons faire pareil avec les Arméniens de Van. » La population de Van refusa de se rendre aux bandes meurtrières et leur tint tête dans une résistance désespérée d’un mois, au cours de laquelle dix huit Turcs trouvèrent la mort. Mais l’ambassadeur turc à Berlin communiqua au monde l’assassinat par les Arméniens de 150000 Turcs dans le vilayet de Van ! Durant le siège de Van, Djevdet Bey fit détruire plus de 200 villages et massacrer 26 000 habitants. Van fut délivrée par la subite avancée des Russes.

Le Vénézuélien Raphaël Nogalès y Mendez, qui a été en Turquie durant la Première Guerre mondiale, décrit dans son livre « Quatre ans sous le Croissant » ses impressions dans le camp le Djevdet Bey. Il trouve le beau-frère d’Enver toujours habillé à la dernière mode de Paris, aimable et au besoin même généreux, mais quand même « un tigre à forme humaine ». Dans le palais, Nogalès a sa place vis-à-vis du gouverneur. À gauche de celui-ci se tient Reschid Bey, l’adjudant en uniforme élégant. « À voir son comportement cultivé en société, on a de la peine à imaginer que le sang de douzaines d’hommes colle à ses doigts très soignés. » À la droite du gouverneur siège Achmed Bey qui, plus tarçl et sur l’ordre du gouvernement, a assassiné les chefs arméniens de Van : Ichkhan et Vramian, députés de la province de Van à la Chambre ottomane.

 

Nogalès écrit :

« Parmi les scènes les plus répugnantes que j’ai vues figure une procession de gendarmes conduisant un vénérable vieillard. D’après sa tunique noire et sa barrette violette, il s’agissait d’un évêque nestorien. De sa plaie sur le front suintaient des gouttes de sang qui semblaient se transformer en larmes de martyr coulant sur ses joues pâles. Lorsqu’il passa près de nous, il fixa le regard sur moi comme s’il sentait que moi aussi j’étais chrétien, puis il continua son chemin en direction d’une colline. Là, il s’arrêta, les bras croisés, au milieu de son troupeau qui l’avait précédé dans la mort, puis il s’écroula, déchiqueté par les fers de ses meurtriers. »

Dans un autre rapport on lit :

« À Hastevan et à Salmas (Haste van et Salmas sont des localités en Iran, les Turcs y étaient également entrés et y avaient massacré des chrétiens), on a retiré d’un puits à pompe 850 cadavres décapités. Pourquoi avait-on décapité ces hommes ? Le commandant en chef des troupes turques avait fixé un prix pour chaque tête de chrétien.

« Les puits sont abreuvés de sang chrétien. Plus de 500 femmes et jeunes filles de Hastevan ont été livrées aux Kurdes de Sautchbulak… Des centaines de femmes allèrent se jeter dans le fleuve lorsqu’elles virent tant de leurs sœurs violées en plein jour par ces bandes de sauvages. »

Un instituteur écrit :

« Mi-avril, les Turcs ont brûlé ma maison ainsi que toutes les autres de notre rue. 250 femmes et enfants des villages environnants et 50 de notre ville avaient trouvé refuge dans notre maison. Ils périrent tous dans les flammes… Dans les villages désertés, dépeuplés, ne vivaient plus que les chiens se nourrissant de cadavres. »

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