Mémorandum daté du 15/28 octobre 1915, de source bien informée, à Bucarest, relatif à l'extermination des Arméniens en Turquie.

1. A Vézir-Keupru, (district de Marsivan), toutes les femmes et les jeunes filles arméniennes de 7 à 40 ans ont été vendues aux enchères. Des femmes furent aussi offertes aux acheteurs sans paiement.

2. A Césarée, on força plus de 500 familles arméniennes à embrasser l'islamisme. Un père demanda à son fils, à Constantinople, de suivre son exemple, « afin d'éviter de pires conséquences pour ses parents. »

3. Tous les fonctionnaires judiciaires arméniens dans les provinces ont été congédiés. Tous les fonctionnaires turcs, qui ont montré un zèle particulier dans l'extermination des Arméniens, ont reçu de l'avancement. C'est ainsi que Zéki Beyi Kaïmakam de Dévellu (Césarée), l'homme qui dirigea en personne les terribles tortures infligées aux prisonniers arméniens et qui fut responsable de la mort de la plupart d'entr'eux, a été nommé Mektoubdji du vilayet de Constantinople.

4. Le Gouvernement Jeune Turc a publié, comme excuse, ou peut-être comme un moyen d'exciter davantage la haine contre les Arméniens, un livre intitulé : « Le mouvement séparatiste arménien », qui est aussi ridicule que criminel.

Le lecteur y trouve non seulement des copies de publications entièrement fausses, mais même des vues d'énormes dépôts d'armes et de munitions, prétendues être arméniennes.

5. A Koniah et partout ailleurs, des femmes de soldats arméniens déportés, ont été emmenées comme servantes et concubines dans des familles turques.

6. A Marach, plus de 300 Arméniens ont été exécutés par la Cour Martiale, en plus de nombreuses victimes assassinées au cours des déportations. A Panderma, beaucoup d'Arméniens notables ont été condamnés à mort par la Cour Martiale. Le vicaire Barkev Vartabet a été condamné à cinq ans de servitude pénale. L'archevêque d'Erzeroum, Sa Grandeur Sempad qui, avec l'autorisation du Vali, retournait à Constantinople, fut assassiné à Erzindjan par les brigands au service du Comité Union et Progrès. Les évêques de Trébizonde, Césarée, Mouch, Bitlis, Séert et Erzindjan ont tous été assassinés par ordre du Gouvernement Jeune Turc. D'après des rapports de voyageurs, toute la population arménienne de Trébizonde a été massacrée sans aucune exception. Presque toute la population masculine de Sivas, Erzeroum, Kharpout, Bitlis, Baïbourt, Khinis, Diarbékir, etc.. a été exterminée. A Tchénguiler, un petit village dans le district d'Ismidt, 300 hommes ont été massacrés parce qu'ils n'avaient pas obéi à l'ordre de quitter leurs maisons. Les déportés de Rodosto, Malgara et Tchorlou, qui ont été dépossédés de tous leurs biens, conformément à la nouvelle « Loi temporaire » du 13/26 Septembre, ont été séparés de leurs familles et envoyés à pied d'Ismidt à Roniah, sur l'ordre arbitraire du notoire Ibrahim, dictateur du district d'Ismidt. On obligea des milliers de pauvres Arméniens, expulsés de Constantinople, à marcher à pied d'Ismidt à Koniah et plus loin, après avoir consigné tout ce qu'ils possédaient aux gendarmes, y compris leurs chaussures. Ceux qui ont les moyens de voyager par chemin de fer sont aussi dépouillés par les gendarmes, qui réclament non seulement le prix du billet de Constantinople à leur destination, mais leur soutirent tout leur argent, en leur vendant des vivres à des prix exorbitants. Ils exigent un paiement, môme pour ouvrir la porte des W. C.

7. Les voyageurs allemands d'Alep décrivent comme terrible la misère des déportés arméniens. Ils disent avoir vu tout le long de la route des corps d'Arméniens morts de faim.

Les députés arabes venus de Bagdad et de Syrie disent que la misère dans les déserts de Hauran est indescriptible :

« Le chemin de fer déverse dans les montagnes un grand nombre d'Arméniens, qui sont abandonnés là sans pain, ni eau. Dans les villes et les villages, les Arabes, essaient de leur porter quelques secours ; mais généralement les Arméniens sont abandonnés à 5 ou 6 heures de leurs demeures. Nous vîmes sur le chemin de nombreuses femmes, des vieillards et des enfants mourant de faim, et qui ne savaient à qui et où s'adresser pour avoir de l'aide. »

Quelques Arméniens mènent une vie de misère parmi les Arabes, à une distance de 40 ou 45 heures de Bagdad. Tous les jours il en meurt beaucoup de faim. Le Gouvernement ne leur donne aucune nourriture. Cependant de nouvelles troupes ont été envoyées à Bagdad, qui seront un nouveau fléau pour les infortunés exilés.

8. Trois Commissions spéciales ont été envoyées à travers les provinces pour liquider les biens abandonnés et les propriétés des Arméniens, conformément à la nouvelle « loi temporaire » du 13/26 septembre 1915.

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