THE NEW YORK
TIMES – nyt- 1915/10/18
DES MILLIERS DE PROTESTATIONS CONTRE LES MEURTRES D'ARMENIENS
Seuls un homme et une femme s'opposent aux Résolutions dénonçant
les violences.
Les Turcs ont tué 500,000 personnes.
Selon toute évidence, d'après le Département d'Etat, un quart de
million de femmes ont été violées.
Le 18 Octobre 1915 -Un large public
réuni hier après-midi au Century Theatre, à l'Ouest de Central
Park dans la Soixante-deuxième rue, venait de crier son
approbation à la résolution déplorant les atrocités commises
contre les Arméniens par les Turcs, quand un homme, qui disait
s'appeler Brown, s'est levé en demandant la possibilité de
débattre de la résolution.
Une femme, qui s'est présentée sous le nom de Mrs Brooks, a crié
des encouragements au contestataire et a demandé qu'il puisse
être entendu. Il a été jeté hors du théâtre par la force, mais
est revenu quelques minutes plus tard, exigeant avec colère
d'être entendu.
Le rassemblement, organisé pour condamner les atrocités en
Arménie, se tenait sous l'égide d'éminents Américains et
d'Arméniens célèbres. Hamilton Holt, le rédacteur en chef de The
Independent, présidait, tandis qu'à la tribune se sont exprimés
le Révérend Dr Lames L. Barton, de l'American Board des délégués
des Missions Etrangères, le Rabbin Stephen S.Wise, le Révérend
Père John J. Wayne, S.J., l'éditeur de l'Encyclopédie
catholique; W. Brouke Cochran, le Révérend Dr. Ernest Yarrow de
Van en Turquie et le Révérend Dr. William J. Haven.
Les résolutions adoptées sont les suivantes :
Attendu que le monde civilisé a été
choqué par des séries de massacres et de déportations
d'Arméniens dans l'Empire turc; et,
Attendu que ces crimes et ces violences commis contre un peuple
industrieux, économe et pacifique ne trouvent aucune
justification ni du point de vue de la loi ni d'un point de vue
humain; et,
Attendu que ces Arméniens qui ont survécu sont dans l'attente
impérieuse de secours et de soulagement, puisse-t-il être
ici-même,
Décidé que, en tant que citoyens Américains, nous nous faisons
un devoir solennel d'implorer tous les officiels et les autres
susceptibles d'avoir une influence dans l'Empire turc, de mettre
un terme à ces méfaits et d'apporter toute l'aide possible à
l'Ambassadeur américain et aux autres capables de secourir et de
rapatrier un peuple qui, par son histoire et ses réalisations a
été un bien pour l'empire;
Il est résolu de plus que cette guerre quelles que soient les
nations impliquées, ne justifie pas l'inhumanité contre des gens
innocents. Le massacre d'hommes inaptes au combat, les tortures,
les mutilations et les violences commises ont donné aux endroits
les plus agréables au monde un air d'enfer. Au nom du Dieu des
Nations et de notre humanité commune, nous en appelons aux
nations en guerre pour qu'elles stoppent ces crimes contre la
civilisation et l'humanité.
Le Père Wynne appuyait les
résolutions et Mr Holt les présentait au vote quand Brown s'est
levé, rouge d'excitation.
Plusieurs hommes se sont pressés vers l'agitateur et l'ont
reconduit par l'allée centrale. Mrs Brooks a alors demandé que
l'homme soit entendu et a suivi ceux qui le conduisaient dehors.
Le public s'était levé comme ceux qui étaient sur la scène,
parmi lesquels il y avait Mgr Lavelle, qui représentait le
Cardinal Earley, Charles R. Crane de Chicago, le Révérend Dr H.
P. Mendes, le professeur William W. Rockwell, le professeur
Samuel P. Dutton, et nombre d'autres hommes éminents.
L'homme a été jeté de force hors du théâtre en dénonçant avec
colère ceux qui l'expulsaient et en luttant pendant chaque
centimètre du chemin qui le conduisait dehors.
« Ce rassemblement, a dit Mr Holt dans son discours d'ouverture,
se tient dans le but de déplorer la plus grande hécatombe que
l'Histoire ait connu. Ces massacres perpétrés actuellement en
Turquie sont les plus affreux de l'Histoire du monde, et s'ils
doivent cesser il nous faut compter sur l'Allemagne chrétienne,
qui seule peut sauver les Arméniens. L'appel peut ne pas être
écouté à Constantinople, mais il sera entendu à Berlin »
Le Dr Barton a été le premier à prendre la parole : « Nous
sommes ici, a-t-il dit, pour parler des malheurs qui s'abattent
sur les Arméniens dans l'Empire ottoman, malheurs que nous ne
pouvons ignorer. » Se référant au rapport établi par le Comité
sur les atrocités vécues par les Arméniens, le Dr Barton a
déclaré que les révélations venaient pour la plupart de
documents officiels du département d'état à Washington
« Le Comité, a-t-il déclaré, a fait des démarches pour
rassembler des faits bruts avant d'aller à Washington et
d'examiner les rapports officiels au Département d'état. On a
demande pourquoi nous n'avions pas rendu public le nom des
personnes ayant réalisé ces rapports. La raison est évidente.
Les représailles sont l'une des lois en Turquie. L'un de nos
Consuls a demandé que son nom soit tu car il aurait dû quitter
son poste si son nom avait été rendu public. »
Le Dr Barton tenait une large liasse de papiers, des copies de
rapports officiels au Département d'état. Des extraits ont été
lus racontant des tortures terribles, ayant provoqué la mort
dans des milliers de cas.
Le Dr Barton a lu une déclaration, émise par un Arménien
célèbre, diplômé d'une université américaine, à peine arrivé
dans ce pays. Il a raconté le sort de 1215 hommes. Ces hommes
ont été rassemblés en troupeau et emmenés par groupes de
vingt-cinq personnes sur ordre du Gouvernement et brutalement
assassinés. Les exécutants, a-t-il dit, étaient des gendarmes
turcs, des meurtriers et d'autres criminels libérés des prisons
pour aider à l'assassinat des Arméniens.
« La récompense pour ces meurtres, disait le témoignage, était
l'argent et les objets de valeur trouvé sur les corps de leurs
victimes. L'un de ces hommes s'est vanté d'avoir eu 150 pounds
en argent turc pour sa nuit de travail. »
Bourke Cochran a dit qu'il avait été informé qu'entre 500 000 et
800 000 Arméniens avaient été massacrés et que 250 000 filles
avaient été violées. Le problème de l'Arménie, a estimé Mr
Cochran, est le problème de Cuba en 1898 empiré un million de
fois.
Le Rabbin Wise était le dernier intervenant. Il n'était pas là,
a-t-il affirmé, en tant qu'opposant à la Turquie ni en tant que
champion de l'Arménie mais pour protester contre l'inhumanité,
qu'elle soit commise par les Allemands contre les Belges, par
les Russes contre les Juifs, ou par les Turcs contre les
Arméniens. Il a déclaré que l'Allemagne et l'Autriche pouvaient
faire beaucoup pour mettre fin aux atrocités subies par les
Arméniens et que si elles ne le faisaient pas, ces nations
pourraient s'apercevoir que « certaines victoires sont plus
désastreuses que des défaites »
« Si les Allemands veulent se mettre à dos ceux qui demeurent
encore neutres, a-t-il dit, qu'ils laissent ces violences
continuer sans s'y opposer. S'ils veulent se réhabiliter, qu'ils
disent aux Turcs: plus une goutte de sang ne doit être versée. »
Sur tous les sièges il y avait des pétitions adressée au Kaizer
et au peuple d'Allemagne pour les implorer d'utiliser leur
influence pour mettre fin aux atrocités commises contre les
Arméniens.
Source :
THOUSANDS PROTEST ARMENIAN MURDERS
THE NEW YORK
TIMES – nyt- 1915/10/16
Nous ne pouvons rien faire de plus
Le 16 Octobre 1915
WASHINGTON, le 15 Octobre Le gouvernement des Etats-Unis a fait
tout ce qu'il pouvait, officiellement, dans le but de soulager
la condition des Arméniens de Turquie, selon les opinions
officielles. Les officiels ont dit aujourd'hui au député du New
Jersey John J. Eagan qu'en dehors de protestations officieuses
auprès du Gouvernement turc par le biais de l'Ambassadeur
Morgenthau, soulignant le mauvais effet sur l'opinion publique
américaine du traitement des Arméniens, rien de plus ne pouvait
être fait.
Le député Eagan s'était enquis du sort des Arméniens et de la
politique des Etats-Unis à ce sujet.
Source :
WE CAN DO NOTHING FURTHER
THE NEW YORK
TIMES – nyt- 1915/10/17
LES RESPONSABLES
ARMENIENS ONT REPONDU A DJELAL BEY
Selon eux, le consul turc
ment en niant les atrocités de masse.
ILS EXPLIQUENT LA BATAILLE DE VAN
Ils disent que les Chrétiens étaient en état de légitime
défense - Rassemblement de protestation d'aujourd'hui au Century
Theater.
Le 17 Octobre 1915
Dr M. Simbad Gabriel, Président de l' « Armenian General
Progressive Association », association arménienne pionnière aux
Etats-Unis, et Arshag D. Mahdesian de la Société des Arméniens
en Amérique, ont répliqué hier aux propos tenus la semaine
dernière par le Consul Général à New York au Times, qui
affirmait que le rapport réalisé par l'American Committee au
sujet des atrocités subies par les Arméniens était une
fabrication, et qui ajoutait que toutes les mesures que les
Turcs avaient été amenés à prendre contre les Arméniens étaient
dues aux activités hostiles de ces derniers.
Mr Mahdesian a dit que les affirmations du Consul Général
étaient un tas de mensonges, et « un pauvre effort de la part de
Djelal Bey pour démontrer l'innocence de ses compatriotes dans
les plus terribles atrocités commises contre un peuple entier
depuis des siècles »
« L'une des affirmations de Djelal Bey, a dit Mr Mahdesian,
qu'il sait inexacte, est celle qu'il fait quand il se réfère à
une visite de Noël Buxton à Van. Selon lui, Noël Buxton a visité
la ville de Van après que la présente guerre a éclaté et a tenté
d'y déclencher un soulèvement contre le Gouvernement Turc. La
visite qu'il cite si intelligemment comme une justification à ce
qui s'est passé a eu lieu des mois avant le début de la guerre,
au début de 1914, et personne ne sait cela mieux que Djelal Bey.
Bien sûr, Mr Buxton n'a jamais tenté de déclencher une
insurrection avant la guerre, ni pendant la guerre ni jamais.
Pourquoi les noms n'ont pas été rendus publics.
« Ensuite, Djelal Bey demande pourquoi le comité, dans lequel
figurent des membres comme l'évêque Greer, le Cardinal Gibbons,
le rabbin Wise, Oscar S. Straus et Cleveland H. Dodge, n'a pas
donné le nom des gens qui lui ont rapporté les atrocités que les
Turcs sont en train de commettre contre les Arméniens dans
l'Empire Ottoman. Et bien, je vais le lui dire. C'est parce que
le comité savait que s'il le faisait, Djelal Bey télégraphierait
les noms en Turquie, et que cela signifierait la mort ou la
torture de chacune des personnes nommées.
Aussi horrible qu'étaient les révélations faites par le rapport
du Comité sur les atrocités, cela ne divulguait pas toutes les
horreurs de la situation présente. En vérité, le rapport ne
disait rien de la mutilation des jeunes filles, de la lacération
de leurs corps ni de la pendaison haut et court des pauvres
restes de leurs corps, avec inscrit sur leurs membres et leurs
torses la mention « bir metallik » par livre. Un « metalik »
correspond à un cent en Amérique. C'est l'une des choses
affreuses qu'ils ont trouvées pour terrifier la population
arménienne et c'est arrivé à Harput, à Hadjim, à Malatya et dans
d'autres endroits. Cette information nous vient de sources
absolument dignes de confiance.
« Et plus encore, ce rapport ne dit pas que l'ordre turc de
bombarder le quartier des 'sales arméniens' à Van était signé
par un officier au nom allemand, et que le bombardement était
dirigé principalement contre la partie arménienne et les
réserves des missionnaires américains, et que pendant le
bombardement cinq drapeaux américains ont été criblés de balles
lors de tirs commandés par l'officier au nom allemand »
Dr Gabriel, qui était l'un des délégués ottomans lors du Congrès
International de la Croix Rouge tenu à Washington en 1912, a
déclaré :
« Il semblerait que les Turcs ont seulement 'tué' les Grecs, les
Maronites, les Bulgares et les Arméniens mais qu'ils ne les ont
pas massacrés. Les Turcs les ont tués quand ils se sont rebellés
contre l'ordre turc. Les Arméniens à Van, dit le Consul turc, se
sont soulevés les armes à la main contre l'autorité turque,
c'est pourquoi ils ne pouvaient être considérés autrement que
comme des rebelles, et l'on ne pouvait pas attendre des turcs,
après que la ville avait été reprise, qu'ils traitent ces
révolutionnaires avec une main de velours.
Voici la version du Consul. Elle pourrait être digne d'attention
si elle n'était pas terriblement biaisée pour épouser sa cause.
La vérité est que les Turcs avaient déjà inauguré le nouveau
règne de la terreur et des massacres dans la province de Van, et
Van a été poussée par le cours des 'événements cruels' à
recourir à la légitime défense. D'autres villes ou villages
avaient déposé les armes, croyant les serments des autorités
turques selon lesquels ils ne seraient pas brutalisés, et
avaient été passés traîtreusement au fil de l'épée. Les
Arméniens de Van, prévenus par l'expérience des autres, ont
refusé d'abandonner les armes, mais ils n'ont entrepris aucune
action révolutionnaire jusqu'à ce que les troupes turques
bombardent leurs quartiers, n'épargnant même pas les maisons des
missionnaires américains.
Si certains Arméniens dans des villes comme Trébizonde étaient
'des éléments suspects', on pouvait les envoyer 'vers
l'intérieur du pays' vers des provinces comme celles de Sivas ou
de Harput qui sont situées en plein milieu de l'Asie mineure,
mais pourquoi 10 000 Arméniens de Trébizonde devraient être
chassés de leurs maisons et même, pourquoi des hommes des femmes
et des enfants devraient-ils être jetés dans la mer Noire? Le
Consul italien a été témoin de cette sauvagerie inconcevable.
Qui ose le nier? L'ambassadeur Morgenthau a télégraphié depuis
Constantinople que la majorité des Arméniens de Turquie ont été
tués. Pourquoi l'ambassadeur affirmerait-il une telle chose s'il
n'était pas convaincu de la véracité des faits?
Combien représente cette majorité? Au moins 800 000. C'est le
chiffre mentionné dans les derniers rapports et c'est une
estimation très prudente. Tout porte à croire que le nombre de
victimes dépasse le million. »
Des délégations de plus d'un millier d'églises et
d'organisations religieuses assisteront aux rassemblements
principaux qui doivent se tenir aujourd'hui au Century Theatre
pour protester contre le massacre des Arméniens par les Turcs.
Elles représenteront toutes les confessions.
Hier, il a été annoncé que le Cardinal Farley avait
officiellement désigné Mgr Lavelle, le recteur de la Cathédrale
St Patrick, pour le représenter lors de la réunion. Certains des
intervenants sont des missionnaires et des voyageurs qui
reviennent à peine de la scène des massacres. D'autres
intervenants seront W; Bourke Cochran, Le Rabbin Stephan S.
Boston. Hamilton Holt présidera.
Les portes du théâtre seront ouvertes à huit heures. Aucun droit
d'entrée n'est demandé.
Source :
ARMENIAN LEADERS ANSWER DJELAL BEY
IL DEFEND LA REPRESSION DES ARMENIENS
Le Comte von Reventlow déclare que ce que la Turquie leur fait
n'est l'affaire de personne.
Berlin, le 9 octobre
1915 (via Londres), Le comte Ernst von Reventlow,
auteur militaire pour le Tagezzeitung, dans un article intitulé
«le tollé au sujet des 'atrocités contre les Arméniens' à
Berlin » déclare sèchement que la façon dont la Turquie gère les
insurrections arméniennes ne concerne qu'elle. Son article a été
inspiré par le rapport d'Henry Morgenthau, l'ambassadeur des
Etats-Unis en Turquie, dans lequel il mettait en garde la
Turquie contre le fait que ses relations avec les Etats-Unis
seraient mises en danger si les massacres contre les Arméniens
ne cessaient pas.
Le comte von Reventlow déclare qu'il n'est pas en mesure de
parler de ce problème comme il le voudrait, mais exprime
l'espoir que la Turquie ne se laissera pas intimider.
Il
poursuit :
« Si la Turquie considère qu'il est nécessaire qu'il soit mis
fin par tous les moyens possibles aux soulèvements et aux autres
intrigues arméniennes, pour que ces faits ne puissent pas se
reproduire, cela ne constitue pas des massacres, ou alors ils
sont justifiés et nécessaires, d'autant plus justifiés et
nécessaires si l'on considère que l'Empire Turc est en train de
mener son combat le plus difficile pour l'existence, et a assez
d'ennemis extérieurs. Lui demander d'entretenir en plus un
ennemi intérieur en son sein, parce que cela siérait aux
Britanniques et aux Américains, c'est lui en demander beaucoup
trop.
L'Empire Turc a longtemps enduré le fait que toutes les grandes
puissances, désireuses de détruire, de piller ou de voler les
Turcs, veuillent s'ingérer dans ses affaires. A présent nous
devrions penser que ces temps-là sont enfin révolus. Et ils le
seront en effet dès que l'Empire germanique aura de façon
déterminée adopté le point de vue selon lequel ce que son allié
turc fait avec ses révolutionnaires arméniens ne concerne que
lui seul. »
L'auteur a exprimé son indignation face à un rapport publié par
le Frunkfurter Zeitung dans lequel les Consuls allemands
encourageaient à amoindrir les souffrances arméniennes, et a
déclaré que cette position lui était incompréhensible et qu'il
la considérait comme politiquement fausse.
« Nous, Allemands, n'avons aucun compte à rendre ni aux ennemis
ni aux neutres quant à ce que les Turcs font avec leurs
Arméniens ou à ce que les Consuls Allemands en disent »
déclare-t-il. « La place de l'Empire germanique et de chaque
individu allemand est aux côtés de notre allié turc, et cela
sans la moindre critique »
Source :
DEFENDS REPRESSION OF THE ARMENIANS
LES FEMMES
ARMENIENNES VENDUES AUX ENCHERES - Nyt 19150929
Le 29
Septembre 1915
Les réfugiés racontent le sort de ceux qui sont entre les mains
des Turcs
Dans son discours d'hier, ses remarques étant basées sur des
informations authentifiées en sa possession, le professeur
Dutton a dit qu'il ne croyait pas que quelque chose d'aussi
horrible que l'effort étudié et systématique de la part d'une
classe politique de Turquie -les Jeunes Turcs, dirigés par Enver
Pasha- pour exterminer toute une race soit arrivé depuis de
nombreux siècles. Le plan entier implique la destruction totale
des Arméniens.
Il y a seulement un jour ou deux, a ajouté le professeur Dutton,
une jeune fille qui avait quitté la Turquie le 18 Août l'appela
pour le voir. Elle raconta le sort de 100 filles qui suivaient
les cours d'une école de missionnaires en Anatolie. Ces filles,
arméniennes bien sûr, furent divisées en groupes et celles qui
étaient les plus belles selon les officiers turcs furent
emportées par les officiers. Celles qui furent considérées un
peu moins belles furent données aux soldats tandis que les moins
belles furent vendues aux plus offrants.
Plusieurs Américains qui ont passé plusieurs années en Turquie
sont arrivés ici ces derniers jours. Ils témoignent tous de
l'entière vérité des rapports qui viennent de Turquie concernant
le traitement des Arméniens. Cependant ils supplient que leur
nom ne soit pas mentionné de peur que ce qu'ils disent puisse
être rapporté en Turquie et que les amis ou les parents qu'ils
ont laissés derrière eux soient punis par les Turcs en
représailles.
Les copies de deux lettres, dans lesquelles ceux qui écrivent
racontent le sort subi par les Arméniens, ont été données au
Times hier par un homme qui suit de près le sort des Arméniens.
L'auteur de l'une de ces lettres dit entre autres choses:
« A Urtab, Tukh, et environ vingt autres villages Arméniens
autour du lac, la population entière a été retrouvée massacrée
par les Turcs, on n'a pas retrouvé une seule âme qui vive dans
ces villages, qui sont maintenant abandonnés aux chiens errants,
tandis qu'un grand nombre de corps ont été charriés par les
rivières et le lac jusque sur leurs rives.
Ces corps, qui appartenaient tous à des hommes, étaient
terriblement mutilés, mais l'on n'a rien pu découvrir sur le
devenir des femmes et des enfants. Le 20 Juillet au coucher du
soleil, les Arméniens se sont emparé des hauteurs de Kerkur.
Quand ils ont atteint le sommet, la ville de Bitlis, en flammes,
s'est présentée à leur regard désespéré. Quelques femmes
réfugiées, qui ont réussi à se soustraire au cordon de sécurité
turc, ont raconté depuis les massacres diaboliques dans la ville
et la déportation totale des femmes et des enfants. »
Une lettre de Turquie décrite comme d'une indubitable fiabilité
est arrivée à un prêtre de l'Eglise Arménienne par une
mystérieuse voie souterraine. Voici quelques extraits de cette
lettre:
« L'Arménie sans les Arméniens, voici le plan du gouvernement
ottoman, qui a déjà commencé à installer des familles musulmanes
dans les maisons et les propriétés des Arméniens. Il est inutile
de le dire, les déportés ne sont pas autorisés par le
gouvernement à emporter le moindre de leurs biens avec eux, et
comme il n'y a pas de plus de moyen de transport en raison des
exigences militaires, ils sont forcés à marcher à pied pendant
les deux ou trois mois de voyage vers ce coin de la région
désertique qui est destiné à devenir leur sépulcre. »
Source :
ARMENIAN WOMEN PUT UP FOR AUCTION
LE
DEPEUPLEMENT DE L'ARMENIE
The Independent - 19150927
Le 27 Septembre 1915
Les bouleversantes nouvelles des massacres, de la torture et de
la déportation des Chrétiens Arméniens sont autant d’appels à la
sympathie et à l’aide américaine. D’après des sources nombreuses
et fiables en Turquie, il paraît évident qu’il ne s’agit pas de
troubles locaux ou d’oppression insignifiante, mais d’un effort
systématique pour déraciner la race arménienne. Des milliers de
familles ont été arrachées à leurs maisons pour mourir sur les
routes. Les villes et les villages ont été privés de leurs
habitants. Beaucoup sont torturés pour les forcer à renoncer à
leur foi chrétienne. Les femmes sont enfermées dans les harems
et les enfants sont vendus comme esclaves.
La nécessité militaire ne saurait servir à excuser ces outrages
dans la mesure où les régions dévastées sont dans certains cas
hors de portée d’une possible invasion russe et dans la mesure
où les Arméniens n’ont montré aucune disposition à la révolte à
part là où, comme à Van, ils ont été contraints à
l’auto-défense. Il semble que les Turcs, perdant l’espoir de
maintenir leur suprématie, aient résolu de détruire les
Arméniens de façon à anticiper l’établissement d’une Arménie
autonome au cas où les alliés conquerraient la Turquie.
Mais il s’agit d’une chose à laquelle nous portons un intérêt
sincère car de l’argent américain et des vies américaines ont
été dépensés pour le soutien des peuples opprimés de l’Empire
Ottoman. Le bureau Américain des délégués des missions
étrangères travaille depuis près d’un siècle et a investi
environ vingt millions de dollars. Il reste dans l’Empire
Ottoman aujourd’hui dix collèges américains ; le Robert College
de Constantinople, Le Collège de Constantinople pour filles, Le
Collège Protestant Syrien à Beirut, Le Collège international à
Smyrne, l’Anatolia College à Marsovan, l’Euphrate College à
Harpout, Le Collège d’Aintab, le Central Turkey College à Marash,
le Collège Saint Paul à Tarse, et le Teachers College à Sivas.
Dans ces institutions et dans d’autres écoles il y a plus de
quarante mille élèves, dont une large part est arménienne.
Des milliers d’Arméniens ont fui la tyrannie turque et ont
trouvé refuge en Amérique où ils sont devenus de bons citoyens
des Etats-Unis. La détresse présente et le danger imminent
encouru par les Arméniens en Asie Mineure provoqueront un vrai
intérêt dans tous les Etats-Unis.
Source :
THE DEPOPULATION OF ARMENIA
LES RECITS
SUR LES HORREURS SUBIES PAR LES ARMENIENS, CONFIRMES
Une commission sur les atrocités déclare que 1,500 000 de
victimes ont déjà souffert
nyt19150927
27 Septembre
1915 - Le Professeur Samuel Train Dutton, secrétaire de la
commission sur les atrocités contre les Arméniens, a rendu
public hier un rapport préliminaire de la commission décrivant
le résultat de ses investigations sur les conditions terribles
auxquelles sont confrontés les Arméniens. La commission déclare
que son rapport sur le massacre, la torture et autres mauvais
traitements subis par les Arméniens de tous âges sont confirmés
par ses investigations.
Les autres membres de la commission, aux côtés du Professeur
Dutton sont Cleveland H. Dodge, Arthur Curtis James, Rabbi
Stephen S. Wise, John R. Mott, Frank Mason North, James L.
Barton, William Sloane, D. Stuart Dodge, et d'autres.
La déclaration qu'a faite la commission hier est la suivante:
"une sous-commission a minutieusement examiné le témoignage et
vient de rendre son rapport à la commission entière qui confirme
chaque détail de la déclaration faite par Viscount Bryce au
sujet de l'emprisonnement, de la torture, du meurtre, du
massacre et de l'exil vers les déserts de l'Arabie du Nord
d'Arméniens sans défense et innocents, y compris des hommes
grabataires, des femmes et des enfants, et leur conversion
forcée à l'Islam.
Des témoignages écrits de témoins oculaires dont les noms sont
connus de la commission, mais qui évidemment ne peuvent pas être
rendus publics, ont été examinés avec la plus grande attention.
Ces témoignages s'étendent sur des centaines de pages, la
réputation et la position des auteurs et le caractère certains
de leurs déclarations emportent une conviction absolue quant à
la véracité de leurs dires.
Les témoins examinés sont des Arméniens, des Grecs, des
Bulgares, des Italiens, des Allemands, des Turcs, des Anglais,
des Américains, des hommes d'affaires, des voyageurs et des
fonctionnaires de divers grades et fonctions. Pas une seule
déclaration ne peut être remise en question quant aux faits
qu'elle rapporte. Ils s'accordent tous à dire que d'Izmir à
l'Ouest de la Perse, de la Mer noire à l'Arabie, une propagande
d'extermination des non musulmans est maintenant menée par le
gouvernement Turc, qui surpasse de loin par sa férocité et par
l'ampleur des destructions tout ce qu'avait fait Abdul Hamid
durant sa longue expérience du massacre et de l'extermination.
Les déclarations examinées, dont beaucoup sont en la possession
de la commission, couvrent des centaines de villes et de
villages dans lesquels dans bien des cas tous les Arméniens ont
été tués sans ménagement, souvent après d'horribles tortures, ou
envoyés dans le désert pour y mourir de faim, et cela aussi,
avec une cruauté diabolique. La déportation ostensible des
hommes, des femmes et des enfants à travers la Mésopotamie est
en général une manière de faire marcher ces réfugiés mourant de
faim, sans défense, et souvent nus, vers les montagnes, pour y
être soumis à des atrocités et massacrés, quelquefois par des
Kurdes qui coopèrent avec plaisir à ce travail de destruction.
Parmi ces réfugiés et ces victimes se trouvent des élèves et des
diplômés des écoles et des collèges américains, des professeurs
et des professionnels qui ont reçu leur diplôme dans des
universités européennes et américaines, des hommes et des femmes
qui ont été les intellectuels et les entrepreneurs du pays
pendant une génération ou plus.
La procédure planifiée, qui est la même dans toutes les parties
du pays, semble avoir pour but l'élimination totale de tous les
peuples non musulmans d'Anatolie, et ce but est déjà en voie
d'être atteint en ce qui concerne les Arméniens.
En plusieurs endroits les propriétés américaines ont été
saisies, les Américains recherchés, emprisonnés et expulsés du
pays. Leurs lettres et leurs télégrammes, même en provenance du
Consulat Américain, ont été interceptés, et leurs vies mises en
danger. Ceci, cependant, paraît de moindre importance comparé au
travail de destruction entrepris contre les Arméniens.
Les preuves semblent démontrer que probablement 1,500,000
d'Arméniens ont déjà été assassinés ou forcés à marcher vers le
désert, où seule la mort les attend, à moins qu'un soutien
immédiat ne les mette à l'abri. Tout ceci s'est passé depuis le
mois de Mars, et a maintenant atteint le paroxysme de son
abominable fureur.
La commission croit que si la presse du pays, avec toute
l'emphase qu'elle peut, fait entendre ses protestations et
appelle le Gouvernement Turc à mettre un terme à ce crime contre
l'humanité, et à laisser les exilés qui sont peut-être encore en
vie rentrer chez eux, ceci ne manquera pas de produire des
résultats.
Etant donné la grande influence que l'Allemagne et l'Autriche
exercent sur leur allié, le peuple Américain ne manquera pas de
les considérer moralement responsables s'il était permis que les
atrocités continuent."
Source :
TALES OF ARMENIAN HORRORS CONFIRMED |