Yves Ternon, Mardin 1915 (RHAC IV - 2002) Livre IPremière partie, entre Tigre et Euphrate.

LIVRE PREMIER - Reconstitution Historique

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Première partie.

Entre Tigre et Euphrate

Le génocide arménien fut planifié pour l’ensemble de l’Empire ottoman et l’on retrouve dans son exécution la marque de cette programmation. L’Empire ottoman était vaste, un assemblage de pièces aux caractères différents. C’est l’histoire du génocide dans un de ces éléments – le vilayet de Diarbékir – que je tente d’approcher dans ce premier livre. Pour y parvenir, il m’est apparu nécessaire d’effectuer un triple balayage lumineux, en variant à chaque fois l’intensité et le foyer. Le premier, chronologique, parcourt une histoire plurimillénaire en augmentant l’éclairage à mesure qu’il se rapproche de 1915. Le second, géographique, montre une province, celle de Diarbékir, et va même au-delà. Il s’arrête en des lieux précis où des événements importants pour le récit sont survenus, mais il se focalise sur une ville, Mardin, et ses environs. Cette histoire est celle du génocide arménien à Mardin, un lieu bien précis. Le faisceau lumineux s’arrête sur ses habitants, les victimes plus que les bourreaux. Il les met en évidence avant et après la catastrophe, les derniers jours de la Mardin chrétienne. Le troisième faisceau qui souligne cette scène est sociologique. Il s’attache à faire ressortir la composition d’une société multiple, un amalgame de communautés dont les clivages sont aussi nombreux chez les musulmans que chez les chrétiens. Cette province, ne cessent de répéter voyageurs et diplomates, est une mosaïque de peuples et de religions, mais chaque pièce de cette mosaïque évolue avec le temps : elle se désagrège, se divise, se cimente ou se transforme. Ce récit ne serait guère compréhensible s’il n’offrait pas les clés qui permettent d’appréhender ces communautés chrétiennes, ce qui les unit, ce qui les oppose et surtout les incessantes mutations qui s’opèrent en elles sous l’impulsion du pouvoir ottoman ou indépendamment de lui.

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Vilayet de Diarbékir en 1914

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