PROCÈS DU GÉNOCIDE

 Dossier :  RÉCIT DES HORREURS

RÉCIT DES HORREURS COMMISES EN ARMENIE

Nyt19151004

Lundi 4 octobre 1915 - Un rapport d’éminents Américains dit que ces horreurs sont inégalées depuis mille ans. Une politique d’extermination mise en œuvre contre un peuple impuissant. Des village entiers dispersés ! Des hommes et des enfants massacrés, des femmes et des jeunes filles vendues comme esclaves et distribuées aux Musulmans.

Le Comité des Atrocités arméniennes, un corps d’éminents américains ayant enquêté pendant des semaines sur la situation de l’Arménie turque, a diffusé hier un rapport détaillé sur cette enquête, dans lequel il est affirmé qu’en cruauté et en horreur, rien dans les mille ans passés n’a égalé les persécutions actuelles du peuple arménien par les Turcs. Le Comité ajoute que les sources d’information sont « incontestables quant à leur véracité, leur intégrité, et l’autorité des auteurs ». Ces données sur lesquelles est basé le rapport ont été rassemblées de toutes les parties de l’Empire turc.

Le rapport parle d’enfants de moins de quinze ans jetés dans l’Euphrate pour être noyés, de femmes forcées d’aller dans le désert avec un bébé dans les bras, et abandonnées au bord des routes pour mourir, de jeunes femmes et jeunes filles que des Turcs se sont appropriées, puis jetées dans des harems, attachées, ou vendues au plus offrant, et d’hommes torturés et assassinés. Tout ce qu’un Arménien possède, même ses habits sur le dos, sont volés par ses
persécuteurs.

Le rapport dit que la bastonnade renaît, de hauts dignitaires de l’Eglise ont été pendus, des familles éparpillées aux quatre vents, des milliers et des milliers de personnes sans défense et malheureuses rassemblées comme du bétail et conduites dans les terres désertiques de l’empire, pour y mourir de faim.

Les hommes qui ont signé le rapport sont  :

. le Révérend David H. Greer, évêque épiscopal protestant du diocèse de New York
. Oscar S. Straus, ancien secrétaire du commerce et du travail et ex-Ambassadeur de Turquie
. Cleveland H. Dodge, de Phelps, Dodge & Company
. Le révérend Dr. Stephen S. Wise, rabin de la Synagogue libre de N.Y.
. Charles R. Crane de Chicago, vice-président de ‘Finance Committee of the Democratic
National Committee’ au cours de la campagne précédente.
. Arthur Curtiss James, directeur de plusieurs sociétés de chemins de fer et de la Banque nationale de Hanovre, de la United States Trust Co, et Phelps, Dodge & Co.
. Le Rév. Dr. Frank Mason North du Conseil d’administration des Missions étrangères de l’Eglise Episcopale Méthodiste.
. John R. Mott du Comité international de ‘Young Men Christian Association’.
. William W. Rockhill, ancien ambassadeur de Turquie, et ancien ambassadeur de Russie.
. William Sloane, président de W.&J. Sloane, 575 - 5ème Avenue, N.Y.
. Le Rev. Dr. Edward Lincoln Smith, du Conseil d’Administration américain des Commissaires pour les Missions étrangères.
. Le Rev. Dr. Frederick Lynch, de la New York Peace Society.
. Georges A. Plimpton, de Glinn & Co., administrateur de Constantinople College.
. Le Rev. Dr. James L.Barton, missionnaire en Turquie pendant de longues années, et aujourd’hui secrétaire du Conseil d’Administration des Commissaires pour les Missions Etrangères.
. Le rév. Dr. William J. Haven, l’un des fondateurs de la ‘Epworth League’.
. Stanley White, Président de « White Advertising Corporation ».
. Professeur Samuel P. Dutton, une autorité dans les affaires du Balkan.

Identité cachée des auteurs.

« Pour des raisons évidentes pour tous », dit le Comité dans la préface de son rapport, les noms et positions des différents auteurs ne peuvent pas être révélés en ce moment.
Ils sont connus du Comité qui se porte garant pour eux et leurs déclarations.
Dans la plupart des cas, il sera nécessaire de cacher le lieu où ces déclarations ont été écrites, et même les noms de villes citées, afin que l’auteur ou ses cas ne puissent souffrir de maux irréparables.

Les sources d’information, ajoute-t-il, sont grecques, bulgares, américaines, turques, allemandes, britanniques et arméniennes.

Le rapport, qui contient 20 000 mots, est divisé en 25 parties.
La première, datée du 27 avril 1915, déclare qu’un « mouvement contre les Arméniens fait partie d’un mouvement concerté contre tous les éléments non-turcs, et ceux de mission et de progrès, y compris sionistes.

La seconde, datée de trois jours plus tard, parle de la persécution, des pillages et massacres à l’intérieur de la Turquie, et de « l’incroyable rigueur » contre les Arméniens de Zeytoun et de Marash.

Le 10 juillet, l’auteur affirme qu’il était évident qu’une « tentative systématique de déraciner la paisible population arménienne avait été décidée en haut lieu.
Les tortures, pillages, viols, meurtres, expulsions massives, déportations et massacres provenaient de toutes les parties de l’empire et étaient dus non pas à une demande populaire ou fanatique mais à des directives purement arbitraires de Constantinople ».
Le 16 juillet, un autre auteur écrit qu’ « une campagne d’extermination de race est en cours ».

Le chapitre VI décrit les massacres fin juillet, de femmes et d’enfants dont la plupart avaient été déportés de la région d’Erzeroum. Les massacres se sont produits près des villes de Kemakh, entre Erzeroum et Harpout.
La déportation avait commencé à Zeytoun.
Les chapitres VII et VIII forment deux des plus horribles chapitres d’horreurs, dont le rapport se divise. Ils sont séparés comme suit :

Le 20 juin. La déportation a commencé il y a six semaines par 180 familles de Zeytoun ; depuis, tous les habitants de cet endroit et des villages alentours, ont été déportés ; ainsi que presque tous les Chrétiens d’Albustan, un grand nombre de Hadjin, Sis, Kars Pazar, Hassan Beyil et Deort Yol. Leurs nombres s’élèvent à ce jour à 265 000.
Parmi eux, environ 5 000 ont été envoyés dans la région de Konya, 5 500 sont à Alep et les villes et villages environnants, et le reste est à Der Zor, Racca et différents endroits de Mésopotamie, même aussi loin que le voisinage de Bagdad. Le processus continue encore, et l’on ne sait pas jusqu’où cela va aller.

Les ordres déjà reçus vont amener ce nombre à 82 000 dans cette région, et il n’y a pas encore d’exilés d’Aintab, très peu de Marach et d’Ourfa. Il se peut que les ordres des commandants aient été raisonnablement humains, mais leur exécution a été pour la plupart d’une dureté inutile, et dans certains cas accompagnée d’une horrible brutalité envers les femmes, les enfants, les malades et les personnes âgées.
Tous les villages ont été déportés après un avis d’une heure, sans aucune opportunité de se préparer pour le voyage, pas même dans certains cas, de rassembler les membres de la famille dispersée, de sorte que de jeunes enfants sont restés derrière. A Hadjin, les gens aisés, qui avaient préparé de la nourriture et de la literie pour la route ont été obligés de les laisser dans la rue, et par la suite, ont beaucoup souffert de la faim.

Les femmes conduites sous le fouet.

Dans de nombreux cas, les hommes (ceux d’âge militaire étaient presque tous dans l’armée) étaient attachés fortement avec des cordes ou des chaînes.
Les femmes avec de jeunes enfants dans les bras, ou dans les derniers jours de grossesse, étaient menées sous le fouet comme du bétail.
Trois cas différents sont parvenus à ma connaissance, dans lesquels la délivrance d’une femme se produisit sur la route, et à cause du conducteur brutal qui la pressait le long du chemin, elle mourut d’hémorragie.
Je connais aussi un cas où le gendarme en charge était un homme humain, et accorda à la pauvre femme plusieurs heures de repos, puis lui procura une charrette pour continuer.
Certaines femmes devinrent si complètement épuisées et désespérées qu’elles laissèrent leur enfant au bord de la route.
De nombreuses femmes et jeunes filles furent violées. En un endroit, le commandant
de la gendarmerie dit ouvertement aux hommes auxquels il confiait un grande compagnie qu’ils étaient libres de faire ce qui leur plaisait avec les femmes et les jeunes filles.
Quant à la subsistance, il y avait une grande différence d’un lieu à un autre. Dans certains endroits, le gouvernement les avait nourris ; ailleurs, il avait permis à d’autres de les nourrir.
Il y a eu beaucoup de faim, soif et maladie, et quelques réels cas de famine et mort.

Ces gens étaient dispersés en petites unités, trois ou quatre familles par ci, par là, parmi une population de race et religion différentes, et parlant une langue différente. Je parle d’eux comme si c’étaient des familles, mais les quatre cinquièmes d’entre eux étaient des femmes et des enfants, et les hommes présents étaient pour la plupart vieux et incompétents.
Si aucun moyen n’est trouvé pour les aider au cours des quelques mois prochains, jusqu’à ce qu’ils soient établis dans leur nouvel environnement, les deux tiers ou les trois quarts d’entre eux vont mourir de famine et de maladie.
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Les pieds des prisonniers battus et tombés en morceaux.

J’ai été appelé un jour dans une maison où j’ai vu un drap en provenance de la prison, et qui était envoyé pour être lavé. Ce drap était couvert de sang, coulant en ruisselets. On me montra aussi des habits qui étaient trempés et excessivement sales. Je me demandais ce qu’ils avaient bien pu faire aux prisonniers, mais j’ai été au fond des choses grâce à l’aide de deux personnes de confiance qui avaient été en partie témoins : le prisonnier est placé dans une pièce (comme au temps des Romains), des gendarmes se tiennent deux par deux de chaque côté, et deux au fond de la pièce, chacun son tour donne la bastonnade jusqu’à ce qu’il n’en ait plus la force. Du temps des Romains, 40 coups étaient administrés au maximum ; mais là, cependant, 200, 300, 500, et même 800 coups étaient administrés. Le pied enfle, puis éclate sous les nombreux coups et ainsi le sang gicle. Le prisonnier est ensuite ramené en prison et mis au lit par le reste des prisonniers. Cela explique le drap ensanglanté Les prisonniers devenus inconscients après ces coups sont ranimés au moyen d’eau froide versée sur la tête, ce qui explique les habits sales. Un jeune homme a été battu à mort en l’espace de cinq minutes.
A part la bastonnade, d’autres méthodes sont employées aussi, telles que la pose de fers rougis sur la poitrine.
Un forgeron qui était soupçonné d’avoir forgé des obus, fut libéré après avoir eu les orteils brûlés avec de l’acide sulfurique (appelé kérab).

Le Consul allemand d’Alep estime à 30.000 le nombre de déportés. 5000 personnes ont été déportées au lieu malsain de Sultani, dans la région de Konya. Les premiers jours, le gouvernement a donné un peu de pain. Quand il n’y eut plus de pain, ils ne reçurent plus rien.
La misère était déchirante.

Au chapitre 9, l’auteur décrit un autre règne de terreur, pendant lequel la terrible bastonnade était en usage, avec la torture du feu en plus. Il avait entendu des cas de brûlures des yeux des pauvres victimes.

Dans un autre cas, de vieilles bombes trouvées dans un cimetière et enfouies là probablement sous le règne d’Abdul Hamid, servirent de prétextes pour torturer et tuer des centaines de personnes accusées de les avoir cachées pour les utiliser contre les Turcs.

Le 26 juin des Arméniens d’une certaine ville reçurent l’ordre de partir. Sans exception. Jeunes et vieux, riches et pauvres, malades et bien-portants, tous devaient partir. Si elle était gravement malade, la victime était tirée de son lit jusque dans les rues. On leur prenait leurs chaussures et leurs vêtements. Ils étaient jetés en prison, puis envoyés au loin, par groupes de trente ou plus. Certains groupes étaient enchaînés. Un homme qui était en contact avec le gouvernement turc affirma plus tard qu’ils avaient été tués.

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Les femmes des soldats du Sultan déportées.

Après la déportation des hommes, les femmes et les enfants reçurent l’ordre d’être prêts à partir. On leur disait d’être prêts à partir le mercredi, et voilà ce qui arrivait : le mardi, à environ 15h30, des chars à bœufs apparaissaient aux portes du premier quartier a être évacué, et on odonnait aux gens de partir immédiatement. Certains étaient tirés de leur lit sans même un habit suffisant. Durant toute la matinée les chars à bœufs claquaient en sortant de la ville, chargés de femmes et d’enfants, et ça et là, un homme qui avait échappé aux déportations précédentes.
Dans de nombreux cas, les maris et les frères de ces femmes, étaient loin dans l’armée, combattant pour le gouvernement turc.

La panique dans la ville était terrible. Les gens se doutaient que le gouvernement était décidé à exterminer la race arménienne, et ils étaient impuissants à résister. Les gens étaient sûrs que les hommes avaient été tués, et les femmes kidnappées.

De nombreux condamnés de la prison avaient été relâchés, et les montagnes environnantes de …….étaient pleines de bandes de hors-la-loi. On craignait que les femmes et les enfants soient enlevés de la ville et laissés à la merci de ces hommes.

Cependant il est probable que des enlèvements de jeunes filles attrayantes se soient produits par des officiels turcs de………….

Un Musulman rapporta qu’un gendarme lui avait offert de lui vendre deux filles pour 1 medjdié (4 dollars). Les femmes pensaient qu’elles allaient subir un sort pire que la mort, et plusieurs transportaient du poison dans leurs poches pour l’utiliser si nécessaire. Quelques-uns transportaient des pioches et des bêches pour enterrer sur le côté de la route ceux qui allaient sûrement mourir.

Pendant ce règne de terreur, on remarqua qu’il était facile de s’échapper ; que quiconque acceptait l’Islam aurait la permission de rester tranquillement chez lui. Les bureaux des avocats qui enregistraient les demandes étaient remplis de gens désireux de devenir Mahométans. Beaucoup le firent pour l’amour de leur femme et enfants, sentant que ce serait l’affaire de quelques semaines avant la délivrance.

La déportation continuait à intervalles d’environ deux semaines. On estime que sur 12 000 Arméniens de…………..il en restait à peine une centaine. Même ceux qui avaient proposé d’accepter l’Islam furent déportés. Au moment de mettre tout cela par écrit, aucun mot précis n’avait été entendu par l’un de ces groupes…

Un autre chapitre dit qu’au sujet de ces 12 000 Arméniens déportés, de toutes classes et de tous âges, « toute la population mahométane savait que ces gens allaient devenir leur proie
dès le début, et qu’ils seraient traités comme des criminels ». La route de ces malheureux
était jonchée de cadavres.

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La tête des enfants fendue sur les rochers, voilà ce qui est arrivé dans un village
où vivaient alors de nombreux Arméniens.

………………, un village à environ deux heures de ……………….. est habité par des Arméniens grégoriens et catholiques. Un Arménien, riche et influent, et ses deux fils, furent placés l’un derrière l’autre, selon un témoin de confiance, et tirés en un seul coup.

Quarante cinq hommes et femmes furent emmenés à une courte distance du village, dans une vallée. Les femmes furent d’abord violées par les officiers de gendarmerie, puis remises aux
gendarmes pour en disposer. Selon ce témoin, un enfant a été tué en ayant sa tête frappée contre un rocher. Les hommes ont tous été tués et personne n’a survécu de ce groupe de 45 personnes.

Voici, en partie, l’histoire d’une autre malheureuse ville arménienne. Dans la journée, les policiers fouillèrent les maisons des Arméniens, à la recherche d’armes, et n’en ayant pas trouvé, ils emmenèrent les meilleurs et les plus honorables des habitants et les emprisonnèrent.
Certains d’entre eux furent exilés, et les autres furent torturés avec des fers chauffés à blanc pour qu’ils révèlent les armes soi-disant cachées.

Le Bureau de la Gendarmerie semble avoir le contrôle total de l’affaire, et le Mutessarif les soutient. Ils détiennent maintenant environ une centaine des meilleurs citoyens de la ville en prison, et aujourd’hui le chef de la gendarmerie a appelé l’évêque arménien et lui a dit que si les Arméniens ne livrent pas leurs armes, et les révolutionnaires parmi eux, qu’il a des ordres pour exiler la totalité de la population arménienne de …………. comme ils l’ont fait à ceux de
…………………….
Nous savons comment ces derniers ont été traités, car une centaine d’entre eux ont été traînés à travers ……………………… sur leur chemin vers le désert où ils ont été exilés.
Ces pauvres exilés étaient principalement des femmes, des enfants et des vieillards, ils étaient frappés à coups de gourdin, et battus, et fouettés comme s’ils avaient été des bêtes sauvages, et les femmes et les filles étaient tous les jours criminellement violées, à la fois par leurs gardes et les ruffians de chaque village qu’ils traversaient.
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Un autre document entre les mains du Comité américain prouve que « le Gouvernement Jeune-Turc poursuit incessamment, et chaque jour avec une plus grand violence, la guerre comme si elle était déclarée contre ses sujets arméniens. »

Une lettre d’une femme en Turquie, d’une intégrité indubitable, relate en partie ce qui suit :

« Notre groupe partit le 1er juin (ancienne date) avec 15 gendarmes nous accompagnant.
Le groupe comprenait 400 à 500 personnes. Nous étions à peine à deux heures de chez nous, lorsque des bandes de villageois et des crapules en grand nombre, avec des carabines, des fusils, des haches, nous entourèrent sur la route et dérobèrent tout ce que nous avions.
Les gendarmes prirent mes trois chevaux et les vendirent aux mouhadjirs turcs , empochant l’argent. Ils prirent mon argent et celui du cou de ma fille, et aussi toute notre nourriture.

Après cela, ils séparèrent les hommes, un par un, et les tuèrent tous dans les 6 ou 7 jours, tous ceux qui avaient plus de 15 ans.
A côté de moi deux prêtres furent tués, l’un d’entre eux avait plus de 90 ans.
Ces crapules prirent toutes les belles femmes et les emmenèrent sur leurs chevaux.
De très nombreuses femmes et jeunes filles furent ainsi transportées dans les montagnes, parmi elles ma sœur, dont ils jetèrent le bébé d’un an ; un Turc le ramassa et le transporta je ne sais où.
Ma mère marcha jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus aller plus loin, et tomba au bord de la route, au sommet d’une montagne.

Nous avons trouvé sur la route un grand nombre de ceux qui avaient fait partie des départs précédents, de………………….. ; les uns étaient parmi les morts, avec leur mari et leurs fils.

Nous avons aussi rencontré des personnes âgées et de jeunes enfants encore vivants, mais dans une situation pitoyable, à force d’avoir crié.

Nous n’avions pas la permission de dormir la nuit dans les villages, nous devions nous allonger en dehors.
Sous le couvert de la nuit, d’indescriptibles actes ont été commis par les gendarmes, les crapules et les villageois.
Un grand nombre d’entre nous sont morts de faim ou frappés d’apoplexie. D’autres sont restés au bord de la route, trop faibles pour continuer.

Un matin, nous avons vu 50 à 60 chariots, avec environ 30 veuves turques, dont les maris avaient été tués pendant la guerre ; elles allaient à Constantinople. L’une de ces femmes fit un signe à l’un des gendarmes, de tuer un certain Arménien qu’elle désigna. Les gendarmes lui demandèrent si elle ne souhaitait pas le tuer elle-même, elle répondit : « Pourquoi pas ? »
Et tirant un revolver de sa poche, elle tira et le tua.

Chacune de ces hanums turques avait avec elle, cinq ou six fillettes arméniennes de moins de dix ans. Les Turcs ne voulaient jamais prendre de garçons, ils les tuaient tous, de n’importe quel âge.

Ces femmes voulurent prendre aussi ma fille, mais elle ne voulait pas se séparer de moi.
Finalement, nous sommes montées toutes les deux dans leur char, sur notre promesse de devenir Musulmanes. A peine montées dans la voiture, elles se mirent à nous enseigner comment devenir Musulmanes, elles changèrent nos noms, m’appelant ……………. et ma
fille……………….
Les pires horreurs et les plus inimaginables étaient réservées pour nous sur les rives de l’Euphrate et dans la plaine d’Erzingan. Les corps mutilés de femmes, de petites filles et de jeunes enfants faisaient frissonner tout le monde.

Les crapules faisaient toutes sortes d’actes ignobles aux femmes et aux fillettes qui étaient avec nous, et dont les cris montaient jusqu’au ciel.

Dans l’Euphrate, les crapules et les gendarmes jetèrent dans le fleuve le reste des enfants au-dessous de 15 ans. Ceux qui ne pouvaient pas nager étaient abattus alors qu’ils se débattaient dans l’eau.
Sept jours plus tard, nous atteignîmes ………………Là, il ne restait plus un seul Arménien vivant.
Les femmes turques nous emmenèrent au bain, ma fille et moi, et nous montrèrent
toutes les autres femmes et fillettes qui avaient accepté l’Islam.

Les criminels musulmans relâchés pour le pillage

Extraits de divers témoignages inclus dans le rapport d’hier :

2 août. Environ 800 femmes d’âge moyen et âgées, et d’enfants de moins de dix ans, arrivèrent à pied de Diarbékir, après 45 jours en route, dans la plus pitoyable condition imaginable.
Elles dirent que les Kurdes avaient pris les jeunes femmes et les jeunes filles,
pillé même la moindre somme qu’elles avaient et autres biens, les privant de nourriture et autres besoins, et les laissant dans une misère indescriptible.
Dans toute la campagne, les dirigeants arméniens avaient été tués ou pendus.
Les commerçants étaient devenus mendiants et exilés.

Trente mille criminels mahométans avaient été relâchés des prisons, et formaient des bandes sous une stricte discipline militaire. L’une des obligations de ces bandes était de piller les villages, de cambrioler et d’assassiner les exilés.

Les patriarches grec et Arménien avaient demandé audience aux ministres du gouvernement turc, mais cela leur avait été refusé.

Les Ambassadeurs étrangers, parmi lesquels se trouvait celui des Etats Unis, avaient été repoussés, et avertis que les souhaits du Gouvernement Impérial ne les regardaient pas.

Les Ministres turcs et autres officiels avaient constamment avoué l’intention d’écraser les nationalités chrétiennes, et de mettre ainsi un terme à la Question arménienne.

Les importantes institutions américaines, religieuses et éducatives de cette région sont en train de perdre leurs professeurs, leurs enseignants, leurs assistants et leur étudiants ; et même les orphelinats ont été vidés de centaines d’enfants qui s’y trouvaient, ce qui ruine les fruits de cinquante années d’infatigables efforts dans ce domaine.

Les officiels du gouvernement, en se moquant, demandent ce que les Américains vont faire de ces établissements maintenant que les Arméniens ont été chassés.

La situation devient chaque jour plus critique car on ne peut pas dire où cela va finir.

Les Allemands sont blâmés de tous côtés, car s’ils n’ont pas directement ordonné ce crime global (car ce n’est rien d’autre que l’extermination de la race arménienne) ils l’ont au moins excusé.

L’histoire d’une visite à l’un des camps dans le désert où les Arméniens ont été exilés, est racontée vers la fin de ce rapport. Elle décrit les vieillards, les femmes et les enfants, réduits au pire état de misère par leurs persécuteurs.
Il n’y a que très peu d’hommes dans le camp, dit le rapport « car la plupart d’entre eux ont été tués en route ». De même, beaucoup de femmes et d’enfants ont été tués.

« La condition de ces gens » dit le rapport, « indique clairement le sort qui leur est réservé, et qu’ils vont être abandonnés ici ».
Le système qui est prévu est d’avoir des bandes de Kurdes qui les attendent sur la route pour tuer spécialement les hommes, et incidemment certains des autres.
Tout le mouvement semble être le massacre le plus complètement organisé et efficace que ce pays n’ait jamais connu ».

Les Turcs contrecarrent les efforts des missionnaires

Les Missionnaires américains ont commencé à envisager des plans pour aider les femmes et les enfants qui allaient rester ici sans aucun moyen de soutien.
On a pensé que peut-être un orphelinat pourrait être ouvert pour prendre soin de quelques-uns des enfants, et spécialement ceux qui étaient nés en Amérique et ramenés ensuite ici par leurs parents, et aussi ceux dont les parents avaient été de quelque façon en contact avec la mission américaine et les écoles.

Il y aurait de nombreuses opportunités, bien qu’avec des moyens insuffisants, de prendre soin des enfants qui arrivaient ici avec des exilés d’autres vilayets et dont les parents étaient morts en route.

J’ai été voir hier le Vali à ce propos, et reçus un refus catégorique.
Il dit que nous pourrions aider ces gens si nous le désirions, mais le gouvernement était en train d’installer des orphelinats pour ces enfants, et nous ne pouvions entreprendre aucun travail de cette nature.

Une heure après avoir quitté le Vali, une annonce fut faite que tous les Arméniens restant ici, y compris les femmes et les enfants, devaient être partis le 13 juillet.

« En réponse à l’appel urgent de l’Ambassadeur Morgenthau, concluait le rapport, « le Comité des Atrocités Arméniennes, en coopération avec le Comité de Grâce, ont décidé de lancer un large appel de fonds. Plusieurs messieurs ont déjà promis de larges contributions, mais le besoin est très grand, et nous espérons recevoir un bon nombre de petits cadeaux.
« Les crimes perpétrés actuellement envers le peuple arménien dépassent en horreur et en cruauté tout ce que l’histoire a rapporté au cours des mille ans passés. Les gens éduqués et les ignorants, les riches et les pauvres, tous sont soumis à toutes les formes de barbarie et d’outrages.

Nous comprenons toutefois qu’un très grand nombre de Turcs soient opposés à cette politique de persécution. ».

« On espère qu’une prompte action va permettre de sauver de nombreuses vies, et rapatrier au moins une partie de ceux qui ont été chassés de chez eux ».

« Les fonds seront envoyés à l’Ambassadeur aussitôt que reçus. Les dons doivent être adressés au Trésorier Charles R. Crane, 70, Fifth Avenue, New York. »

(Cet article du NYT n’est qu’un des 200 articles environ du New York Times, parus dans un livre appelé : « Le Génocide arménien » - Nouveaux compte-rendu de l’American Press : 1915-1922 ») Sont inclus également plus de 60 longs articles de l’American Journal de l’époque, y compris l’histoire de l’Ambassadeur Morgenthau, et autres documents importants.
Ce livre est disponible à « l’Armenian Genocide Resource Center »,
5400 McBryde Avenue, Richmond, CA 94805. Prix :30 $ - (+ 5 $ pour courrier 1st class).