PROCÈS DU GÉNOCIDE

 Dossier :  DÉPOSSESSION DES BIENS DES ARMÉNIENS

UMIT KURT ANALYSE LES LOIS TURQUES POUR LA DÉPOSSESSION DES BIENS DES ARMÉNIENS LORS DU GÉNOCIDE

WASHINGTON - Le Docteur Umit Kurt, enseignant au Centre d’études du Moyen Orient de l’Université Harward a attiré l’attention sur les lois compliquées créées en Turquie pour la dépossession systématique des Arméniens, au temps du Génocide et par la suite ; c’était le sujet d'une conférence, à l’École de Droit de l’Université George Washington.

“Nous avons eu l’honneur de collaborer avec l’école de droit de l’Université George Washington et Dean Susan Karamanian sur la programmation de l’exposé du Dr Umit Kurt, un exposé qui a révélé de nombreuses questions importantes sur les revendications de propriété que l’Armenian Legal Center for Justice et Human Rights continuera à poursuivre sans relâche“, notait Kate Nahapetian, Directrice Exécutive du Centre.

“L’une des nombreuses conséquences restées impunies du Génocide des Arméniens est l’état des biens qui appartenaient aux Arméniens. Le Dr Kurt a fait un examen critique dans les lois et pratiques dans l’empire ottoman, s’agissant des biens des Arméniens et de leur dépossession sous la république turque. Son travail repose sur d’importantes sources originales et mettent en lumière, en particulier, sur la liquidation des actifs arméniens, a expliqué Kate Nahapetian, doyenne adjointe pour les Etudes Comparatives en Droit International à l’école de droit de l’Université George Washington, qui accueillait le débat.

Dans la discussion, Kurt notait que le pillage et l’appauvrissement des victimes, orchestrés par l’État, est en soi un aspect particulier du Génocide des Arméniens. “Outre les actes très répandus de pillage et de corruption commis par des particuliers, il n’y a aucun doute que la saisie des biens arméniens était d’abord le fait d’un génocide orchestré par l’état... Par la perte de tous leurs actifs... [les Arméniens] sont passés de l’existence à la non-existence“, a expliqué Kurt. L’appauvrissement des victimes garantissait qu’elles n’auraient pas les moyens de retourner dans leurs terres natales et a contribué au financement du dispositif génocidaire.

La dépossession n’a pas pris fin après la chute de l’empire ottoman, mais a été poursuivie dans la nouvelle république turque. Kurt a a expliqué qu’à la fois le Comité union et progrès ottoman et les dirigeants de la République turque concoctèrent des plans pour donner à la confiscation illégale des biens une apparence légale, à travers des lois, des règlements et décrets compliqués.

Par exemple, le premier acte du gouvernement kémaliste de la République turque consista à annuler les provisions conçues pour la restitution des biens aux Arméniens. Le gouvernement kémaliste réactiva, et même étendit, les lois de liquidation créée par les auteurs ottomans.

Lorsque fut signé le traité de Lausanne, qui stipulait que les biens confisqués soient restitués, la Turquie créa un mur virtuel qui interdit le retour des Arméniens et toute possibilité de réclamer leurs biens, a observé le Dr Kurt.

Des lois et règleme, nts compliqués furent employés, une fois de plus, pour consolider les fruits du crime de génocide. Kurt a attiré l’attention sur l’Accord d’indemnisation [ !] USA-Turquie de 1934 qui en est un exemple. Après le génocide, les Arméniens qui n’avaient pas reçu du gouvernement ottoman de se faire naturaliser Américains, furent, pour des raisons pratiques, dépourvus de leurs droits de citoyens turcs et interdits de retour. Cependant, lorsque les États-Unis essayèrent de résoudre les revendications de leurs biens par des dispositions de l’Accord d’indemnisation de 1934, la Turquie exigea que les revendications des Arméniens américains soient exclues, refusant de reconnaître leur citoyenneté américaine [ !!]. La justice était refusée aux Américains d’ascendance arménienne à la fois dans leur pays d’origine et dans leur pays d’accueil.

Kurt a également évoqué le sujet des enregistrements d’archives, relevant que les commissions de biens abandonnés et de leur liquidation tenaient des registres méticuleux, mais que ces enregistrements sont encore inaccessibles [ !!!]. Le Dr Kurt a essayé sans succès d’y accéder, pendant plus d’un an. Il a pu publier un rapport de ces commissions, gardé précieusement par une famille arménienne, et qui détaillait les biens depuis les cuillères et les couteaux qui furent pris et à qui ils ont été vendus.

S’agissant de l’enregistrement des biens fonciers, qui sont bien organisés et peuvent fournir une histoire détaillée des propriétés des héritiers arméniens et de leur famille, le Dr Kurt a expliqué qu’e 2005, des projets prévoyaient de les rendre publics ont rapidement été interdits par la Commission de Sécurité Nationale de Turquie.

Umit Kurt a reçu son Doctorat au département d’histoire de l’Université Clark en 2016. Il est titulaire de maîtrises de Lettres et de Lettres et Sciences Humaines respectivement de l’Université Sabancy en Turquie et de l’Université Technique du Moyen Orient. Il a enseigné à la Faculté des Arts et des Sciences de l’Université Sabancy et a été professeur invité au programme des Études Arméniennes de l’Université d’état de Californie. Il est l’auteur de nombreux articles sur la confiscation des biens arméniens au cours du génocide. Plus de détails sur les lois ottomanes et turques autour du pillage des actifs arméniens peuvent être vus dans son dernier livre avec Taner Akçam. The Spirit of the Laws : the PLunder of Wealth in the Armenian Genocide [L’Esprit des Lois : Le Pillage des Richesses du Génocide des Arméniens] - New York and Oxford and Oxford Berghahn Books, 2015].

L’Armenian Legal Center for Justice and Human Rights (ALC) lutte pour faire condemner les violations des droits de l’homme en lien avec le Génocide des Arméniens qui continuent encore de nos jours et sapent la stabilité d’une région qui a depuis trop longtemps souffert de politiques fondées sur le génocide, non sur les droits de l’homme et la justice. L’ALC promeut l’étude de questions de droit que pose la négation du Génocide des Arméniens, outre les actions en justice auprès des cours

nationales et internationales, et la promotion de la protection de l’héritage culturel arménien par la restitution des biens et des pièces d’arts volés.

USA Armenian Life n° 1563
Traduction Gilbert Béguian pour Imprescriptible et Armenews