Chers descendants des Arméniens qui ont été sauvés par la Marine Nationale Française
en septembre 1915 sur la plage de Ras el Mina, au pied du Moussa Dagh
Chers descendants des Marins qui ont participé à cette opération

 

-Vous trouverez ici une partie du récit que j’ai rédigé juste après avoir achevé la première phase de mon second pèlerinage vers Saint Jacques de Compostelle, effectuée du 14 octobre au 18 novembre 2014, en partant cette fois du nord de la Bretagne où se situent mes racines du côté de ma Maman, Nicole Le Mée. L’un de mes objectifs en marchant « pauperes et peregrinus » sur de très longues distances tout seul, et « hors saison », était bien sûr d’honorer la mémoire de mon Grand-père, Jean Le Mée, né en 1892 dans une famille de simples marins pécheurs, envoyé au lycée de Brest, admis à l’Ecole Navale en 1910, puis jeune Officier de Marine pendant la Grande Guerre, marié avec sa Marraine de Guerre en 1920, et enfin « Mort pour la France » en 1927. Maman née en 1922 n’avait que 5 ans. Elle a aussitôt bénéficié du statut de « Pupille de la Nation »…

 

C’est en collectant des documents administratifs relatifs à Jean Le Mée (carnet d’officier, livre de bord, décorations, article de presse…) et en les reliant à des archives familiales (lettres, photos), aux résultats de recherches sur Internet ainsi qu’à ce qui m‘a été raconté par ma Grand-mère et par le Commandant Moron (camarade d’Ecole Navale, puis camarade de guerre, puis parrain de ma Maman) que j’ai pu composer cette série de 35 pages dont 5 sont consacrées aux évènements de la première moitié de septembre 1915 : C’est durant cette période que les Amiraux Louis Dartige du Fournet et Gabriel Darrieus ont pris la décision courageuse de sauver plus de 4000 Arméniens qui, menacés d’extermination (génocide), résistaient aux  troupes Turques/Ottomanes sur le djebel Moussa (Moussa Dagh) au nord de la baie d’Antioche.

 

-Jean Le Mée avait alors 23 ans. Il était Enseigne de Vaisseau, « Officier de la Compagnie de Débarquement » du cuirassé Desaix qui appartenait à la 3ème escadre de Méditerranée, chargée de la protection du Canal de Suez et du blocus des côtes de Syrie. C’est ainsi qu’il a été amené à participer de bout en bout à l’opération de sauvetage des Arméniens regroupés sur le Moussa Dagh puis sur la plage de Ras el Mina.

Un vieil album retrouvé dans le fond d’archives familiales contient les photos que Jean Le Mée a prises de décembre 1914 à janvier 1916 alors qu’il servait sur le Desaix. La période du 9 au 14 septembre est relatée sous la forme de 17 photos qu’il a datées et légendées lui-même. Ces photos rassemblées sur 5 pages de mon récit, revêtent une grande importance, au moins sur deux aspects :

-Historique : Elles illustrent jours après jour le Livre de Bord du cuirassé Desaix (Capitaine de Vaisseau Edouard Vergos) et le rapport envoyé le 22 septembre 1915 par l’Amiral Darrieus au Ministre de la Marine Mr. Augagneur, pour l’informer des décisions qu’il a prises et de la façon dont été menées les opérations d’évacuation qu’il a ordonnées en engageant massivement les Officiers et Marins français. On y voit notamment les photos suivantes :

-9 septembre : « Embarcations du Desaix se rendant à la plage des Arméniens, sous les ordres de Mr. Michaud et Mr. Le Mée,», puis « Arméniens nous attendant sur la plage de Ras el Mina ». La première photo a même été agrandie et encadrée par Jean Le Mée, ce qui indique l’aspect exceptionnel de la mission qui lui était confiée, et la marque profonde qu’elle a dû lui laisser.

-10 septembre : « Le Chef Arménien Pierre Dimlakian sur le pont du Desaix »

-12 septembre : « L’embarquement des réfugiés », « le radeau du Guichen », « La vallée des Arméniens », « La Foudre faisant route pour Port Saïd avec 1000 réfugiés à bord »

-13 septembre : « On va prendre la dernière patrouille », « Arrivée des réfugiés Arméniens », « Groupes et Chefs Arméniens à bord du Desaix »

-14 septembre : « Immersion d’un Arménien mort de ses blessures »  Jophet Vanian, 26 ans

-11 novembre « Port Saïd : Le camp des Arméniens ». Cette dernière photo démontre l’attention personnelle portée par Jean Le Mée au drame Arménien…

 

-Familial : Je n’ai pas connu mon grand-père (mort pour la France en 1927), mais le souvenir de ses qualités personnelles faites de leadership, d’engagement, et de sensibilité humaine et humaniste, m’ont été décrites et transmises par ma Grand-mère et Maman, ainsi que par le Commandant Moron et son épouse (elle aussi marraine de guerre).

-C’est pourquoi, en octobre/novembre 2014, quand j’ai entrepris mon deuxième pèlerinage vers Compostelle, j’ai tenu à partir de Kérity/Paimpol, lieu d’origine de la famille Le Mée, en suivant le « Chemin des Bretons » (il fallait que je rende ainsi hommage à ce Grand-père).

J’en ai fait le récit chronologique et thématique, comme je l’avais fait en 2010/2012 lors de mon premier pèlerinage, lui aussi « hors saison » (du Puy en Velay à Compostelle, puis au cap Finistère).

-Je connaissais la valeur et les Valeurs de Jean Le Mée, et j’avais bien enregistré le récit dramatique de son affectation dans les sous-marins de l’Adriatique d’octobre 1916 à mars 1918 … mais je n’avais que les informations très administratives contenues dans son « Livret Individuel d’Officier » sur la période novembre 1914 àoctobre 1916, alors qu’il servait sur le cuirassé Desaix…

-C’est donc avec beaucoup d’émotion, grâce à son album de photos couplé au rapport de l’Amiral Darrieus et au Livre de  Bord du Desaix, que j’ai découvert la nature de son engagement personnel au sein de la flotte Française, que j’ai tenu à en faire la relation, puis à la communiquer à mes collègues Arméniens d’IBM et de Dassault Systèmes, ainsi qu’aux représentants des associations Arméniennes. 

 

-Ce document devient donc le vôtre, descendants de ces Arméniens sauvés par la flotte Française, autant que celui de mon frère Laurent, de moi-même et de nos enfants et petits-enfants, tous descendants de Jean Le Mée. En cette année 2015 qui verra  la célébration de ce sauvetage du Moussa Dagh/Ras el Mina, je reçois avec beaucoup de respect vos témoignages, qui viennent de cette diaspora Arménienne qui a fait souche aux USA, Canada, Pays-Bas, Liban, et en France. Tous sont empreints d’une profonde sensibilité bien partagée avec la mienne : Je souhaitais simplement célébrer la mémoire de mon Grand-père, et je découvre que son histoire est porteuse d’un Sens et d’un Engagement qui font partie intégrante de l’Histoire.

Alors, regardez aussi les autres éléments de ce document qui, en retraçant la vie d’un jeune Officier de la Marine Nationale Française, montrent sa qualité non seulement de leader, mais aussi d’Homme formé par l’éducation reçue ainsi que par les épreuves de la Vie, et qui a été impliqué avec courage dans les pages les plus tragiques de notre Histoire. Les associations Arméniennes ont souhaité inclure sur leurs sites internet tous les documents que mon frère et moi apportons. Vous-mêmes et les historiens pourrez ainsi les consulter voire les compléter. Enfin, ils feront utilisés au cours des cérémonies de commémoration du centième anniversaire du génocide Arménien et des opérations de sauvetage du Moussa Dagh, programmées en France le 15 octobre 2015. L’intention des organisateurs est de pouvoir y rassembler les descendants des Arméniens ainsi que des Marins Français qui se sont miraculeusement rencontrés sur cette plage de Ras el Mina en septembre 1915… 

 @ Jean Cordelle,
petit-fils de Jean Le Mée