Ahmed Djemal Pacha
contexte: Génocide arménien
lieu du procès: Empire ottoman
statut: Condamné
description du statut: Condamné à mort par contumace par un tribunal ottoman
fonction: Ministre de la Marine

Ahmed Djemal Pacha est né le 6 mai 1872 à Midilli en Turquie, d'un père pharmacien dans l'armée. Il étudie à l'académie militaire d'Istanbul en 1893. En 1898, il prend contact avec le Comité Union et Progrès (CUP), hostile au Sultan. Il exerce différentes fonctions militaires et devient gouverneur de Bagdad, commandeur d'Istanbul, puis ministre des Travaux publics du gouvernement CUP en 1913.

Il est nommé au ministère de la Marine en février de l’année suivante. Djemal se rangera du côté d’Enver et de Talaat pour rejoindre le camp germanique durant la Première Guerre Mondiale. Le CUP contrôle alors les postes clés de l’Empire ottoman grâce au triumvirat Jeune Turc constitué par les trois hommes.

Il reviendra à Djemal de superviser la phase finale de la déportation des survivants arméniens.

Le massacre des Arméniens par les Turcs, pendant la Première Guerre Mondiale, est le premier génocide du XXe siècle. Il débute le 24 avril 1915 à Istanbul, capitale de l'empire ottoman, avec l'assassinat de 600 notables arméniens sur ordre du gouvernement.

A la fin de l'été 1915, les deux tiers des Arméniens de Turquie, soit environ 1,2 millions de personnes, ont péri dans des conditions généralement épouvantables.

Les nationalistes turcs se sont emparés du pouvoir quelques années plus tôt à Istanbul. Après l'entrée du pays dans la Grande Guerre, les Russes envahissent l'Asie mineure. Les Turcs battent en retraite et, exaspérés, multiplient les actes de violence à l'égard des Arméniens de Turquie, coupables à leurs yeux d'être favorables aux envahisseurs chrétiens.

La ville de Van, située en Turquie orientale, se soulève et proclame un gouvernement arménien autonome. Les nationalistes turcs saisissent ce prétexte pour accomplir leur dessein d'éliminer la totalité des Arméniens. Le ministre de l'Intérieur Talaat Pacha ordonne l'assassinat des Arméniens d'Istanbul puis des Arméniens de l'armée. C'est ensuite le tour des nombreuses populations arméniennes de l'est du pays.

Voici le texte d'un télégramme du ministre : «Le gouvernement a décidé de détruire tous les Arméniens résidant en Turquie. Il faut mettre fin à leur existence, aussi criminelles que soient les mesures à prendre. Il ne faut tenir compte ni de l'âge, ni du sexe. Les scrupules de conscience n'ont pas leur place ici».

En novembre 1918, Djemal Pacha s’enfuit en Allemagne à bord du Lorelei, en compagnie d’Enver Pacha et de Talaat Pacha. Le 2 novembre 1918, au moment précis où Djemal Pacha s'enfuyait d'Istanbul, la Chambre des députés a été saisie d'une motion pour le passage en justice de Djemal Pacha et de six autres dirigeants en fuite.
Parmi les charges soulevées figuraient les massacres d'Arméniens. En particulier, il était reproché aux ministres impliqués d'avoir créé "des bandes de brigands, dont les atteintes à la vie, à la propriété et à l'honneur rendaient les ministres coupables de complicité dans les crimes tragiques qui en résultèrent".

Après la dissolution de la Chambre des députés par le Sultan, le 21 décembre 1918, la juridiction pour juger les ministres en question a été transférée aux Cours martiales. Par décret impérial, les statuts d'une nouvelle Cour martiale ont ensuite été proclamés le 8 mars 1919. C'est cette Cour qui devait juger les accusés en fuite.

A cet effet, la Cour ordonna aux sept principaux dirigeants du régime Jeune Turc en fuite, dont Djemal Pacha, de comparaître devant elle dans les dix jours, faute de quoi ils seraient jugés in absentia.

Quant aux charges retenues, elles ont peu à peu été élargies, pour inclure notamment "le massacre et la destruction des Arméniens". Il était reproché aux dirigeants ottomans d'avoir mis en place un vaste plan dirigé à cette fin.

La Cour a rendu son verdict le 5 juillet 1919. Les accusés ont été reconnus responsables d'avoir orchestré l'entrée en guerre de la Turquie dans la Première Guerre Mondiale et d'avoir commis les massacres contre les Arméniens.

Djemal Pacha a été condamné à mort in absentia.

Désormais exilé, Djemal s'est rendu en Asie centrale, où il a participé à la modernisation de l'armée afghane. Les succès de la révolution bolchévique l'ont forcé à se rendre à Tbilissi, où, le 21 juillet 1922, Ahmed Djemal Pacha est assassiné par Stepan Dzaghiguian et Bedros Der-Boghossian, deux vengeurs arméniens appartenant au groupe Némésis.
C'est dans le cadre du génocide des Arméniens que le terme "crimes contre l'humanité" a pour la première fois été utilisé.

Le 23 mai 1915, la Grande-Bretagne, la France et la Russie ont conjointement adressé une mise en garde au gouvernement Jeune Turc, dans les termes suivants:

"Depuis un mois environ, les populations kurde et turque d'Arménie procède, de connivence et souvent avec l'appui des autorités ottomanes aux massacres des Arméniens. De tels massacres ont lieu vers la mi-avril à Erzerum, Tertchan, Eguine, Bitlis, Mouch, Sassoun, Zeïtoun et dans toute la Cilicie. Les habitants d'une centaine de villages des environs de Van ont été assassinés et le quartier arménien est assiégé par des populations kurdes. En même temps, à Constantinople, le gouvernement ottoman a sévi contre la population inoffensive. En présence de ces nouveaux crimes de la Turquie contre l'humanité et la civilisation, les gouvernements alliés font savoir publiquement à la Sublime porte qu'ils tiendront personnellement responsables desdits crimes tous les membres du gouvernement ottoman, ainsi que ceux des agents qui se trouveraient impliqués dans de pareils massacres."

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