Par Harut Sassounian
Éditeur The California Courrier
Le Génocide des Arméniens n’est discuté au
parlement turc que rarement, et plus rares
encore y sont les appels à sa reconnaissance.
Le 14 janvier 2016, deux des trois membres
arméniens récemment élus au parlement turc ont
tout simplement osé soulever le problème du
Génocide des Arméniens dans leur intervention au
sein de l’Assemblée.
Selina Dogan, représentant le parti kémaliste
d’opposition CHP (parti Républicain du Peuple),
avait fait au parlement la déclaration
suivante : « Dans la mesure où cette question ne
concerne pas seulement les Arméniens mais aussi
la Turquie, et par conséquent, elle devrait
concerner le parlement turc et non les autres
parlements. Dans le cas contraire, à chaque 24
avril, nous continuerons à faire des
déclarations toujours les mêmes et nous
empresserons de chasser rapidement ce sujet de
nos esprits ; je suis convaincue qu’aucun
d’entre nous n’a d’intérêt à le faire. Je dois
vous rappeler qu’au cours d’une manifestation
publique en 2015 à Erzéroum, le premier ministre
a clairement déclaré que la déportation est un
crime contre l’humanité “.
Les 3 députés arméniens : Selina Dogan, Markar
Essayan, Garo Paylan Garo Paylan, représentant le parti d’opposition
kurde HDP, est monté ensuite à la tribune et a
lui aussi parlé du Génocide des Arméniens. « Il
y a cent ans, le peuple arménien a été déraciné
et exterminé par décision de l’état. Ma famille
- mon grand père et sa famille - a souffert elle
aussi au cours de ces événements. Mon grand père
a perdu ses deux parents et il est devenu de ce
fait orphelin. Je suis un descendant d’une
génération d’orphelins et de rescapés de l’épée,
qui vivent sur ces terres. Ma race a été
massacrée “.
Tandis que Paylan parlait, plusieurs membres du
parlement ont hurlé pour exprimer leur
désapprobation. Baki Shimshek, membre du parti
d’opposition ultranationaliste MHP, a crié sur
un ton menaçant : « Nous sommes ici dans
l’Assemblée Nationale turque. Personne ne peut
dire qu’un génocide a été commis. Un tel
comportement est inacceptable ! “.
En dépit du caractère inhabituel de ce débat, ce
n’est pas la première fois que des déclarations
sur le Génocide de Arméniens étaient faites au
parlement turc. En novembre 2014, Sebahat Tuncel
du parti HDPproposa une résolution condamnant le
Génocide des Arméniens. Tuncel demanda avec
insistance qu’Erdogan vienne devant le parlement
pour reconnaître le génocide et les autres
massacres et demander pardon. Le texte de la
résolution demandait également qu’Erdogan
réitère publiquement sa demande de pardon sur
l’un des lieux des massacres, et qu’il déclare
le 24 avril jour de deuil officiel. En outre, le
parlement devait se charger de constituer une
Commission vérité qui rendrait publics tous les
documents d’archives publiques relatifs aux
massacres. Enfin, la résolution proposée
abordait la question des compensations morales
et matérielles pour les descendants des
victimes. Comme on le prévoyait, la résolution
de Tuncel fut rapidement retirée pour ne plus
jamais revoir le jour.
Comme je l’ai rapporté il y a un an, la
proposition de Tuncel n’était pas la première
résolution soumise au parlement turc pour la
reconnaissance du Génocide des Arméniens. Le 4
novembre 1918, le nouveau parlement turc ottoman
discutait longuement des crimes commis par le
gouvernement Jeune turc, après la présentation
d’une motion déclarant : « Une population d’un
million de personnes coupable de rien excepté
leur appartenance à la nation arménienne a été
massacrée et exterminée, femmes et enfants
compris “. En réponse, le Ministre de
l’intérieur Ali Fethi Okyar avait
déclaré : « L’intention du gouvernement est de
réparer toutes les injustices commises jusqu’à
maintenant, dans la limite de nos moyens, pour
rendre possible le retour dans leurs foyers de
ceux qui ont été exilés, et de les indemniser de
leurs pertes matérielles autant que faire ce
peut “ .
En conséquence de cette motion, une Commission
parlementaire d’enquête fut créée pour réunir
tout document relatif aux actes des responsables
de ce qui était appelé “ Déportations et
massacres d’Arméniens “. Les preuves furent
remises au Tribunal militaire turc et ceux qui
furent reconnus coupables furent pendus ou
condamnés à des longues peines de prison.
Outre cette motion parlementaire, il faut se
rappeler les mots employés par Kemal Ataturk,
premier président de la République de Turquie,
cité dans le Los Angeles Examinator du premier
août 1926 pour avoir dit : « Ces rescapés de
l’ex parti Jeunes turc qui devraient rendre des
comptes pour la mort par millions de nos sujets
chrétiens, sauvagement chassés de leur maison et
massacrés en masse “.
Ensemble, la motion du parlement de 1918, les
condamnations prononcées par les Tribunaux
militaires turcs et les termes employés par le
président Kemal Ataturk sur la responsabilité du
gouvernement turc de l’époque, caractérisent le
génocide et font de la Turquie le premier état à
avoir reconnu le Génocide des Arméniens !
Par conséquent, plutôt que de vouloir que la
Turquie reconnaisse le Génocide des Arméniens,
les Arméniens devraient demander la restitution
de leurs terres comme son ministre de
l’intérieur Fethi Okyar l’a promis il y a 98
ans !
Traduction Gilbert Béguian pour Armenews &
Imprescriptible
Fethi Okyar a été Attaché militaire à Paris à
l’âge de 29 ans, de 1909 à 1911
vendredi 4 mars 2016,
Jean Eckian ©armenews.com |
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