PROCÈS DU GÉNOCIDE

Dossier :Le premier pays à reconnaître le Génocide des Arméniens a été la Turquie - en 1918

 

Par Harut Sassounian

Éditeur The California Courrier
Le Génocide des Arméniens n’est discuté au parlement turc que rarement, et plus rares encore y sont les appels à sa reconnaissance.
Le 14 janvier 2016, deux des trois membres arméniens récemment élus au parlement turc ont tout simplement osé soulever le problème du Génocide des Arméniens dans leur intervention au sein de l’Assemblée.
Selina Dogan, représentant le parti kémaliste d’opposition CHP (parti Républicain du Peuple), avait fait au parlement la déclaration suivante : « Dans la mesure où cette question ne concerne pas seulement les Arméniens mais aussi la Turquie, et par conséquent, elle devrait concerner le parlement turc et non les autres parlements. Dans le cas contraire, à chaque 24 avril, nous continuerons à faire des déclarations toujours les mêmes et nous empresserons de chasser rapidement ce sujet de nos esprits ; je suis convaincue qu’aucun d’entre nous n’a d’intérêt à le faire. Je dois vous rappeler qu’au cours d’une manifestation publique en 2015 à Erzéroum, le premier ministre a clairement déclaré que la déportation est un crime contre l’humanité “.

Les 3 députés arméniens : Selina Dogan, Markar Essayan, Garo Paylan
Garo Paylan, représentant le parti d’opposition kurde HDP, est monté ensuite à la tribune et a lui aussi parlé du Génocide des Arméniens. « Il y a cent ans, le peuple arménien a été déraciné et exterminé par décision de l’état. Ma famille - mon grand père et sa famille - a souffert elle aussi au cours de ces événements. Mon grand père a perdu ses deux parents et il est devenu de ce fait orphelin. Je suis un descendant d’une génération d’orphelins et de rescapés de l’épée, qui vivent sur ces terres. Ma race a été massacrée “.
Tandis que Paylan parlait, plusieurs membres du parlement ont hurlé pour exprimer leur désapprobation. Baki Shimshek, membre du parti d’opposition ultranationaliste MHP, a crié sur un ton menaçant : « Nous sommes ici dans l’Assemblée Nationale turque. Personne ne peut dire qu’un génocide a été commis. Un tel comportement est inacceptable ! “.
En dépit du caractère inhabituel de ce débat, ce n’est pas la première fois que des déclarations sur le Génocide de Arméniens étaient faites au parlement turc. En novembre 2014, Sebahat Tuncel du parti HDPproposa une résolution condamnant le Génocide des Arméniens. Tuncel demanda avec insistance qu’Erdogan vienne devant le parlement pour reconnaître le génocide et les autres massacres et demander pardon. Le texte de la résolution demandait également qu’Erdogan réitère publiquement sa demande de pardon sur l’un des lieux des massacres, et qu’il déclare le 24 avril jour de deuil officiel. En outre, le parlement devait se charger de constituer une Commission vérité qui rendrait publics tous les documents d’archives publiques relatifs aux massacres. Enfin, la résolution proposée abordait la question des compensations morales et matérielles pour les descendants des victimes. Comme on le prévoyait, la résolution de Tuncel fut rapidement retirée pour ne plus jamais revoir le jour.
Comme je l’ai rapporté il y a un an, la proposition de Tuncel n’était pas la première résolution soumise au parlement turc pour la reconnaissance du Génocide des Arméniens. Le 4 novembre 1918, le nouveau parlement turc ottoman discutait longuement des crimes commis par le gouvernement Jeune turc, après la présentation d’une motion déclarant : « Une population d’un million de personnes coupable de rien excepté leur appartenance à la nation arménienne a été massacrée et exterminée, femmes et enfants compris “. En réponse, le Ministre de l’intérieur Ali Fethi Okyar avait déclaré : « L’intention du gouvernement est de réparer toutes les injustices commises jusqu’à maintenant, dans la limite de nos moyens, pour rendre possible le retour dans leurs foyers de ceux qui ont été exilés, et de les indemniser de leurs pertes matérielles autant que faire ce peut “ .
En conséquence de cette motion, une Commission parlementaire d’enquête fut créée pour réunir tout document relatif aux actes des responsables de ce qui était appelé “ Déportations et massacres d’Arméniens “. Les preuves furent remises au Tribunal militaire turc et ceux qui furent reconnus coupables furent pendus ou condamnés à des longues peines de prison.
Outre cette motion parlementaire, il faut se rappeler les mots employés par Kemal Ataturk, premier président de la République de Turquie, cité dans le Los Angeles Examinator du premier août 1926 pour avoir dit : « Ces rescapés de l’ex parti Jeunes turc qui devraient rendre des comptes pour la mort par millions de nos sujets chrétiens, sauvagement chassés de leur maison et massacrés en masse “.
Ensemble, la motion du parlement de 1918, les condamnations prononcées par les Tribunaux militaires turcs et les termes employés par le président Kemal Ataturk sur la responsabilité du gouvernement turc de l’époque, caractérisent le génocide et font de la Turquie le premier état à avoir reconnu le Génocide des Arméniens !
Par conséquent, plutôt que de vouloir que la Turquie reconnaisse le Génocide des Arméniens, les Arméniens devraient demander la restitution de leurs terres comme son ministre de l’intérieur Fethi Okyar l’a promis il y a 98 ans !
Traduction Gilbert Béguian pour Armenews & Imprescriptible
Fethi Okyar a été Attaché militaire à Paris à l’âge de 29 ans, de 1909 à 1911
vendredi 4 mars 2016,
Jean Eckian ©armenews.com