Dossier : PÉDAGOGIQUE

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011 - Certains Arméniens de l'Empire ottoman ont-ils été épargnés par le génocide?



 
 Mis à part la rafle du 24 avril 1915 à Istanbul, qui fut suivie de plusieurs autres rafles massives de personnalités, il était plus difficile pour les autorités turques de déporter les Arméniens de la capitale sous les yeux des observateurs et diplomates étrangers. La majorité des Arméniens de la capitale, ainsi que ceux de Smyrne (Izmir), ont donc dû leur salut à la présence de ces témoins potentiels.
012 - L’Etat turc a-t-il reconnu ce génocide ?
Non. La négation est consubstantielle aux génocides. Dès 1915, on assiste au déni des massacres et à la justification des déportations comme étant une mesure de sécurité militaire à l'égard d'une population suspecte.
 Mais la seule « preuve» de la « rébellion en temps de guerre» fut l'autodéfense des Arméniens de Van, en avril 1915, qui s'organisèrent pour ne pas subir le sort des villages environnants massacrés par les troupes ottomanes refluant sous la poussée russe. Ou alors, la responsabilité des crimes avérés est rejetée sur d'autres (les tribus kurdes ou arabes, les alliés allemands). La « loi provisoire de déportation» du 27 mai 1915 veut conférer un semblant de légalité aux opérations et les couvre d'un voile de fumée. Quatre-vingt-dix ans plus tard, l'État turc continue de refuser la qualification de « génocide» aux événements de 1915, niant toute intention d'extermination. Pour Ankara, qui sous estime le nombre de victimes, celles-ci ne furent qu'une conséquence des violences inévitables en temps de guerre.
013 - L’État turc reconnaît-il les massacres antérieurs de 1895-1896 et de 1909 ?

 
Il les reconnaît tout en les minimisant. L'État turc actuel revendique en partie l'héritage de la révolution de 1908, qui a renversé le sultan Abdulhamid Il au profit des Jeunes-Turcs, mais surtout du mouvement kémaliste qui instaure un régime républicain et se détache des objectifs impériaux, sinon impérialistes, du Comité Union et Progrès - d'où son refus d'endosser la responsabilité des crimes commis sous l'Empire ottoman.
014 - Existe-t-il des preuves de l'implication de l'État ottoman dans le massacre ?
Il existe de nombreuses preuves. Par exemple, les télégrammes envoyés par le ministre de l'Intérieur Talaat Pacha, aux gouverneurs et aux comités jeunes-turcs des provinces, et retrouvés après la guerre par Aram Andonian. Le plus connu et le plus emblématique est celui du 15 septembre 1915: « À la préfecture d'Alep. Il a été précédemment communiqué que le gouvernement a décidé d'exterminer entièrement les Arméniens habitant en Turquie. Ceux qui s'opposeront à cet ordre ne pourront plus faire partie de l'administration. Sans égard pour les femmes, les enfants, les infirmes, quelque tragiques que puissent être les moyens d'extermination, sans écouter les sentiments de la conscience, il faut mettre fin à leur existence ... Le ministre de l'Intérieur, Talaat. » ~authenticité de ce télégramme est cependant mise en doute par la Turquie puisque l'original, utilisé lors du procès Telhirian (qui vengea sa famille exterminée en assassinantTalaat en 1921), a depuis mystérieusement disparu des archives. On dispose aussi de photographies, comme celles prises par Armin Wegner, un officier du corps sanitaire allemand, La principale preuve réside dans la similitude et la simultanéité des mesures qui témoignent d'une organisation planifiée et systématique.
015 -La Turquie reconnaît-elle ces preuves ?
Non. L'État turc, y compris son gouvernement actuel, réfute tous les arguments des historiens et, s'appuyant parfois sur quelques erreurs de datation dues au triple changement de calendrier pendant la période de la guerre, prétend que ces télégrammes sont des faux, forgés par la propagande arménienne. Il récuse tous les témoignages des observateurs de l'époque, y compris ceux des alliés allemands et autrichiens de l'Empire ottoman.
016 - Pourquoi l'Etat turc refuse-t-il de reconnaître le génocide des Arméniens ?
Outre le nationalisme, il y a certes le refus d'établir les fondements de l'État moderne sur un crime contre l'humanité et sur l'élimination ou la turquification forcée des populations non turques, car cela irait à l'encontre du mythe d'un peuple turc unitaire et homogène dont le berceau serait l'Asie Mineure. Mais l'une des principales raisons du déni apparaît cependant être l'opposition à toute idée d'indemnisation et de réparations pour les victimes du génocide, un crime déclaré imprescriptible par la Convention votée par l'Assemblée générale de l'ONU en 1948.
 
017 - La:Turquie actuelle est-elle responsable des crimes commis sous un autre régime?

 En droit international, la République turque, créée en 1923, est l'État héritier et successeur de l'Empire ottoman. Elle a parachevé l'élimination des Arméniens de son territoire en empêchant le retour des rescapés, en accaparant les biens et les terres des victimes et en effaçant les traces monumentales de la présence arménienne (destruction des églises, des monastères, etc.). En organisant un négationnisme d'État, elle se fait complice des crimes commis. Malgré les affirmations officielles, les archives ottomanes sur cette période restent fermées ou d'accès restreint.
018 - Existe-t-il des témoignages de survivants de ces massacres?
Oui. Il existe de nombreux témoignages de rescapés, recueillis par des missionnaires, des diplomates et des journalistes étrangers, ainsi Que de nombreux récits de vie et des mémoires écrits ultérieurement en exil. Certains ont été traduits, notamment en français.
 
019 - Existe-t-il des récits d'observateurs extérieurs, témoins directs de ces massacres ?
 Oui. Ces témoignages sont nombreux et convergents. Ils émanent de consuls, de commerçants, de missionnaires, ressortissants des pays alliés de l'Empire ottoman (Allemagne, Autriche-Hongrie) ou neutres (ÉtatsUnis, Suisse, pays scandinaves, etc.), qui résidaient dans les diverses provinces ottomanes ou dans les zones frontalières où les rescapés ont pu trouver refuge, entre autres au Levant, dans les Balkans ou dans le Caucase russe.
020 - Existe-t-il des témoignages directs de diplomates à l'époque en poste?
Les archives diplomatiques occidentales regorgent de dépêches sur les événements. Celles des États-Unis, qui ont été recensées pour cette période, contiennent notamment les nombreux télégrammes de l'ambassadeur américain à Istanbul, Henry Morgenthau, dénonçant les massacres et démontrant, dès 1915, dans le compte rendu de ses entretiens avec les dirigeants jeunes-turcs, leur caractère organisé et planifié, sinon prémédité.