PARTIE DEUX

La mémoire traumatisée :

Mais si elle reste obscure, dans un coin du monde,
La terre qui couvrira mon corps,
Et que mon souvenir aussi se ternisse,
Oh! C’est alors seulement que je serai mort."

Extrait de Bédros Tourian (1852-1872)[1]

 La pensée du traumatisme occupe une grande place dans la pensée psychanalytique depuis son début. Le deuil est un traumatisme, la mélancolie un deuil impossible. D’une façon générale, le trauma est ce qui fait effraction, qui échappe à la causalité, c’est ce « qui arrive sans qu’on en sache la raison. »[2] Le traumatisme laisse dans la stupeur et la sidération, mettant la langue dans une impasse. Cela opère comme un refoulement, oublié et conservé, rejeté mais actif. Après un génocide, le groupe et le sujet sont dans une catastrophe psychique et sociale, l’espace mental de l’individu est affecté ainsi que ses groupes  d’appartenance, « famille, peuple, religion, une destruction partielle ou totale de chacune des institutions qui en constituaient le fondement. »[3] 

Nous allons détailler ces aspects et voir comment ils se manifestent dans les suites individuelles et collectives du trauma génocidaire.

II-A-Commémorer :

Dans le Génocide, il y a atteinte aux lois du langage, au symbolique mais aussi à la mémoire. Cela se manifeste de différentes façons. D’abord, par la disparition des corps que nous avons déjà évoquée, mais aussi l’effacement des traces culturelles et mémorielles telles les cimetières. C’est une tentative de maîtrise du temps et de destruction de l’avenir, le bourreau se réclamant d’éternité. Rappelons la Roumanie où les églises et cimetières des villages ont été rasés par Ceaucescu. C’est une tentative, pour le « génie des Carpates » de devenir le père fondateur, fondant le passé de son pays.

IIA1- Commémorations collectives :

On observe alors deux attitudes mémorielles : le déni ou la compulsion commémorative ; Ces postures antagonistes ont été pointées récemment, en mars 2012, par l’historien Benjamin Stora, concernant le conflit algérien.[4] « Tandis que l’Algérie est dans une commémoration exacerbée de la victoire, la France va tout faire pour oublier la défaite ». On note aussi un grand silence des partis politiques, de l’Etat. Pas de déclaration ni de commémoration en France ; en Algérie, à l’identique, un silence étonnant règne. « Au silence étrange des politiques répond la profusion d’initiatives impulsées par la société. »

Le trauma collectif peut être rapproché du trauma individuel en ce que cela fait trace pour du hors symbolique. Jacques Lacan parlera du traumatisme comme d’un ratage. En effet il est impossible d’offrir un lieu en soi-même à ce qui nous arrive, cela reste hors sens. La tentative de réparation se signifie par la répétition qui conserve le traumatisme.

 La commémoration est ressentie par certains comme « une foire à la douleur »[5]. La compulsion commémorative s’appuie sur la compulsion de répétition, reliée à l’instinct de mort. Ce côté obsessionnel réfère à la névrose obsessionnelle que nous avons évoquée précédemment. C’est l’aspect collectif et social des suites du trauma. Commémorations collectives par les cérémonies, les stèles, les inscriptions funéraires, commémoration personnelle par le symptôme.

Commençons par la plus bruyante : la commémoration publique, qualifié de rhétorique par Primo Levi : « une certaine dose de rhétorique[6] est peut-être indispensable afin que le souvenir demeure […] Il n’est pas dit  que les cérémonies et les célébrations, les monuments et les drapeaux soient toujours et partout à déplorer. »

La commémoration est à rapprocher de « l’acharnement informatif » des récits d’un témoin des massacres d’Arménie, Johan Lepsius, manière de répondre à l’acharnement des meurtriers. Les survivants du Rwanda témoignent avec acharnement, de la même façon.[7]

« Le temps a passé dans un deuil impossible, la désolation pour paysage et des pierres d’attente, dans un champ dévasté, qu’aucune stèle ne commémore. »[8]

Les monuments sont porteurs des représentations et présentifient le lien social. Liés au symbolique, ils relient le corps à la terre car ils sont inscrits dans le temps et l’espace. Ce sont des marqueurs d’espace et des identifiants. Des signifiants. Détruire les traces culturelles détruit les vivants mais aussi leur passé, la mémoire collective n’a plus d’inscription matérialisée. On élève alors des stèles commémoratives et on institue une journée « du souvenir », par exemple, pour le génocide arménien, le 24 avril. Il faudra attendre 1980 pour que l’Etat juif inscrive le génocide dans la mémoire officielle. « Le jour de la shoah fut institué, qualifié par certains d’orgie de deuil ». L’histoire du génocide juif est désormais enseignée dans les écoles et les universités.

 Michel Gurfinkiel, dans « un devoir de mémoire », nous fait part de son étonnement, enfant, devant un monument dédié à la mémoire des déportés qui représente une forme humaine « qui n’a ni face, ni membre » et reçoit pour réponse de la part de son père : « parce que dans les camps, nous n’avions pas de visage ».[9] Effacement.

Pour résister à l’effacement, la commémoration  se double d’une compulsion au témoignage

« D’où sans doute face à cela l’obsession, l’acharnement des rescapés à vouloir témoigner et la hantise de la mort du dernier témoin vivant qui signifierait alors le risque de la disparition et la chute dans le néant de tout le groupe. Comme si tant que quelqu’un pouvait encore témoigner de cette volonté d’effacement des disparus, cet effacement était tenu en échec. »[10] 

Echec qui permet de faire le travail de deuil qui était en panne de symbolisation :

« Ce n’est donc que par cette reconnaissance que ces disparus peuvent, en réapparaissant, être réinstallés dans l’humanité et en redevenant des humains qui, ont vécu, qu’ils peuvent devenir des morts ordinaires pour leurs descendants. Des morts ordinaires dont il redevient alors possible à la fois de se souvenir et de faire le deuil (Car nul ne peut naître ni faire le deuil d’un inexistant. »[11]

Cependant, la commémoration seule ne suffit pas à la réparation :

Les commémorations n’ont pas apaisé le chagrin. Les témoignages sont produits en nombre, par les descendants ainsi que des œuvres d’art. « On a commémoré jusqu’à l’épuisement, on a bâti de gigantesques musées, élevé des monuments impressionnants, […] et pourtant nous restons insatisfaits, inconsolables. »[12]. De façon paradoxale, la victime se trouve prisonnière de la relation mortifère avec le bourreau. En sortir voudrait dire abandonner les morts. La toute-puissance imaginaire sauve de façon inattendue les morts du néant et de l’effacement.

Primo Levi, quant à lui, parlera d’hypermnésie (Si c’était un homme), [13]les souvenirs ayant la vivacité d’un éternel présent, la faculté d’oublier, le refoulement semblant ne pas fonctionner

Rithy Panh indique une autre stèle, une autre voie possible pour restituer la vie et faire le deuil :  «il y a une autre stèle, le travail de recherche, de compréhension, d’explication [..] Lutte contre l’élimination.  […]Il nous fait vivants »[14]

IIA2-Commémorer par le symptôme

Au titre individuel et psychanalytique, on parlera de commémoration du trauma par le symptôme; « ce qui fait trace serait donc cette nécessité intrapsychique de commémorer par le symptôme quelque chose qui n’est pas symbolisé. Telle est la répétition liée à la pulsion de mort. » [15] Le symptôme est une formation de compromis pour la théorie Freudienne et est le Nom-du Père pour Lacan (théorie des nœuds borroméens, 1975-76).

Le trauma génocidaire induit un collage point à point avec l’autre. Se décoller permet de retrouver une historicité. « Faire récit est le travail de l’historien à partir des faits, des archives, des témoignages, des images aussi. Pour le psychanalyste, c’est parce qu’un récit ne se constitue pas, ou parce que qu’il se fige dans une répétition lancinante, qu’apparait le symptôme qui vient dire autrement ce que les mots, ni l’acte créateur d’ailleurs, ne parviennent plus à exprimer.»[16]

 Pour Freud, répéter serait une tentative de réduire le trauma. Cette compulsion de répétition est liée au refoulement ; le refoulement est assimilé à l’étranger en soi. C’est une tentative de fuite, qui maintient le refoulé hors la loi. Le moteur du refoulement est le danger réel, c'est-à-dire l’angoisse de castration.  Il permet d’exclure du moi, moi régit par les lois de l’inconscient, la motion refoulée tombant alors sous l’influence de la compulsion de répétition, opérante comme facteur de fixation.

On ne recommence jamais à l’identique, mais en repassant par ce qui a été, il est toujours possible de commencer. C’est en somme ce que tente la répétition, la commémoration ou le symptôme. Freud placera le traumatisme et le refoulement comme fondateurs de l’histoire et des personnes. En effet, dans son dernier texte, Moïse et le monothéisme il indiquera que traumatisme, conflit, refoulement « font l’histoire du peuple juif » tout comme ils organisent l’histoire de chaque individu ; l’enjeu est alors de se réconcilier avec le refoulé en passant par remémoration, répétition, perlaboration. Le refoulé exerce sans cesse une poussée de sens inverse pour maintenir l’équilibre et sa levée entraîne une réorganisation économique.

Le moment du symptôme est révélateur d’un conflit ; c’est une articulation entre réel et fantasme, désintrication pulsionnelle et représentations culturelles.

 Jorge Semprun, dans L’écriture ou la vie, pose la dialectique de la mémoire et de l’oubli. Cela a à voir avec l’après-coup, car « je trouve injuste, presque indécent, d’avoir traversé dix-huit mois de Buchenwald  sans une seule minute d’angoisse, sans un seul cauchemar […] pour me retrouver désormais, revenu de tous cela, mais en proie parfois à l’angoisse la plus nue, la plus insensée, puisque nourrie par la vie même[…] autant que l par le souvenir de la mort.  […] tout recommencerait, tant que je serais vivant : revenant dans la vie, plutôt. Tant que je serais tenté d’écrire. Le bonheur de l’écriture, je commençais à le savoir, n’effaçait jamais ce malheur de la mémoire. Bien au contraire ; il l’aiguisait, le creusait, le ravivait. Il le rendait insupportable. » [17] C’est l’emprise imposée par le génocidaire, la toute-puissance imaginaire et ses effets sur la victime. L’interdit de dire affronté est la transgression. Parler voudrait valoir transgresser les codes et les non-dits du groupe. « J’avais choisi entre l’écriture et la vie, j’avais choisi celle-ci. J’avais choisi une longue cure d’aphasie, d’amnésie délibérée, pour survivre. »[18]

Et par ailleurs : «il s’avérait qu’écrire, d’une certaine façon, c’était refuser de vivre […] j’ai décidé de choisir le silence bruissant de la vie contre le langage meurtrie de l’écriture […] j’ai choisi l’oubli. ».[19] Cette stratégie ne fonctionne pas, Semprun en témoigne plus loin : « malgré les détours, les ruses de l’inconscient, les censures délibérées ou involontaires, la stratégie de l’oubli ; malgré tant de pages déjà écrites pour exorciser cette expérience, la rendre au moins partiellement habitable ; malgré tout cela, le passé conservait son éclat de neige et de fumée, comme au premier jour. »[20]

Cette amnésie de défense se décline autrement ; pour les victimes elles-mêmes, cela peut être vécu comme un secret de famille, terme employé par Janine Altounian. Ce secret est un interdit de témoignage sous peine de mort. « Exterminez tous les enfants en âge de se souvenir »[21] Cet ordre, donné pour le génocide Arménien par Taalat Pasha à ses valis par télégramme fut doublé de celui d’exterminer toutes les femmes et tous les enfants, sans doute pour tuer la mémoire elle-même.

Pour Gérard Chaliand, « La mémoire de ma mémoire n’est pas ce que j’ai vécu mais ce dont j’ai hérité. L’écho du passé. Elle est la partie immergée de mon histoire. […] le caillot que j’avais dans le poing au jour de ma naissance et dont, enfant, on a transmis la tragédie. Et que j’ai voulu oublier. » (Avant-propos de l’ouvrage mémoire de ma mémoire)[22]

 En 1926, dans Inhibition, symptôme et angoisse, Freud explicite que le sujet tente de faire comme si ce qui est arrivé (traumatisme) n’était pas advenu. C’est une tentative d’annulation de l’évènement. Le psychisme procède alors à l’effacement de l’évènement. Un double effacement : l’acte qui efface ce qui est arrivé s’efface lui-même. Le trauma demeure hors-sens pour le sujet. Le trop plein en est impossible à métaboliser. Impossible par l’angoisse, impossible par l’affect. La stratégie est alors l’oubli ou le dépouillement d’affect, la déliaison qui isole. C’est l’isolation qui signe un impossible à inscrire dans le champ de la représentation. Sur cet arrière-plan de trauma isolé ou refoulé, un petit évènement postérieur peut prendre valeur traumatique. C’est l’après-coup. A l’identique, au collectif et social, le double effacement du déni négationniste.

 Hypermnésie, trous de mémoire sont les deux extrêmes défensifs ; on peut aussi constater une transformation de la structure de la mémoire. On dit que la mémoire du traumatisée est parfois feuilletée, l’éclatement de la structure moïque s’étant ensuite réorganisée en feuillets. On retrouve cela dans le récit du peintre François Rouan, aux tableaux tressés en structure feuilletée.

De la même façon, l’amnésie est « feuilletée », comme en témoigne l’œuvre de Georges Perec et son roman W, un souvenir d’enfance, [23], qui entremêle souvenirs autobiographiques et utopie, retour du refoulé qui n’abolit pas le récit. Cela montre que la dimension de l’horreur est liée à celle de la fiction car cela est inimaginable sinon.

IIB-Hors temps de l’effroi :

Freud dans le texte Ephémérité, évoque les notions de temps et de réel. Freud se situe face à la nature et au temps, en période de guerre, saisi par la beauté et la fugacité splendide de la nature. Surgissement du réel qui est en permanence et par essence plein, .« L’homme est déjà plongé dans le temps afin qu’il puisse sortir de l’immédiateté narcissique et aller vers la perte dans le temps où il se constitue être-pour-la-mort ».[24]

Cela ouvre à un au-delà qui dépasse, surpasse, qui est d’un autre ordre : « la transcendance |qui] nous permet de définir ce qu’il en est du temps inscrit comme illimité et présence qui fait de l’homme un être situé […] mais l’espace de la transcendance ne se remplit pas, il demeure et subsiste comme tel. »[25]

Les victimes du meurtre de masse et leurs descendants sont souvent dans le hors-temps de l’effroi, médusant. Le traitement du temps est perturbé. Le traitement du temps devient symbolique de la vie des déportés : l’atemporalité propre à l’univers concentrationnaire peut être analysée comme le miroir de l’inertie de la conscience des déportés et de l’effacement de leur humanité. On retrouve fort rarement ce problème dans les récits testimoniaux arméniens, ce qui s’explique assez aisément du fait qu’ils ont subi une longue déportation, où les jours se succédaient de façon répétitive certes, mais dans divers lieux au fur et à mesure de leur progression et en conservant un contact (même superficiel) avec le monde libre, tandis que le camp de concentration est un lieu clos, un « anus mondi » qui enferme rapidement le déporté dans un monde singulier sans aucun contact avec la réalité extérieure – voire avec la réalité tout court -, un monde aux règles et aux repères propres.

C’est le règne absolu de la peur qui se manifeste sous ses formes extrêmes que sont l’Angoisse et l’effroi que nous allons maintenant définir.

Pour distinguer ces termes et discriminer ce qu’ils recouvrent, nous nous réfèrerons au texte de Freud, « Au-delà du principe de plaisir », (1920). Freud établit des gradations entre effroi, peur et angoisse au regard du danger. La peur s’applique à un objet déterminé, défini. L’angoisse est un signal d’alerte, une attente qui prépare au danger. La menace peut être canalisée, intégrée. L’effroi ne permet pas la mobilisation des ressources psychiques car il arrive tout d’un coup. Cela engendre une temporalité particulière ou l’évènement traumatique est effacé dans le mouvement même de son surgissement

Dans Inhibition, symptôme, Angoisse,[26] texte de 1926, Freud établit la deuxième théorie de l’angoisse, fondée sur l’angoisse de castration. Avec les apports d’Otto Rank (angoisse de la naissance), l’angoisse est fondée sur une angoisse de séparation issue des premières pertes vécues, sein maternel, fèces. Ces pertes d’objets répétées préparent à la castration dont la première expérience est la naissance ; en effet la mère assimilant l’enfant au pénis dont elle est dépourvue, cela serait une première castration. Les apports de Ferenczi  permettent d’expliquer la phase phallique ; l’angoisse précédente n’est pas abréagie[27] (naissance) mais transformée en ce sens qu’il s’agit d’une menace de séparation d’avec l’organe génital, le pénis, hautement investi car potentiellement garantissant l’union génitale avec la mère. Freud s’appuiera sur l’étude du mécanisme de la phobie, notamment la phobie du petit Hans (dans Cinq psychanalyses) pour éclairer le mécanisme de l’angoisse et de l’angoisse de séparation.

Lacan dans le Séminaire IV, la relation d’objet, reprenant l’étude du « petit Hans », remarque que l’enfant tout entier est la métonymie du phallus (qu’elle n’aura pas) pour la mère de Hans. Le pénis devient à cette époque pour Hans objet de satisfaction. L’angoisse survient entre ce pour quoi il est aimé et ce qu’il peut donner. Il est objet de plaisir donc objet passif. Hans est capturé dans l’imaginaire et s’imagine tel qu’il est imaginé. En tant que sujet réel, il s’imagine autre que ce qui est désiré, ce qui le rejette du champ imaginaire où la mère pouvait trouver à se satisfaire grâce à la place qu’il occupait. De là, nait l’angoisse de séparation. La névrose serait l’impossibilité de l’avènement symbolique.

Ceci est pour le cas général des névroses. Dans le cas du génocide, on parlera d’effroi et d’angoisse. Jorge Semprun témoigne de l’angoisse qui l’étreint, « une angoisse diffuse et profonde, la certitude angoissée de la fin du monde, de son irréalité en tout cas. |..] Tout devient chaotique, quand cette angoisse réapparait. On se retrouve au centre d’un tourbillon de néant, d’une nébuleuse de vide, grisâtre et rouble. […] rien n’est vrai que le camp, tout le reste n’aura été qu’un rêve, depuis lors. » [28]

 En effet, la première angoisse survient  lors de l’absence de la mère révélée par la survenue d’un étranger. Cette angoisse est contemporaine de l’émergence des défenses archaïques. L’angoisse entraîne l’utilisation d’un mécanisme de défense archaïque qui est le clivage, nous allons étudier ce phénomène ainsi que les autres défenses

Dans mes cahiers
D’école maternelle
Il y aussi un oiseau
Volant d’une seule aile

Extrait du poème
« Car je n’y suis pas » de Véhanoush Tékian [29]

IIC- Déconstruction du sujet :

IIC1-Le  Moi éclaté :

Il ya destruction du moi : le moi est un rejeton ancien de l’idéal du moi qui permet une identification tardive, le surmoi. La constitution du moi signe l’hominisation.

La coalescence qui aboutit au moi  est le moment ou émerge l’angoisse de l’étranger. Ce moment est celui de l’émergence  des processus de constitution du moi qui s’organiseront en défense du moi qui n’existait pas encore avant leur coalescence. Ceci peut éclairer l’éclatement du moi, puisque les défenses protectrices sont abolies, comme nous le détaillerons dans la suite du texte. Il ya écrasement de l’identité et du moi, de l’individualité propre spécifiée par le trait unaire.

La jouissance est clivée par rapport au corps et au trait unaire, marque pour la mort. Le trait unaire se perd s’il y a crime de masse. Pour Freud, le trait unaire est ce qui reste lorsque l’objet est perdu. L’investissement qui se portait sur l’objet est remplacé par une identification partielle qui n’emprunte qu’un trait. Lacan s’appuiera sur cette notion ainsi que sur la linguistique de Saussure pour élaborer le concept de trait unaire. C’est un signifiant « ultime » dont l’inscription réalise une trace, une marque. Sa fonction est de pouvoir assurer le comptage et la différence. L’exemple célèbre qui l’illustre est celui de la côte d’animal préhistorique observée au musée de Saint-Germain-en-Laye, portant des traits supposés être les coches de la chasse d’un chasseur. Cela introduit le registre du symbolique.

Dans le registre symbolique, l’identité se fonde par la place, alors que le signifiant se répète. Le trait unaire permet le comptage et est donc le support de l’identification du sujet. L’enfant, quand il compte des objets, se compte lui-même. Par la suite, l’enfant se décomptera, ce qui permettra son identification comme « un ». Pour Lacan, le trait unaire, c’est aussi ce qui a effacé l’objet.(image de l’identifiant phallique). « L’identification au trait unaire, qui est donc corrélative à la castration et de la mise en place du fantasme, constitue la colonne vertébrale du sujet »[30]. Identifié au trait unaire, le sujet est un et identique aux autres sujets castrés. Il est identique aux autres mais s’en distingue par une « petite différence » (Freud). Ce trait permet l’identification imaginaire. C’est le trait unaire qui permet à l’enfant d’intérioriser l’image du corps donnée par l’expérience spéculaire. Le signe donné par l’adulte quand l’enfant se retourne vers l’adulte à la recherche d’un signe fonctionne comme trait unaire. Ceci est la base de l’idéal du moi.

Dans le champ de l’inhumain, il y a défaut de cette constitution ou régression au stade antérieur à sa construction, l’amour est dissout par la passion imaginaire de capturer l’autre et de le détruire. La dimension de l’amour n’est pas construite au niveau structurel. L’Oedipe n’est pas dépassé. Le surmoi n’est pas efficace, la castration symbolique est évitée. C’est la fixation à un stade sexuel infantile qu’on ne peut dépasser, qui s’appuie sur le déni et le clivage. Il n’y a pas d’accès à la réalité.

 Le moi du sujet « exposé à un traumatisme violent éclate, se pulvérise même. »[31] . Cette idée a été avancée par Lacan. Cela rappelle la théorie de l’objet « a », déchet de l’opération signifiante, est à rapprocher du projet génocidaire ou concentrationnaire de réduire le déporté à l’état de déchet, comme nous l’avons vu dans la première partie,  en détruisant l’armature symbolique constituant l’humanité du sujet. « Les enfants pleurent les larmes de leurs parents. Les résidus font des enfants de résidus. »[32]

 Il y a nécessité de la reconstruction du moi, c'est-à-dire de l’image que le miroir nous renvoie. La reconstruction sera celle d’un ersatz de moi, fragile à chaque agression ou violence. C’est une reconstruction feuilletée, comme en oignon. Cela renvoie à la mémoire feuilletée que nous avons précédemment évoquée. Cette structure est en miroir de la structure totalitaire. Hannah Arendt nous témoigne que cela masque le véritable détenteur du pouvoir. L’imaginaire épuisé peut renoncer à produire un étayage.». C’est la dislocation du sujet dont Bettelheim, psychanalyste et survivant des camps nous témoigne : « j’avais fait  l’expérience, sans savoir si elle finirait  un jour, d’être à la merci de forces sur lesquelles je ne pouvais avoir aucune influence. C’était l’expérience de vivre isolé de sa famille et de ses amis, d’être sévèrement restreint dans l’échange des informations. En même temps, je me sentais soumis à une manipulation quasi-totale par un environnement qui semblait tout faire pour[33] détruire mon existence indépendante, sinon ma vie ».[34] Cela réduit les sujets à l’état de « musulmans », terme rapporté par Primo Levi dans son ouvrage, l’espèce Humaine, c'est-à-dire le sujet qui s’abandonne à la mort.

 IIC2- Pré-Phallique :

Le stade antérieur où se situe l’inhumain en jeu dans le génocide est un stade d’avant la castration, avant l’avènement de la fonction phallique, qui prépare la surrection du sujet. Le sujet commence dans le fantasme parental et s’inscrit dans l’histoire inconsciente de la famille. L’infans est symbole du désir qui l’a engendré et non pas créé. 

Pour A. Didier –Weill, cette dimension pré-phallique, pré-spéculaire, se situe au sein de la voix maternelle et rend compte de la façon dont elle-même s’est positionnée face à l’appel de la castration. Pour cet auteur, au-delà du champ du miroir (champ visuel) apparait un champ sonore : le timbre de la voix de la mère transmettant un savoir sur la privation, la différence des sexes, traumatisme initial de la mère. Ce serait la transmission du réel d’un manque de signifiant au sein de la présence maternelle. Le manque symbolique est transmis, y compris en présence de la mère. C’est l’absence dans la présence. Cela signifierait, par le réel de la voix maternelle, une signification des conditions du désir qui induiront plus tard la signification du Phallus. La voix de la mère contiendrait les germes de l’avènement du sujet, l’articulant à l’ordre symbolique, à la Chose. Il s’agit ici des fondations du sujet. Les fondations du sujet s’origineraient donc dans l’inconscient maternel. Cela dirait quelque chose de l’histoire et du rapport à la castration. Il s’agit ici du sujet, pas encore du Moi.

Ce rapport originaire au monde symbolique, de la parole, du signifiant contenus dans la mélodie de la voix maternelle permettraient peut-être, y compris en cas de génocide une conservation ou un réaccès possible aux bases du sujet et à sa reconstruction ; en régressant à ces stades. Cela présupposerait, que, même en cas de destruction massive, d’asservissement, quelque chose subsiterait toujours de sa condition de parlêtre, [35]antérieure à la constitution du Moi. Cela indiquerait une phase primitive du trait unaire [36], ce trait serait alors la base première de l’identification, appartenant au réel et au symbolique. La forme élémentaire du signifiant est le son. Ce serait le germe de la parole.

Cette destruction de l’image spéculaire induit la destruction du moi. L’image dans le miroir participe à la construction du narcissisme.

IIC3- Narcissisme de mort :

Le narcissisme primaire désigne un état précoce où l’enfant investit toute sa libido sur lui-même, anobjectal : il est spécifié par une absence totale de relation à l’entourage, c’est une identification narcissique à l’objet, l’intériorisation d’une relation, comme décrit dans Deuil et mélancolie en 1916. « L’ombre de l’objet tomba ainsi sur le moi qui put alors être jugé par une instance particulière comme un objet, comme l’objet abandonné ».[37] Il y a indifférenciation du moi et du ça, comme dans la vie intra-utérine dont le sommeil serait une reproduction « Chez le dormeur se trouve reproduit l'état de répartition primitif de la libido : il présente notamment le narcissisme absolu, état dans lequel la libido et l'intérêt du moi vivent unis et inséparables dans le moi se suffisant à lui-même.»[38] Cet " état précoce où l'enfant investit toute sa libido sur lui-même « et de toute-puissance du Moi est ce que l'on appelle le narcissisme primaire - Une illustration de cela peut être trouvé chez les enfants et les peuples primitifs, dans Totem et tabou (1913) : Surestimation de la puissance des désirs et des actes psychiques, " toute-puissance de la pensée ", croyance à la force magique des mots, c’est l’époque de la pensée magique.

Le retour au narcissisme primaire est un  mouvement naturel selon Freud : Ces masses humaines ont à s’unir entre elles. « Ainsi, l’éros soutient la quête narcissique : reconstituer ontologiquement l’existence, et donc faire cesser les différences entre les humains pour les agglutiner vers une totalité. » Freud ne manque pas de relever le caractère religieux de cette aspiration »[39]. Pour le totalitarisme, sorte de religion, il s’agit d’agglutiner vers une totalité, mais afin d’anéantir. Ce n’est pas Eros qui est opérant mais Thanatos.
Le Moi n'existe pas d'emblée comme unité. Freud  avance donc que " quelque chose, une nouvelle action psychique, doit donc venir s'ajouter à l'auto-érotisme pour donner forme au narcissisme. " Si l'on veut conserver la distinction entre un état où les pulsions sexuelles se satisfont de façon anarchique, indépendamment les unes des autres, et le narcissisme où c'est le Moi dans sa totalité qui est pris comme objet d'amour, on est ainsi amené à faire coïncider la prédominance du narcissisme infantile avec les moments formateurs du Moi. « Le narcissisme en tant que stade rend compte nécessairement d'un Moi, " objet des pulsions libidinales, et implique la capacité d'un sujet à se représenter ce qu'il désignera ultérieurement comme son Moi et qu'il confondra en partie avec la représentation de son propre corps. »

 Le narcissisme primaire est modifié par les conditions extrêmes de l’extermination de masse, et devient un narcissisme de mort, d’après André Green[40]. Le narcissisme est théorisé par Freud  comme  auto-centré. Cela sera suivi par la théorie des pulsions.

En raison de cette proximité chronologique, on peut imaginer qu’il y aurait aussi un narcissisme de mort qui va vers la désunion et le retour à l’inertie. Ainsi l’anorexie permet de faire penser à un narcissisme négatif. Le psychisme fonctionne à contrario, la recherche du plaisir n’est pas le facteur dominant. Le psychisme fonctionne de façon gelée. Le narcissisme négatif serait l’aspiration au niveau zéro.  L’attaque contre les liens décrite par Bion et Lacan serait une expression de la pulsion de mort. Dans le cas du génocide, il y a attaque par l’agresseur, porteur de la pulsion de mort, des liens. C’est l’extinction de l’activité projective qui se manifeste par le sentiment de mort psychique.

La destructivité peut être mise au service de fins défensives. Un appareil psychique peut se servir de la destructivité conte la destructivité. Quelque chose intolérable peut être combattu par une autre chose intolérable afin de la faire disparaître. La destructivité est une incapacité d’élaborer la situation primitive non supportable pour le sujet.

L’appareil psychique est mis dans des conditions inacceptables. Elaborer permet de rendre la situation un peu plus tolérable. Le négatif, pour André Green permet d’accéder à la sublimation : c’est la transformation des coordonnées pulsionnelles qui sont à la racine de la créativité pour en faire autre chose. Nous devenons sensibles à la métaphorisation, sens qui n’est pas lié directement à une réalité et qui transforme l’objet. Il permet de se protéger contre la résurgence de l’angoisse. Cela diffère du point de vue de Bion ; pour cet auteur, il faut évacuer le négatif, la frustration, ou l’élaborer : ou c’est inacceptable, ou cela ne me fait rien. Seul moyen d’avancer.

IID-Déni, négationnisme

Déni et reconnaissance sont les deux catégories de liens au passé. Aux signifiants communs du passé. Il ya  d’une part déni chez le sujet victime, avec symptôme d’effondrement psychique et déréalisation et déni par autrui, négationnisme. Le déni portera alors sur le moment de l’effroi lui-même, à savoir le trauma. On observe un double mouvement, déjà évoqué pour le traitement mémoriel : d’une part tentative d’inscription, de reconnaissance dans le temps et l’espace, de l’autre maintien du déni ou révisionnisme. Cela va plus loin que l’oubli, évoqué pour l’oubli et la mémoire. Les tentatives de reconnaissance entraînent des  menaces de mort, de la violence. Seul le déni est accepté, car il est par nature non symbolique et donc inscrit dans le registre de la violence. Le refoulement massif portera alors sur la vie d’avant. Le traumatisme devient une origine pour le sujet. La répression est une conséquence du refoulement, l’exercice du refoulement.

Dans le séminaire, d’un discours qui ne serait pas du semblant, [41],  Lacan définit le refoulement comme ce qui disqualifie, comme un effet de vérité. Il touche donc au Réel.

Cela a pour conséquences de masquer la question de la filiation et de l’énigme de l’origine. Le choix entre folie et déni est un choix forcé, pour préserver sa structure.

Le déni, Verleugnung freudienne diffère cependant du refoulement et de la négation. Par exemple affirmer la non-existence de quelque chose qui existe. C’est l’incroyable, l’inimaginable de cette réalité terrible qui force l’esprit au déni. Le déni est une conséquence de la sidération. Celui qui dénie dit le vrai du vrai d’un autre sujet. Cela pétrifie sa pensée. Le sujet ne parle pas car il sait et redoute de dire ce qu’il sait. Il se sent sous le regard de l’Autre et a peur du lapsus qui le révèlerait.  Cela peut entraîner une dépression qui a un aspect mélancolique.

Davidson, dans son étude sur les camps, pointe le déni  et l’évitement comme les mécanismes fondamentaux employés pour traiter les souvenirs traumatiques. Cela permet de gérer l’angoisse. La personnalité des victimes, ainsi transformée est qualifiée de Lazaréenne (Jean Cayrol). L’hyperactivité est une des formes du déni ; cependant, si l’activité permet de masquer le trauma, la vulnérabilité est présente.

Nous trouvons l’exemple de cette défense illustré dans l’ouvrage de Jorge Semprun, l’écriture ou la vie, [42]Où il indique avoir dénié le trauma et l’effroi du camp nazi pour continuer à vivre. Il écrira son récit quarante ans après son retour de Buchenwald. En effet, le rappel de l’effroi l’aurait mis face à sa faille incompatible avec sa survie. « Tout traumatisme est immédiatement doublé d’une volonté de méconnaissance pour le traumatisé mais aussi pour l’entourage. D’où l’impossible articulation entre le vécu de celui qui a rencontré l’effroi et le discours de ceux ou celles qui ont été spectateurs, voire témoins. »[43]

On observe que les survivants font silence en échange d’une réintégration dans la communauté humaine. On peut considérer que c’est une période de latence, la société s’organisant autour d’un pacte dénégatif ; laissant dans l’ombre tout un pan de l’histoire.

Silence des survivants et leurs descendants, déni des bourreaux, signent une « analogie paradoxale entre victimes et oppresseur. […] l’un et l’autre sont dans le même piège. »[44] Tout comme dans l’analyse, il n’y a de résistance que de l’Analyste, tenant lieu de l’Autre, au collectif le déni est à l’identique. Le déni conduit à la violence contre l’autre ou contre soi-même, quelqu’un ne doit pas exister. Cela signifie pour le Sujet l’arbitraire, y compris pour la parole, support du symbolique. Le déni enferme dans l’imaginaire de la toute-puissance du bourreau.

Le déni poursuit les effets de la destruction symbolique qui caractérise les génocides. Yves Ternon, historien, dans son  livre « enquête sur la négation d’un génocide », remarque la similitude, à ce propos, entre génocide arménien et juif.

Le déni touche aussi parfois les survivants, cela leur permet de maintenir une vie psychique afin de s’adapter à la nouvelle et terrible réalité. Les troubles se manifestent plus tard. On retrouve là la conception classique du trauma qui se signifie dans l’après-coup. Nous l’avons évoqué avec le témoignage de Jorge Semprun. Le traumatisme massif ne permet pas la représentation. C’est ainsi que le témoignage sur les chambres à gaz fut rejeté. Les victimes peuvent aller jusqu’à dénier leur statut de victime. Cependant, la reconnaissance du génocide est fondamentale puisque partie intégrante de l’identité et fondatrice du processus de deuil.

La culpabilité du survivant se traduit par la transmission de la dette réelle ou symbolique aux descendants de la famille, vis-à-vis de ceux abandonnés  sans protection à une mise à mort de masse. Le travail de deuil n’est possible que si le lien est rétabli entre le passé et le présent. Lorsqu’ oubli et déni institutionnalisé se conjuguent, la quête de sens est difficile. Ainsi le «  Régime Khmer rouge est effacé des manuels d’histoire cambodgiens depuis  1993. » [45]  

Le déni se transforme en clivage du non-dit du monde. Cela induit un système relationnel  au sein de la famille qui se fait sur un mode de structure paranoïaque et perverse, la cohésion des différents membres de la famille est maintenue par exclusion, négation, hallucination négative de l’un d’entre eux car un trop plein de sens les habite, leurs histoire est symboliquement désavouée par le monde qui est le tiers externe, les réminiscences de la langue mettraient en péril le maintien des alliances.

Davidson, dans son étude sur les camps forgea la notion de « numbing », sorte de déni entremêlant endormissement et sidération, déréalisation. « le déni, l’endormissement psychique, la déréalisation a permis de supporter l’insupportable, surtout au moment de l’arrivée au camp. »[46]Le camp et le génocide fabriquent de l’absurde, les changements sont fréquents et imprévisibles, les individus sont dégradés, anonymes. La mort est absurde, l’atmosphère est celle de l’irréalité. Affamés et traumatisés, les survivants sont anesthésiés et robotisés.  Il y a rupture du self, du sens de la continuité de la vie, destruction du sens de la vie, perte de la sécurité. Le soi est disloqué.

Effacement et falsification de l’histoire accompagnent le déni. Cela prive les survivants de leur histoire. Le tiers est exclu par les génocidaires, son témoignage met en danger la construction et le maintien du déni. Le projet imaginaire de l’extermination devient d’autant plus réel. Le déni empêche  les processus identificatoires, la seule identification restant sacrificielle, comme tombeau des morts. La levée du déni signifierait la réapparition d’un Tiers, brisant la dualité bourreau-victime. Cela permettrait de rouvrir le temps du miroir.

Le déni entraine le retour dans le réel de ce qui est dénié ; retour qui est ensuite aussi dénié. Prenons comme exemple les massacres de Soumgaït, le 20 février 1988, pogroms arméniens décimés par les azéris, répétés en janvier1990 à Bakou. « Tuez tous les Arméniens. Ne détruisez pas la ville car nous vivons ici. Ne brûlez et ne tuez que dans les maisons arméniennes. »[47]

Ceci illustre la résurgence du réel qui n’a pas été symbolisé. Réel gelé. Les héritiers du génocide ne sont pas protégés par les lois symboliques fondées par les liens humains, ce qui expose au retour du même. La toute-puissance imaginaire étant « transmise »puisque le premier génocide « fondateur »est toujours dénié. » La mémoire refusée place les sujets hors la loi et hors parole, comme désarrimés de l’ordre humain  et ne peut qu’engendre le retour de projets exterminateurs […] excluant tout tiers, toute médiation. »[48]

Déni de la mort et de la temporalité qui induisent des conséquences pour la descendance : « du déni ne procède aucune descendance puisqu’il est, en fin de compte, déni de la mort et de la temporalité. »[49] On observe que les déportés et le descendants ont un comportement spécifique au regard de la procréation et de l’accession à la paternité. S. Davidson et Gérard Haddad avancent que  cela est dû à la destruction du signifiant de la paternité (ou maternité) par le génocide et le camp. Les victimes considérant que l’extermination de masse a changé leur patrimoine génétique, condamnant leurs enfants à la maladie et au handicap. Le mystère de la filiation est entamé. Il s’agit d’un néo-matriarcat psychotisant. La levée de déni peut se manifester par un retour d’angoisse ou une paranoïa, signe d’un déni très fort. Ainsi il n’y a plus d’avant ni d’après, plus de passé ni de futur.

Le négationnisme, latin negatio ou dénégation est une forme collective du déni s’appliquant à des faits historiques. Terme initialement appliqué à ceux qui contestent la réalité du génocide des juifs ou en minimisent la réalité, nous nous en servirons comme terme générique. Le négationnisme emprunte, au titre collectif les mécanismes du déni individuel au titre de défense et de protection de la collectivité concernée, qui sinon, se verrait exposée à des sanctions, tout comme l’individu qui dénie ou refoule se verrait sinon aux prises avec les reproches du Surmoi. Comme nous l’avons vu le refoulement se manifeste par le retour du refoulé, le génocide se manifeste par sa négation en tant que constitutif du génocide lui-même : « La négation du génocide vise à réécrire l’histoire afin de diaboliser les victimes et réhabiliter les auteurs. La négation du génocide est le stade final du génocide lui-même. » Wola Soljenka, prix Nobel de littérature, Niger).

La nécessité de la levée du négationnisme est intriquée à la possibilité d’élaboration :

« le traumatisme ne peut être intégré à aucune élaboration ultérieure de la vie […], mais pour les enfants de celui-ci (victime), s’il n’est pas reconnu par les auteurs du crime, il devient un patrimoine délirant, une violence égarée »[50]

 L’occultation de l’extermination des populations ayant vécu le génocide (dans le cas Arménien) ou la guerre (dans le cas des Juifs et de la Shoah) semble faire écho aux traumatismes des victimes. « Il y a en effet des peuples pour qui le négationnisme est un ciment social. Dans   Totem et tabou  , Freud explique que la civilisation est fondée sur la mort. Mais en règle générale, le meurtre fondateur, le crime des origines n’est pas identifié comme tel, c’est bien plutôt un mythe, qui demeure enfoui dans l’inconscient. Ce qui est singulier, dans le cas du génocide turc contre les Arméniens, c’est que ce crime soit si palpable et que la société turque en ait encore besoin au moment même où elle cherche à se fonder comme démocratique »[51]. Au niveau collectif, le refoulement massif semble agir comme un bâillon. Cela appartient au patrimoine commun.

Ainsi, en Israël, on a observé un déni massif face au génocide. Les arméniens massacrés, leurs descendants plutôt ont à faire face à un déni massif de la part du peuple turc, au négationnisme. Au niveau collectif, le génocide qui n’a pas eu lieu (absent des manuels scolaires et des livres d’histoire turcs) manifeste un trou dans le symbolique. Les fondements institutionnels et l’Histoire ayant participé au traumatisme, le lien social étant impliqué, on peut se trouver face au phantasme : cela n’a pas eu lieu La nécessité de commémorer par le symptôme est pour les victimes relayée par la nécessité de commémorer dans le collectif ce qui n’est pas totalement symbolisé. Ceci est une répétition liée à la pulsion de mort.

 

IIE-Défenses :

Les défenses sont liées au moi. « La défense, opération par laquelle un sujet confronté à une représentation insupportable la refoule, faute d’avoir les moyens de la lier, par un travail de pensée aux autres pensées. »[52]Les défenses archaïques sont mobilisées par le trauma au lieu du refoulement secondaire habituellement opérant car véritable moteur du refoulement.  S’il défaille, le psychisme utilisera le refoulement primaire qui fait partie des défenses archaïques car le moi et le ça sont en continuité. C’est ce qui se passe chez les sujets face à l’extermination de masse ; Les défenses archaïques sont des garanties contre la déstructuration, le morcellement « par retour régressif aux stades de très faible, voire de non-organisation du moi.[…] les défenses archaïques  protègent contre le traumatisme et l’annulation de la liaison pulsionnelle. » [53]Dans le cas du génocide, les défenses archaïques ne sont pas suffisamment opérantes.

Toute pathologie du moi peut aussi entraîner des régressions à des mécanismes de défense établis devant des situations infantiles dangereuses. Nous pouvons citer la position schizo-paranoïde (Mélanie Klein) où l’objet devient persécuteur et où il n’y a plus d’altérité structurante, ou la position dépressive où il y a effondrement narcissique. Les effets du génocide sur les survivants et leur descendance semblent procéder de ces deux positions régressives. Le sujet soumis au traumatisme est dans une stratégie de survie.

 Les mécanismes défensifs sont la fragmentation, l’intellectualisation, le gel psychique. Ils ont pour but d’empêcher l’émergence de l’éprouvé affectif, le moi étant déjà envahi par la charge traumatique.

Nous examinerons principalement deux défenses archaïques qui sont : le refoulement et le clivage, le clivage étant la manifestation topique du déni que nous venons d’évoquer.

 IIE1-Clivage :

Comme nous l’avons vu plus haut, l’effroi entraîne un clivage. [54]. C’est une tentative d’évitement du danger par régression : le clivage a pour fonction de permettre de régresser à la béatitude pré traumatique qui a pour visée de rendre non advenu le traumatisme.

C’est une défense archaïque qui permet de se soustraire à l’angoisse, l’objet pulsionnel est scindé en bon et mauvais objet (Mélanie Klein). Rappelons que Mélanie Klein situe l’Oedipe plus tôt que Freud, vers six mois. Le clivage du moi ou du sujet est un état du moi qui maintient dans le sujet deux attitudes contradictoires.

La notion de clivage du moi apparait dans la deuxième topique (1920). Cela conduit à la notion de division du sujet devant la vérité et au rapport du sujet à la loi. C’est une défense contre le réel qui manifeste la division. Il s’agit de l’Ichspatlung, condition nécessaire à tout sujet pris dans le langage. Lacan précisera que le sujet est divisé entre un sujet de désir, S barré, et l’objet « a », et complètera ce concept avec le nœud borroméen afin de décrire la structure du sujet. L’absence de clivage entre les trois registres du réel, du symbolique et de l’imaginaire induit la paranoïa et empêche la subjectivation.

Ferenczi remarque qu’il existe un auto-clivage narcissique qui serait le processus primaire de refoulement, une partie sensible brutalement détruite et une autre qui sait tout mais ne sent rien. Cela fait perdre au sujet  la confiance dans le témoignage de ses propres sens et fixe une partie de sa personnalité qui devient alors faite de ça et de surmoi.

Dans le cas du sujet sain, il y a continuité entre le symbolique et le réel, le sujet dit : « oui/non » en même temps, trou réel dans le symbolique ; transmission d’un au-delà du sens, surabondance du sens ;  dans le cas du clivage il y a limite,  forclusion, trou symbolique dans le réel, le sujet dit seulement. : « Non ». Il y a perte absolue du sens. Cela préside à la création de l’abîme dans le sujet  qui répond au signifiant de l’Abîme dans l’Autre. La création de cet abîme est le refoulement originaire. C’est la première opération de deuil. Sinon le signifiant du nom du père réapparait comme fantôme.

L’évènement traumatique qui figure comme un corps étranger est enkysté. Cela est à comparer avec la notion médicale de kyste : quant un corps étranger fait intrusion dans le corps humain, se forme autour de lui le tissu nommé kyste. Nous pouvons rapprocher cela de ce que nous avons décrit précédemment en cas de deuil normal, les deux berges de la blessure se refermant.(partie processus du deuil, apports freudiens) pour former cicatrice. On peut considérer que pour le génocide, le corps psychique est fissuré.

Nous pouvons nous référer au  concept de Moi-Peau, et d’enkystement, concept présenté par Didier Anzieu , pour éclairer ce point. Nous reprendrons le concept de moi-Peau dans la seconde partie de notre travail. Dans le cas du Moi-peau, le corps étranger est inclus, introjecté, la cicatrice est donc intérieure, le tissu de réparation tissé tout autour du corps étranger et à l’intérieur du psychisme. Cela isole du reste du psychisme, il n’y a pas refoulement  mais amnésie, rétention, secret, non-dit. Cela induit à tourner autour du trauma sans y pénétrer. Cela procède du même mécanisme que le mélancolique, à la différence de l’amnésie. Cela renvoie à Das ding, la Chose que l’on ne peut décrire mais seulement border.

IIE2- Refoulement:

Le survivant du génocide va faire appel au processus de défense qu’est le refoulement.

L’absence de réaction apparente au traumatisme créée le symptôme ; il n’y a ni réaction par la parole, ni réaction affective, ni intégration. Le traumatisme est inassimilable, et cela le met en lien avec le refoulement. Le refoulement apparait comme un défaut de traduction. Trois types de refoulements coexistent en psychanalyse : le refoulement originaire, centre de l’appareil psychique, l’inconscient primordial non refoulé, les refoulements primaires et les refoulements secondaires.

Le refoulement originaire est l’inconscient constitué par le refoulement, un ça qui nous agit. Il instaure les différenciations dans l’appareil psychique qui permettent aux mécanismes ultérieurs de fonctionner. Il serait le produit de la distinction moi/ça. Nous reprendrons cette notion. Il est à distinguer des refoulements primaires postérieurs qui sont archaïques mais déjà organisés par un moi constitué. Ils sont antérieurs à la constitution du complexe d’Œdipe.et du Surmoi Freudien. Freud envisageait le surmoi comme pouvant marquer la limite séparant le refoulement originaire du refoulement après coup. Les seuls refoulements que nous connaissons sont les refoulements secondaires. Nommés par Freud refoulements après coup, mis en œuvre par l’action du surmoi.

Pour Lacan, c’est la métaphore paternelle qui est la formule du refoulement originaire. Dans l’enseignement et les écritures de Lacan, il y aura de nombreuses fluctuations sur ce sujet. La métaphore paternelle refoule le signifiant phallique dans l’inconscient, il est l’agent du refoulement originaire. C’est le processus de la métaphore paternelle qui y préside , et par laquelle un élément signifiant , celui du désir de la mère , va devenir inconscient car désigné métaphoriquement désormais par le signifiant « du Nom-du-Père  » qui constitue le modèle du refoulement .

Le refoulement est assimilation à l’intérieur de soi, un hors la loi intérieur, l’étranger en soi. Le moteur en est l’angoisse de castration. Ainsi on exclut du moi, régi par les lois de l’inconscient, ce qui devient hors la loi. La motion refoulée tombe ensuite sous l’influence de la compulsion de répétition qui joue comme facteur de fixation et suit la même voie que celle jadis refoulée. Ce mécanisme s’est mis en place face au danger réel. Par la suite, le moi réagit comme si la situation de danger réelle de l’enfance se maintenait toujours. Le racisme, l’antisémitisme, le génocide y trouvent leur racine, comme dans une projection à l’extérieur de ce qu’on veut refouler ; Cela renvoie au complexe d’intrusion déjà évoqué. En cas de génocide et d’extermination, l’étranger est expulsé à l’extérieur, dans un hors la loi. : On reconnait dans le monde deux sortes d’étrangers, ceux auxquels est reconnu un code, un ordre symbolique, une culture, et les autres, ceux qui sont dans l’abandon, dans l’infra-humain.

Le refoulement aurait trois phases : la première phase ou refoulement primaire, la seconde, le refoulement proprement dit, la troisième le retour du refoulé. Ce serait la première phase de constitution de l’inconscient, formé alors de noyaux exerçant une attraction sur les contenus du préconscient et conscient. Par la suite, le surmoi et le moi ajouteront de la répulsion afin d’aboutir au refoulement secondaire ou après coup.Le moi primitif est ennemi des excitations.

Le refoulement primaire serait lié à la fixation. La fixation est le fait qu’une pulsion n’a pas accompli avec l’ensemble de la libido l’évolution normale et demeure immobilisée à un stade infantile. Ce courant sera par la suite un courant refoulé. La fixation est un « resté en arrière ».

La deuxième phase du refoulement émane des instances hautement développées du Moi et est une pression après coup. Ce sont les dérivés psychiques de ces instincts primitivement restés en arrière qui succombent au refoulement (un conflit s’est élevé entre le Moi et ces instances). Le retour du refoulé est l’échec du refoulement.

Par la suite,  Freud dira que tous les refoulements se situent dans le bas âge. Ces anciens refoulements subsisteront dans et le Moi fait appel à eux pour maitriser les pulsions. Les nouveaux conflits sont réglés par le biais de ce que nous appelons le « refoulement après-coup ».[55]Chaque fois que le Moi est capable de reconnaitre un certain état de surexcitation pulsionnelle ayant trait à une situation de danger et d’y répondre correctement par un signal d’angoisse, le refoulement primaire est supplanté par d’autres défenses appropriées à la situation. Dans le développement normal, lorsque la différenciation du Surmoi est intervenue, l’apparition de nouveaux refoulements primaires n’est plus possible. La névrose est la conséquence du retour du refoulé du fait d’une combinaison du refoulé primaire et du refoulé secondaire ultérieur (refoulement proprement dit). Le mécanisme du refoulement s’appuie sur le refoulement originaire

En 1919, dans l’Introduction à la psychanalyse des névroses de guerre, [56], Freud met en relation la névrose traumatique et le refoulement, le refoulement étant présenté comme une névrose traumatique élémentaire. Le traumatisme serait en correspondance avec le refoulement secondaire rencontré dans la structure névrotique.

Lors du traumatisme de masse, le sujet est réduit à sa nature avant l’apparition du refoulement originel, avec des défenses antérieures à la notion de déroulement du temps et à l’historisation ce qui explique le gel dans le temps .Pour que puisse se former un refoulement, il faut qu’ait été mis en place un déjà refoulé qui va attirer à lui ce qui est à refouler.

A l’origine non pas de l’humanité mais de toute humanité, au commencement fut un manque. La psychanalyse repose sur l’hypothèse d’un refoulement qui serait premier, dit originaire. De ce refoulement premier en découleraient d’autres : le sein, la présence de la mère ;  Pour combler cette béance, un signifiant est mis en place pour signifier ce manque. Le jeu de la bobine est l’explication qu’avance Freud en 1915 avec le Fort/da. Ce serait une tentative de symbolisation de l’absence de la mère. Le petit d’homme, dès qu’il vient au monde perd son habitacle et toutes les jouissances associées. Cette perte se signifiera dans la structure du langage. L’agent du refoulement, selon Freud serait le surmoi, l’au-moins-un.

Dans la première topique Freudienne, le refoulement originel, Urverdrängung , fonde l’inconscient. En effet, l’inconscient se constitue au moment où les traces mnésiques sont oubliées ou refoulées. Le refoulement primaire ou originaire serait le premier temps du processus de refoulement selon Freud. [57] L’expression « refoulement primaire » n’apparait qu’en 1915. Le refoulé primaire en sera issu.

Ce sur quoi porte le refoulement est la sexualité infantile, l’irréductible de l’inconscient, l’enfant renonçant à être pur objet du désir de la mère.

Lacan considère que le refoulement d’origine est le lieu de réception des signifiants des pulsions refoulées, lieu du réel. Au temps du refoulement originaire l’infans va déposer dans un lieu dit Autre ses pulsions basiques incestueuses ( phallus ) ;  ce creuset sera impliqué dans le désir et l’ordre symbolique.

Alain Didier-Weill avance que le refoulement originaire est un pacte métaphorique originaire, Le signifiant du Nom du père est le renouvellement d’un pacte, nouage borroméen qui noue les trois métaphores originaires, réel symbolique (inouï), symbolique imaginaire,( invisible), réel imaginaire ; (immatériel). Le nouage est borroméen. Le réel a un ascendant sur le symbolique qui a un ascendant sur l’imaginaire, qui a un ascendant sur le réel. Les refoulements ultérieurs concerneront le symbolique. En ce sens, le refoulement originaire lié aux refoulements ultérieurs permet le nouage entre Réel et symbolique, métaphore paternelle et refoulement originaire.

Pour Serge Leclaire, le refoulement originaire est constitué par la perte du monde de l’objet « a » qui rend l’accès au désir possible. Ceci est articulé à la pulsion de mort qui maintient distinct le Réel (monde de l’objet perdu, du corps) et les représentations inconscientes (langagières). La pulsion de mort organise le refoulement originaire. Le refoulement est sélectif et protecteur. C’est un conflit entre le principe de plaisir et le principe de réalité, le refoulement est protecteur du moi dans les relations avec les autres. Le refoulement n’est jamais complet ni définitif et essaiera de s’infiltrer dans le champ de la conscience par les lapsus, trous de mémoire, actes manqués qui sont des amnésies de défense. La somatisation est une voie d’évitement de la souffrance induite par le retour du refoulé.

L’effroi suscité par le génocide induit un clivage de défense, qui s’accompagne donc de déni. Ce qui implique un réaménagement psychique des expériences antérieures. Tout retour de refoulé portant sur la sexualité infantile présente donc désormais un risque d’anéantissement pour le sujet. Le retour du refoulé induirait également  la prise en compte de la jouissance, ce qui est refusé dans l’effroi. Le refoulement se situe entre le retour symbolique du refoulé et son retour dans le réel.

Nier est désirer refouler. Ce détour, à minima par la négation, par le refoulement ou dénégation est nécessaire à la survie et à la constitution du sujet. Nous pouvons considérer que si le refoulement est impossible ou échoue, c’est alors le mécanisme du déni qui devient opérant.

 

. IIF-Le Traumatisme

IIF1-Traumatisme, troumatisme :

Le traumatisme est un évènement inassimilable pour le psychisme

Dans ses premières œuvres, dont  Les lettres à Fliess (1887-1902), Freud liait le traumatisme à la séduction précoce, notamment par la clinique des hystériques et de la névrose obsessionnelle, en supposant une action traumatique en deux temps : l’incident dans la petite enfance et sa réactivation à la puberté. Freud abandonna ensuite cette théorie de la séduction précoce, mais il garda ce concept pour le faire évoluer en 1920, à la suite des névroses de guerre.  La première guerre mondiale amène la clinique des « névroses traumatiques », le sujet face à un évènement violent, horrible, terrible voit revenir la scène traumatique de façon insupportable. Il peut revivre la scène en rêve. Cela contribuera à l’élaboration de la théorie de la pulsion de mort.

Freud dans l’homme Moise spécifie deux destins du traumatisme : un destin positif et organisateur qui permet« la répétition, la remémoration et l’élaboration ».», un destin négatif qui crée une enclave dans le psychisme en empêchant les activités citées. . Il emprunte alors à la pulsion de mort, qui n’accomplit pas de travail de liaison.

Freud soutenait que le trauma est la cause des troubles psychiques, en tant qu’évènement qui déborde le sujet parce que dépourvu de sens. Le traumatisme génocidaire induit la question du pourquoi que posent toutes les victimes. Cela dénote une quête de l’origine du massacre et du trauma, d’une quête de sens qui demeure impensable. Le sens que proposent les bourreaux est inacceptable par ceux qui furent les victimes ou survivants, nous avons évoqué cette fabrique de l’absurde. Le trauma induit un déphasement, le réel médusant forclos le monde la manifestation .L’évènement traumatique laisse la langue dans une impasse, sans mot pour en parler. Il opère comme refoulement, oublié et conservé, insupportable et donc rejeté. Mais cependant actif. Dans ses premières élaborations du trauma, Freud définissait le facteur traumatisant comme étant de type émotionnel. Plus tard, il parlera d’une dimension non-causaliste du trauma, véritable déflagration.

Ferenczi a repéré l’importance des processus négatifs de l’expérience traumatique. Cela a été repris après lui : «  Le caractère traumatique ne peut venir en aucun cas du contenu d’un événement en soi représentable. La névrose traumatique serait à comprendre dans une négativité : une violente et brusque absence des topiques et des dynamiques psychiques, la rupture de la cohérence psychique, l’effondrement des processus primaires et secondaires, dans la perte par le moi de ses moyens. La désorganisation brutale trouverait son origine, non pas dans une perception, mais dans l’absence de sens du violent excès d’excitation et de l’état de détresse du moi, dans l’impossibilité pour le moi de se les représenter, de les présenter à la conscience. »[58]

Il s’agirait d’une forme non advenue de l’expérience. La vie psychique inclurait des pans entiers de perceptions non investies, dont le sujet pourrait avoir peur de l’irruption dans la psyché, car c’est un affect de terreur irreprésentable délié de toute représentation ou perception. Il faudrait alors le figurer à l’aide d’éléments psychiques fondateurs duels tels que dedans-dehors, bon-mauvais, moi-non moi 

L’émergence du désir étant liée à une violence et une destructibilité insupportable, le sujet traumatisé pourrait vouloir tuer le désir lui-même. Cela induit un présent sans mémoire : « s’il n’y a plus rien à espérer que sa propre survie, plus de négatif, plus de travail, rien que du présent sans mémoire, parce que toute mémoire serait revivre l’agonie d’une mise à mort. »[59] 

 La jouissance, décrite dans Au-delà du principe de plaisir (Freud, 1920), combinée au concept de réel permettra à Lacan de proposer de nouveaux opérateurs conceptuels permettant de repenser la question du trauma. Lacan, dans Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, 1964 reprend la  logique d’Aristote et établit un distinguo entre tuché et automaton, les deux modalités de rencontre avec le réel. [60]La tuché est une cause par accident, un heurt avec le réel. La tuché se situe au-delà du mécanisme de répétition. Lacan dans les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse qualifie cette rencontre de manquée puisque on ne peut l’inscrire nulle part. C’est un trou dans le monde des représentations. La tuché, mauvaise rencontre avec le réel mène le sujet à la confrontation avec la jouissance incestueuse de la Chose. Le réel n’est plus contenu dans les limites de la Loi du signifiant (qui borde la chose) et envahit les registres de l’imaginaire et du symbolique.

L’automaton  est une tentative de symbolisation du réel, l’insistance à symboliser ce qui n’a pas pu l’être. La répétition se range du côté de la pulsion de mort, c’est une volonté de recommencement. Répéter, c’est échouer encore à réussir ce qui a déjà échoué, effacer l’évènement traumatique, c’est le conserver. [61]

Le trauma refoulé fait retour sous la forme de la répétition qui répète toujours la même chose, sans déplacement, histoire sans histoire, fermée sur le devenir. Les apports de Claude Barrois (1998) se tournent vers l’étymologie pour indiquer la répétition pettio en latin (requête, réclamation) dont le préfixe re insiste sur la réitération du comportement. [62]. C’est un acharnement à trouver un lien, une réponse. Cela peut  nous éclairer sur les compulsions commémoratives que nous avons évoquées ainsi que sur l’insistance du déni. Il s’agirait alors de répéter pour tenter d’intégrer le trauma à l’organisation symbolique.  

La face positive de la répétition est de retrouver l’objet perdu : Das Ding. C’est la mère qui  occupe la place de ce Das Ding. Pour Freud, la Chose, Das Ding, noyau du Moi est inaccessible par voie de remémoration, irreprésentable, elle laisse des traces. Elle induit la compulsion de répétition reliée à la pulsion de mort. Cela est en rapport avec le fantasme originaire de réintégration du sein maternel Freudien, la chose y représentant le souverain bien, objet de l’inceste interdit au sujet. La Chose est un trou, un vide qui recèle la vérité originaire du réel du sujet. C’est quand la Loi défaille qu’on peut s’en approcher. Dans la vie ordinaire, cette rencontre est toujours ratée. Dans le cas du génocide, la morsure du monstre est omniprésente.

 Lacan désignera le réel par le trop-matisme, pour indiquer la quantité d’excitations psychiques qu’il mobilise et  par le trou-matisme. Le trou du troumatisme n’a ni bord ni fond. « Il incarne ce désordre absolu qu’est le mal ».[63]Le regard qui en sort est le regard de Méduse. Le corps, soumis à ce regard perd son statut de vivant pour se transformer en statue de pierre. La statue de pierre, c’est la rigidité de la mort et tel est le cas pour l’extermination collective.

Dans la conception Lacanienne, le trauma est autre chose qu’un forçage de la barrière protectrice du pare-excitation. Das ding (Freud, 1895) est une extériorité qui se forge par la rencontre d’une altérité primordiale dont elle s’origine. Le troumatisme, l’incident traumatique dérègle le fonctionnement du principe de plaisir, le sujet n’est plus porté par le désir et reste sans médiation à la Chose, confronté à la jouissance. La Chose a une composante intime : trou, vide central de l’être, lieu de l’insupportable. Le sujet « s’abîme dans le réel d’une jouissance ineffable, hors la loi et traumatisante. »[64]. Le réel a une dimension ex-time, La Chose est ce qu’il a de plus étranger à soi (le trauma originel) mais aussi de plus intime (car issue de l’expérience première et archaïque de l’Autre maternel).

 Pour Françoise Dolto, le traumatisme est une perte de la croisée du temps et de l’image du corps qui anéantit l’identité. C’est un abus de pouvoir et la survie passe par l’inscription d’une limite avant et après.

 Eric Calamote, dans sa thèse de doctorat, [65] reprenant l’adjectif de Saint Augustin nous parle de l’informité du traumatisme, comme fragilité de configuration de cette expérience. Cette informité ne pourrait se réduire à aucune figure ni aucun objet, aucun affect précis mais serait repérable par les distorsions, notamment spatiales ; composée d’éléments fragmentaires, il s’en dégagerait un sentiment d’étrangeté. Dans cette informité, l’auteur verrait la possibilité de relancer le processus d’élaboration de l’expérience traumatique, car il l’interprète comme tentative d’organiser le chaos (cela nous renvoie à l’interprétation du délire comme tentative de guérison), et s’étend à tous les domaines, y compris perception, langage et mots.

Enfin, revenant à l’étude du deuil qui a initié ce travail, rapprochons deuil et traumatisme. Marie Frédérique Bacqué [66] caractérise les deuils post-traumatiques comme une situation de mort collective, ou de menace de mort dont l’endeuillé réchappe. Cet auteur indique que le survivant est frappé par un double traumatisme :  mort de proches ou d’inconnus, et a échappé à la mort. Elle note que pour les deuils post-traumatiques, les troubles empêchent le travail de deuil ; La perte traumatique engendre des images mentales répétitives. L’appareil protecteur, pare-excitation nommé ainsi en 1920 par Freud dans Au-delà du principe de plaisir, est rompu et des excitations inélaborables envahissement le psychisme du sujet. L’impuissance face à la situation s’accompagne d’une déliaison des affects, d’une absence, d’une dissociation. Ceci est appelé dissociation péri-traumatique résultant du deuil d’autrui et de la menace de mort pour soi. Il s’agit d’accomplir un double deuil.

IIF2- Traumatisme choisi, moyen de défense ?

Il y a le traumatisme individuel mais aussi le traumatisme originaire de la civilisation qui est le meurtre du père primitif. Le traumatisme de masse peut devenir traumatisme originaire et devenir une marque d’appartenance pour le groupe visé.

Le trauma massif de grand groupe est celui qu’un groupe ennemi a délibérément infligé à un autre groupe. Les membres d’un grand groupe traumatisé, comme l’indique Volkan Vamik[67], ne peuvent pas effectuer un processus de deuil ou transformer honte, humiliation, impuissance. Les tâches psychologiques qu’ils ne peuvent effectuer suite au trauma sont transmises aux enfants. Le Trauma « choisi » devient une marque identificatoire pour le grand groupe, une marque signifiante. « Ce qui devient important, quand un événement se transforme en trauma choisi, c’est le fait que le grand groupe porte en lui, de génération en génération, non seulement la représentation mentale de l’événement traumatique, mais aussi les sentiments partagés de blessure et de honte qui y sont associés et les défenses mentales contre les conflits perçus, également partagés, que ces sentiments font naître ».[68]

 Le trauma peut être un moyen de défense pour faire survivre le groupe lorsque son identité est psychologiquement menacée. Aux Etats-Unis, un réseau social des « enfants de survivants » s’est constitué, juifs américains qui désignent la Shoah comme leur lieu de naissance, qui est aussi un acte de mort. La nomination de l’origine semble être une tentative d’évitement du retour de la mort réelle, une sorte de conjuration. Cette tentative de symboliser la mort afin d’éviter le sacrifice dans le réel. Ce trauma sert de lien dans le grand groupe pour une identité partagée. Ce lien est fort car, à la différence des gloires des ancêtres, nommées par l’auteur gloires choisies, les traumas choisis engendrent des tâches psychologiques inachevées et transmises aux générations futures. Ceci est renforcé par  une identification aux adultes de la génération précédente. Les tâches transmises sont celles de finir d’accomplir les processus de deuil et transformer honte et impuissance associées aux images déposées. Un trauma choisi peut devenir un marqueur permanent de l’identité du grand groupe concerné. Cela peut  être par la suite manipulé par les leaders politiques ou religieux. La temporalité pour le trauma est logique et pas chronologique, cela peut donc s’étaler sur plusieurs générations.

Ce sont des formes de trauma très intenses ; déshumanisation,  déportation, humiliation, torture, destruction de la famille, de la communauté, du monde familier. Cela induit que l’individu perd son sens de la continuité d’avec le passé, son sens d’une identité et sa sécurité. Les dommages psychiques sont souvent irréversibles.

 

IIG –La morsure du monstre ; le réel

La fonction fondamentale de l’inconscient est de produire l’inconscience du réel. Le monde du génocide est une émergence du Réel, morsure du monstre ; la plongée dans le réel que représente le camp et le génocide sont relatés par Jorge Semprun : « un rêve à l’intérieur d’un autre rêve sans doute. Le rêve de la mort à l’intérieur du rêve de la vie. Ou plutôt, le rêve de la mort, seule réalité d’une vie qui n’est elle-même qu’un rêve.[…] rien n’était vrai que le camp, voilà. Le reste, la famille, la nature en fleurs, le foyer, n’était que brève vacance, illusion des sens. »[69]

Le monstre échappe à la limite humaine définie par la loi symbolique. Le monstre fascine. Cela appelle le silence de la parole. Le silence monstrueux défait le lien qui noue au symbolique. Le réel n’est pas limité et contamine ou abolit le symbolique. Dans l’extermination, visible et invisible ne sont plus enchaînés, en continuité. L’invisible, se déchaîne comme un monstre angoissant. Le traumatique est du registre du Réel car concernant essentiellement le corps et la pulsion.

Freud observe que tout sujet pris dans le langage rencontre un jour le Réel : l’impossible à dire et à symboliser. « la rencontre avec le Réel produit une névrose traumatique élémentaire, c'est-à-dire du refoulement, que produit, par surcroit, l’effroi. [70] »

Lacan a parlé du camp « comme réel de notre temps, ainsi que de la fascination de l’homme pour les dieux obscurs, réclamant des sacrifices humains »[71]. Dans les Quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse,  Lacan dira même qu’à l’origine de l’expérience psychanalytique, le réel s’est présenté sous la forme du trauma, réel inassimilable. Le réel pour Lacan est ce qui fait obstacle au principe de plaisir, au-delà de l’automaton c'est-à-dire de l’insistance des signes, le réel échappe à la symbolisation. En ce sens, les évènements violents et inattendus, provoquant l’effroi sont en dehors de toute symbolisation..

 Pour Lacan, le réel ne se définit que par rapport au symbolique et à l’imaginaire. Ce terme apparait en 1953 dans la conférence du 8 juillet, Le symbolique, l’imaginaire et le réel.

Cette notion au départ était synonyme de réalité extérieure, mais ensuite, Lacan distinguera (le mythe individuel du névrosé) réel et réalité. Ceci est  lié à l’étude du mécanisme des psychoses qui est la forclusion, c'est-à-dire enfermer dehors. [72]

 Cette dimension caractérise le traumatisme, mauvaise rencontre du réel du sexe et de la mort. Le symbolique l’a expulsé dans la réalité. Il est défini comme impossible, ne peut être symbolisé dans la parole ou l’écriture et « ne cesse pas de ne pas s’écrire. ». Il revient toujours à la même place et est inassimilable pour le sujet et par le sujet. On ne peut pas l’atteindre par la représentation.  C’est le symbolique qui tient le réel en lisière, comme dans le cas du rêve. La reconnaissance du symbolique suppose pour le sujet la reconnaissance de la castration et l’assomption de la fonction paternelle.

Le réel, qui est là avant l’apparition du symbolique est le plus souvent incarné par la mère. Le père, par son intervention symbolique évite à l’enfant d’être à la merci du désir de la mère. Le réel est à distinguer de la réalité. Le réel  revient toujours à la place où le sujet ne le rencontre pas, ou bute sur lui.

Le signifiant est le support du symbolique et permet d’inscrire « la castration symbolique qui constitue le cadre de la perception de la réalité. »[73].

 La dimension symbolique mise en place par le sujet recouvre le réel et le cerne.  Le réel est donc sous-jacent à toute symbolisation. Lacan essaiera de l’écrire avec les signes de la logique. Les signes de la logique reposant sur la formalisation symbolique, Lacan inventera une écriture qui présentera matériellement le réel avec l’aide des nœuds. Le réel nommable : ténèbres venues de la nuit voisine avec le réel innommable, l’abîme. Le réel est indéfiniment efficace ; lorsqu’il se déchaîne, le sujet a le recours du signifiant du  Nom-du-Père pour « enchaîner l’immonde à la chaîne symbolique qui fait tenir le monde […] qui substitue le distinct au diffus et la discrimination à la confusion. »[74]

 Enfin, pour saisir pleinement ce que ce surgissement du réel induit, éclairons nous à l’apport théorique Lacanien de fantasme fondamental qui s’articule avec celui de signifiant maître

Lacan parlera de S1, signifiant maître commandant à S2. S2 est le signifiant qui vient après S1 dans le discours et qui est le savoir. Cela représente l’aliénation du sujet à un autre sujet. C’est l’hainamoration, dépendance qui permet d’obtenir l’amour.  Le signifiant maître est la mort .Il faut au moins deux signifiants : le signifiant maître représente un sujet pour l'autre signifiant mais il y a toute une part des effets du signifiant qui échappe totalement à ce que nous appelons couramment le sujet. Signifiant maitre : Lacan détermine quatre signifiants maîtres qui sont ainsi désignés, parce que sans signifié : la mort, la jouissance, le phallus et le nom du père. La dépendance donne une place qui permet de rendre possible l’atteinte de l’autre ; l’agression de la place est un meurtre symboligène. C’est le cas dans le génocide

 Pour relier la vie entre les morts et les  vivants, il y a inversion de l’ordre des générations. L’enfant se couche dans la tombe, comme le décrit le poème de Brodsky

Le cimetière juif près de Leningrad[75].
« Ne semaient pas de blé.
Jamais ne semaient de blé.
Mais se couchaient eux-mêmes
Dans la terre froide, comme des graines.
Et s’endormaient à jamais ;
De terre on les recouvrait,
On allumait des cierges, Et le jour des morts
Des vieillards affamés, d’une voix aigue
Suffoquant de froid, suppliaient d’être apaisés.
Et ils l’obtenaient.
Une fois la chair décomposée »

[1] http://www.netarmenie.com/culture/poesie/tourian.php

[2] Cours EAD M2 2011-12 CAUSSE J.D, Freud et le lien amoureux dans   La ligature de l’amour et de la haine en psychanalyse

[3] WAINTRATER  Régine, « Refus d'hériter : la transmission au regard du génocide », Champ psychosomatique, 2011/2 n° 60, p. 141-154. DOI : 10.3917/cpsy.060.0141 P 2

[4] STORA Benjamin, historien, , entretien spécial Algérie, Télérama N° 3244, du 17 au  23 mars 2012  p 18

[5] HADDAD Gérard, Lumière des astres éteints, la psychanalyse face aux camps, Grasset, 2011, p 76

[6] LEVI Primo, Les naufragés et les rescapés. Quarante an après Auschwitz, Paris, Gallimard, 1989, p 20

[7] Source  amnésie internationale, colloque Marseille, 24 mars 2012.

[8] CHALIAND Gérard  , Mémoire de ma mémoire, Julliard, Paris, 2003, p 95

[9] GURFINKIEL M., « Un devoir de mémoire, » Ed. aplpéhe-Jean Paul Bertrand cité dans HADDAD Gérard, Lumière des astres éteints, la psychanalyse face aux camps, Grasset, 2011, p 119

[10] LEVI Primo

[11] PIRALIAN Hélène, http://www.atlantico.fr/decryptage/senat-vote-loi-penalisation-deni-genocide-armenie-turquie-helene-politique-psychologie-peuples-piralian-simonyan-2776

[12] HADDAD Gérard, Lumière des astres éteints, la psychanalyse face aux camps, Grasset, 2011, p 276

[13] LEVI Primo Si c’est un homme , Julliard, 1987 

[14]RITHY PANH,  L’élimination , Grasset, janvier 2012, p 205

[15] MOLINA Simone, Archives incandescentes, Ecrire entre la psychanalyse,  l’histoire et la politique, Coll Che Vuoi ?  L’Harmattan, Paris, 2011, p 128

[16] STORA B, dans MOLINA Simone, Archives incandescentes, Ecrire entre la psychanalyse, l’histoire et la politique, Coll Che Vuoi ?  L’Harmattan, Paris, 2011, p 11

[17] SEMPRUN, Jorge, L’Ecriture ou la vie, Paris, Gallimard, NRF, 1994, p 171

[18] SEMPRUN, Jorge, L’Ecriture ou la vie, Paris, Gallimard, NRF, 1994,p 205

[19] SEMPRUN, Jorge, L’Ecriture ou la vie, Paris, Gallimard, NRF, 1994,p 235

[20] Ibid page 239 Semprun

[21] Télégramme de Tallat à ses valis 1915

[22] CHALIAND Gérard  , Mémoire de ma mémoire, Julliard, Paris, 2003,p10

[23] PEREC Georges, W ou le souvenir d’enfance, Denoêl, Paris, 1975

[24] SALIGNON B., Cours V22PHP7 2010-2011, p 14

[25] Ibid. 18

[26] FREUD S., Inhibition, symptôme et angoisse PUF , Paris, 1973.

[27] Abréaction : apparition dans le champ de la conscience d’un affect jusque là refoulé, source CHEMANA R. VANDERMERSCH B.,  Dictionnaire de la psychanalyse, Larousse, Paris, 2002

[28] SEMPRUN, Jorge, L’Ecriture ou la vie, Paris, Gallimard, NRF, 1994, p 245

[29] COLLECTIF     Avis de recherche, une anthologie de la poésie arménienne moderne,  Ed Parenthèses, Marseille, 2006, p 87

[30] CHEMANA Roland, VANDERMERSCH Bernard, Dictionnaire de la psychanalyse,
Editions Larousse, Paris, 2002, p 438

[31] HADDAD  Ibid, Ibid p 123

[32] ALTOUNIAN, Ibid

[33] BETTHELHEIM Bruno, La forteresse vide, Ed Gallimard, Paris 1969, Coll connaissance de l’inconscient, p 24

[35] Contraction des mots parler et d'être. Mot initié par Jacques Lacan.

[36] le trait unaire (traduction par Jacques Lacan de « l’Einziger Zug ») est ce qui fonctionne comme support de la différence. Le trait unaire est ainsi une inscription, mais n’est pas une écriture au sens de l’écriture alphabétique.

Par son élaboration Jacques Lacan s’est intéressé à la marque distinctive qu’est chaque sujet dans le langage. Cette marque a été repérée comme étant le trait unaire, soit une inscription. Et Jacques Lacan a fait du trait unaire l’attache liant le sujet au langage.

[37] FREUD S. Deuil et mélancolie, 1916

[38] FREUD S., Introduction à la psychanalyse, 1916

[39] Cours EAD M2 2011-12 CAUSSE J.D, Freud et le lien amoureux dans « La ligature de l’amour et de la haine » en psychanalyse,  p22

[40] GREEN Andre, La négation et le négatif dans la psychanalyse contemporaine, 25 mars 2003rencontre avec A. Green, fichier son, Denis Diderot, Paris, Dans le cadre du CYCLE DE CONFERENCES proposé par l'Institut Roland Barthes, Université Paris 7-Denis Diderot

[41] LACAN J., Le séminaire, XVIII, D’un discours qui ne serait pas du semblant, Seuil, 1971

[42] SEMPRUN, Jorge, L’Ecriture ou la vie, Paris, Gallimard, NRF, 1994

[43] MOLINA Simone, Archives incandescentes, Ecrire entre la psychanalyse,  l’histoire et la politique, Coll Che Vuoi ?  L’Harmattan, Paris, 2011, p 89

[44] LEVI Primo, Les naufragés et les rescapés. Quarante an après Auschwitz, Paris, Gallimard, 1989, p 24

[45] PHAY VAKALIS Soko, « Le génocide cambodgien » Déni et justice,Études, 2008/3 Tome 408, p. 297-307

[46] DAVIDSON Shamai, Holding on to Humanity, publication de l’institution sur l’Holocauste et le Génocide, Jérusalem, New York, University Press, 1992, cité dans Haddad p 262

[47] Soumgait déclaration d’un homme armé d’un haut parleur place Lenine.

[48] PIRALIAN Hélène p 108

[49] ALTOUNIAN Janine,  La survivance, traduire le trauma collectif, DUNOD 2000 , p 49

[50] ALTOUNIAN  Jeanine, La survivance, traduire le trauma collectif, Dunod, 2000, p 84

[51]  MILLER Gérard, psychanalyste,  http://www.gerardmiller.fr/index.php/nouvelles-darmenie

[52] D’après CHEMANA Roland, VANDERMERSCH Bernard, Dictionnaire de la psychanalyse,
 Editions Larousse , Paris, 2002

[53] LE GUEN Claude, Le refoulement, que sais-je, puf, Paris, 1992, p 63

[54] D’après CHEMANA Roland, VANDERMERSCH Bernard, Dictionnaire de la psychanalyse,
 Editions Larousse , Paris, 2002

[55] FREUD S., Analyse terminée et analyse interminable

[56] FREUD S, Introduction à « sur la psychanalyse des névroses de guerre, dans  Résultats,
idées, problèmes, I, 1890-1920, Puf, 1984

[57] FREUD S., Inhibition, Symptôme, refoulement

[58] BOTELLA  (C. et S.), « Le négatif du trauma », in La figurabilité psychique, p.154.        cité dans la Thèse de, CALAMOTE Eric Pierre - Université Lyon 2  thèse - 2011

[59] GREEN A, Le négatif, p 33 cité dans la Thèse de, CALAMOTE Eric Pierre - Université Lyon 2  thèse - 2011

[60] LACAN , 1964

[61] D’après le Cours de Monsieur Causse, EAD M2 2011-2012

[62] BARROIS, C. 1998. Les névroses traumatiques, Paris, Dunod.

[63] DIDIER-WEILL Alain, Les trois temps de la loi, La couleur des idées, Seuil, 1995, p 285

[64] CABASSUT Jacques , HAM Mohammed « Entre névrose traumatique et fantasme : la question du père », Cahiers de psychologie clinique 1/2006 (no 26), p. 228

[65] CALAMOTE  Eric, L’informité du traumatisme, thèse de de doctorat en psychologie, Sciences de l’éducation, psychologie, Université Lumière Lyon 2 , juin 2011

[66]BACQUE Marie-Frédérique, « Deuil post-traumatique et catastrophes naturelles »,Études sur la mort, 2003/1 no 123, p. 111-130. DOI : 10.3917/eslm.123.0111

[67] VAMIK Volkan., « Le trauma massif : l'idéologie politique du droit et de la violence », Revue française de psychanalyse, 2007/4 Vol. 71, p. 1047-1059. DOI : 10.3917/rfp.714.1047

[68] Ibid page  6

[69] SEMPRUN, Jorge, L’Ecriture ou la vie, Paris, Gallimard, NRF, 1994, p 252

[70] MOLINA Simone, Archives incandescentes, Ecrire entre la psychanalyse, l’histoire et la politique, Coll Che Vuoi ?  L’Harmattan, Paris, 2011, p 88

[71] HADDAD Gérard, Lumière des astres éteints, la psychanalyse face aux camps, Grasset, 2011, p 46

[72] For de fores,forium – dehors- et clore de claudo,claudis,claudere,- enferme, fermer.

[73] CHEMANA Roland, VANDERMERSCH Bernard, Dictionnaire de la psychanalyse,
Editions Larousse , Paris, 2002, p 261

[74] DIDIER-WEILL Alain, Les trois temps de la loi, La couleur des idées, Seuil, 1995, p 52

[75] BRODSKY, Brodsky ou le procès d’un poète, commentaire de E. Etkin, livre de poche bibio essais, cité dans Piralian.