Tariq Ramadan condamne la négation du génocide des Arméniens

Je pense tout d’abord que toute attitude qui consiste à nier les faits historiques, est inacceptable et contre productive.

Dans cette interview exclusive accordée à Nouvelles d’Arménie Magazine, Tariq Ramadan,l’un des intellectuels musulmans les plus brillants et les plus écoutés, reconnait le génocide des Arméniens, condamne sa dénégation et appelle les autorités religieuses et politiques du monde islamique à œuvrer en faveur de la réconciliation arméno-Turque.

Nouvelles d’Arménie Magazine : Connaissez-vous et reconnaissez vous le génocide des Arméniens ?
Tariq Ramadan : Je le connais et le reconnais. Pour moi, la réalité historique du génocide arménien n’a jamais fait l’ombre d’un doute. Et il me semble à ce propos, qu’en Turquie même, les choses commencent tout doucement à évoluer. Si on en n’est pas encore au stade de la reconnaissance par l’autorité actuelle, et on y était encore moins par la précédente, on constate une certaine évolution de la pensée formulée par Ahmet Davutoglu, ministre turc des Affaires étrangères qui fait un peu avancer le dossier. Je pense que de plus en plus de forces en Turquie aimeraient dépasser ce clivage et entamer une vraie réconciliation. Je me situerais dans cette perspective.

NAM : Avez-vous eu l’occasion de rencontrer les dirigeants turcs actuels ?
T. R. : J’en connais beaucoup.

NAM : Comment appréciez-vous leur islamisme, dit modéré ?
T. R. : Si on considère les personnes, au premier rang desquelles Tayyip Erdogan, on s’aperçoit qu’elles ont énormément évolué au cours des vingt dernières années. Et des analystes estiment même qu’elles ne sont plus islamistes. Il me semble quant à moi que la référence islamique reste pour elles extrêmement importante. Il faut tenir compte des pressions liées à l’histoire même de la Turquie et au fait que l’armée pèse toujours fortement dans le jeu politique. Je pense que dans leur reconsidération, dans leur réévaluation des priorités, des choses très intéressantes demeurent, comme la volonté d’aller vers l’Etat de droit ou de lutter contre la corruption. Leur position par rapport à l’Europe, leur volonté d’être jugé sur les principes et non pas sur le caractère majoritairement islamique de leur société est une bonne chose. Maintenant, espérons que les changements se dérouleront de façon plus rapide et plus transparente.
Leur tâche me paraît cependant compliquée compte tenu des contraintes auxquelles ce pays doit faire face dans ses relations internationales, les rapports avec les Etats-Unis, les tensions avec Israël, les liens avec le monde majoritairement musulman, et ce, sans compter les difficultés dans les négociations avec l’Europe.

NAM : En tant que musulman, comment vous situez-vous par rapport au négationnisme. Ce mode de pensée vous gêne-t-il, vous heurte-t-il ?
Comprenez-vous cette position des dirigeants de l’Etat turc à l’égard de ce crime ? Trouvez-vous tolérable qu’ils aient entretenu leur propre peuple dans l’ignorance et le déni ?
T. R. : Je pense tout d’abord que toute attitude qui consiste à nier les faits historiques, est inacceptable et contre productive. Je me montre toujours très attentif aux termes que l’on emploie. Le négationnisme est extrêmement connoté, mais ce que vous venez de décrire, à savoir des dirigeants qui persistent à refuser la réalité historique, à nier un massacre, un génocide est problématique.
Encore une fois, clore le débat n’est pas dans mes habitudes. Mais une chose est de dire « le débat sur l’histoire doit être ouvert », et une autre d’affirmer que des faits pourtant avérés n’ont pas existé. Discuter des responsabilités, des causes, est une chose, mais on ne peut pas nier la réalité de ce qu’a été effectivement et historiquement ce génocide.

NAM : Cette dénégation du génocide arménien va-t-elle à l’encontre des principes de votre religion ?
T. R. : La dénégation de faits historiquement avérés est contraire à l’honnêteté intellectuelle exigée par toutes les religions. La dénégation est contre les principes de ma religion et contre les principes de la conscience humaine. On ne peut pas nier les événements. J’ai entendu un certain nombre de dirigeants turcs...

Propos recueillis par Ara Toranian.
La suite de cette interview dans le numéro 159 de Nouvelles d’Arménie Magazine.
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