Heinrich Vierbücher

Arménie 1915

Témoignage d'un officier allemand

Le vieux maréchal

Le journal Deutsche Allgemeine Zeitung du 28.4.1927 publie une lettre du feld-marchal von der Goltz du 22.11.1915, écrite depuis Alep. Le maréchal écrit :

« … Le tunnel principal fut traversé le lendemain-matin et alors commença la descente dans la plaine de la Syrie du nord. Là, un tableau bien affligeant s’offrit à notre vue ; celui de foules d’Arméniens en fuite, devant être installées sur la pente du Taurus. Elles étaient dans un état d’indicible misère, car la sollicitude humaine est peu efficace quand les masses d’hommes sont d’une telle importance. Oh, la terrible tragédie humaine ! Sans nourriture, sans soins, sans défense, des milliers et des milliers marchaient vers un but inconnu. Beaucoup mouraient sur la route et restaient longtemps sans être enterrés. On avait l’âme remplie d’une infinie pitié sans pouvoir faire quoi que ce soit. Innombrables sont les tragédies que cette malheureuse guerre a déjà suscitées et combien d’autres en causera-t-elle encore ? »

Le maréchal von der Goltz, le « père de l’armée turque », qui a été durant une génération au service du Croissant, a très probablement été lui-même la victime de l’inhumanité de ses « fidèles » élèves. En été 1915, lors de l’enterrement de l’ambassadeur Wangenheim à Constantinople, j’ai vu le vieillard déjà bien fragile au milieu du convoi funèbre. Enver et un autre général soutenaient de leurs bras forts le maréchal visiblement souffrant. Quelle image émouvante de la fraternité d’armes germano-turque !

Von der Goltz mourut soudain en 1917 devant Kut-el-Amara. Nogalès y Mendez affirme dans son livre que l’homme abandonné a été maltraité sans scrupule par Halil Pacha. Nogalès écrit :

« À Kut-el-Amara, lorsque je promenai un regard sur le camp militaire, je vis qu’on avait logé le maréchal dans une petite tente sale dans laquelle on ne pouvait entrer que baissé. Et ceci, malgré les recommandations du lieutenant-supérieur H., faites avant notre départ de Bagdad, de ne laisser manquer de rien le maréchal. Les officiers turcs eux-mêmes s’étaient installés confortablement dans des tentes splendides, couvertes de bâches imperméables. Celles-ci leur étaient revenues comme butin ‒ ainsi que d’autres objets de luxe ‒ après la bataille de Ctesiphon, perdue par les Anglais.

« Dans la misérable tente, je rencontrai le maréchal étendu sur un pitoyable lit de camp. En le regardant, je compris immédiatement qu’il souffrait de faim. Bien entendu j’appelai aussitôt une ordonnance et fit apporter à son excellence un morceau de pain et une boîte de sardines que j’avais par hasard dans ma sacoche.

« Je m’assis sur le lit de camp et pris part au modeste repas du soir… »

Quelques jours plus tard, le maréchal était mort.

Le récit du Vénézuélien confirme ce que la plupart des Allemands de Turquie soupçonnaient…

Nos « alliés » !

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