Un devoir de mémoire

Marie-Ariette Carlotti

Députée Européenne Vice-Présidente
du Conseil général des Bouches-du-Rhône

Au tournant des XlXème et XXème siècles, un crime d'une ampleur jusque là inégalée a été commis contre le peuple arménien, au cours d'une période sanglante qui s'étale de la fin XIXème siècle jusqu'en 1922. Le génocide perpétré contre le peuple arménien est sans doute la première manifestation moderne de cette volonté d'éradication d'un peuple, d'une culture qui, par la suite, a ensanglanté l'Europe et le monde.

Les estimations les plus modérées font état de plus d'un million de victimes entre 1915 et 1922. Mais comment comptabiliser les corps réduits en cendres dans les fermes incendiées, les morts d'inanition recouverts par les dunes, les noyés du Tigre... Et si l'on ajoute à ce décompte macabre les assassinats massifs de 1894/1896 et de 1909, ce sont au total près de deux tiers des Arméniens qui ont disparu en un quart de siècle.

Sur ces événements, cent livres ont été écrits, mille témoignages ont été fournis déroulant tous la monotonie de l'horreur, la vérité effroyable, irréfutable : la chronique du génocide du peuple arménien.

A l'heure ou les derniers rescapés des carnages, les derniers témoins de l'exil s'éteignent doucement, le travail de mémoire s'impose plus que jamais.

Cette mémoire, c'est avant tout celle des jeunes générations arméniennes de Marseille et des Bouches-du-Rhône, qui se souviennent que l'enracinement de leurs aïeux en Provence se paya au prix fort, celui du sang.

Car c'est à Marseille que des milliers de rescapés vinrent échouer, portés par le ressac des événements. Marseille qui sut accueillir cette nouvelle population et permettre à ses immenses qualités de s'exprimer. La réussite de la communauté arménienne ne souffre que peu de comparaisons et demeure un exemple.

Cette réussite ne doit pas pour autant faire oublier le terreau tragique dont elle est issue. Certes les massacres d'Arménie appartiennent à l'Histoire. Mais une histoire proche, dont nous avons encore l'honneur et le privilège de côtoyer les derniers témoins directs.

C'est pourquoi, avec l'aide de Jean-Noël Guérini, Président du Conseil général des Bouches-du-Rhône, j'ai voulu apporter tout le soutien nécessaire à la publication de cet ouvrage sur la mémoire. Il met à la disposition de tous, au fil de pages souvent insoutenables, des textes devenus introuvables ou sombrant petit à petit dans l'oubli.

Se souvenir toujours pour construire l'avenir en retenant les leçons du passé.

Se souvenir pour que jamais plus un Hitler ne puisse déclarer, comme il l'a fait au moment d'envahir la Pologne : "qui se souvient aujourd'hui de l'extermination des arméniens ?".

Marie-Ariette Carlotti